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Critique de Ileauxtresors


« Une bouche pleine se tait, alors qu'une bouche vide… Ah ! ça oui, ils parlent ! »

De délectables pages que celles mijotées par Flore Vesco ! L'as de la littérature ado n'a pas son pareil pour pulvériser les contes pour mieux en révéler les partis pris et les petites morales pénétrantes. Dès l'annonce de ce nouveau titre, nous étions donc sur les dents.

Le prologue donne le ton et nous met en garde : l'histoire ne convient pas aux jeunes âmes – mes moussaillons se sont donc évidemment jetés dessus. Pour découvrir, éberlués, des pages charnelles et organiques, gorgées de sang, de bile, de salive, de larmes et d'entrailles qui crient famine. Ne comptez pas sur moi pour révéler le moindre centimètre carré de la chair de ce roman, vous n'avez qu'à enfourcher vos bottes de sept lieues et vous risquer au coeur de la forêt interdite pour vous faire une idée par vous-même !

« Je prends la parole au collet, ne vous déplaise. Si je ne l'attrape pas, jamais on ne me la donnera. Ce sont toujours les mêmes qu'on écoute : les rois soucieux, les reines en mal d'enfants, les princes en quête d'une épouse étonnamment spécifique. Parfois, oui, on veut bien s'intéresser à un pauvre, s'il est jeune et part à l'aventure. Mais les parents coincés dans leur chaumière, qui grattent la terre pour nourrir leurs enfants, et qu'on accable encore de taxes : eux n'ont pas voix au chapitre. »

Ce qui est étourdissant, c'est la narration chorale qui fait parler ceux que l'on n'a pas l'habitude d'entendre, renversant brusquement la perspective.

Dans ces pages, les existences sont ramenées aux corps qui ploient, craquent, frémissent et… aiguisent certains appétits. Car celle qui règne en maître sur l'ensemble est bien la Faim, celle qui gronde et tort le ventre, mine de l'intérieur et brouille le discernement au point que le drame semble inévitable. Perturbant, voire dérangeant, mais addictif.

J'ai trouvé que ce texte restait plus près de l'univers des contes que les précédents qui créaient une sorte de choc par leur décor historique plutôt réaliste. Nous avions adoré l'idée de transporter l'histoire du joueur de flûte de Hamelin dans le Saint empire romain germanique ou le conte de la princesse au petit pois dans l'Angleterre victorienne. Ici, l'ancrage réaliste m'a semblé moins clair : sommes-nous au Moyen-Âge ? S'agit-il plutôt d'une famille survivaliste vivant aux marges d'une époque plus récente ?

Ce sont peut-être ces doutes qui ont rendu la résonance contemporaine moins évidente que dans les romans précédents. Quoique des personnes soient régulièrement condamnées en France pour avoir volé de quoi manger et qu'on n'en parle pas beaucoup en littérature. Ce roman apporte aussi de l'eau au moulin des réflexions déjà amorcées sur les carcans genrés et les cinquante nuances de domination masculine. Il est encore question de l'âge adolescent, ses vertiges et prises de conscience. Et de l'hypocrisie bourgeoise qui boude les corps, s'efforce de les effacer et de dissimuler la bête qui sommeille en chacun de nous sous un vernis de conventions.

Saupoudrez l'ensemble de clins d'oeil à Saint Nicolas et Tomi Ungerer, Cendrillon et Boucle d'Or, et vous obtiendrez une savoureuse pépite gothique et féministe, à laquelle le rouge et le noir de la couverture siéent à ravir !
Lien : https://ileauxtresors.blog/2..
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