"Ne fais pas comme moi, ma fille, n'épouse pas un perdant, la passion est brève et l'existence est longue."
p37
Il fallait la voir, l'Impératrice, harnachée de la tête aux pieds. Plus de cinq mille dollars sur elle rien qu'en vêtements - sans compter la montre et les bagues. Des marques, des marques, encore des marques, les ongles faits, maquillée à outrance, un véritable pousse-au-crime. Encore quelques années et elle ressemblera à Ivana Trump.
p131
« Sans accès à la technologie, le révolutionnaire n'est qu'un farceur. »
Année 70. Takis, dans Radical Software, le journal des vidéos guérilla.
P250
"Ne te monte pas la tête, ne songe pas aux mauvaises choses, répétait toujours sa mère, et elles n'arriveront pas. Le malheur survient chez ceux qui en ont peur."
p199
- Un crime autorisé ! On remplace les hommes par des machines, et quand c'est impossible, on les remplace par d'autres hommes dans des pays où les lois oublient de punir l'exploitation, où les syndicats sont interdits. L'entreprise, et plus largement l'économie progressent au détriment de l'être humain. Mondialisation. Modernisation. Misère. On fait des économies d'échelle. On invente des nouveaux modes de gestion. On licencie et les profits explosent. On s'allie entre puissants, on organise les monopoles, on se vend, on s'achète, on se déplace, on sacrifie. De plus en plus gros, de plus en plus forts d'un côté, de plus en plus petits, faibles, morts de l'autre. C'est la fuite en avant. Près de la moitié de l'humanité vit avec moins de deux dollars par jour, attendant le jour où elle se lèvera pour marcher sur ceux qui l'ignorent. Dans les pays riches, les rangs des chômeurs grossissent inexorablement, la vie s'allonge, la population vieillit et les esprits vacillent, forgeant le creuset de prochaines catastrophes. Sur quels mensonges se construit notre société ! Le mouvement s'est emballé. Aucune conscience politique n'est assez forte ni généreuse pour l'enrayer. Le fleuve nous entraîne et nous tentons seulement de surnager, tête hors de l'eau, sans espoir de nous diriger. Nous ne demandons même plus d'être heureux, seulement de ne pas se noyer ; j'en ai la nausée...
Ils se saluèrent avec chaleur, Hello Wes, Hello Ferdinand, c'était une convention : entre personnages importants, on utilisait les prénoms, y compris lorsqu'on se connaissait à peine. On signifiait ainsi son appartenance à la petite bande des maîtres du monde.
Il aimerait se mettre au travail et savoi quel type d'ordinateur on lui a attribué. Il aimerait que cette journée passe vite, ainis que les suivantes et toutes les autres jusqu'au jour de sa retraite. Il aimerait être déjà mort.
Au fond de nous tous, interrogeait Ferdinand, ne sommeille-t-il pas un être bon, doué de générosité, prêt à sauver le monde ? Pouvons-nous au XXIe siècle nier que les schémas socio-économiques dans lesquels nous vivons cultivent l'injustice et accélèrent notre malheur ? Pouvons-nous nier que nos freins s'appellent le confort, l'argent, la peur ? Nous agissons individuellement pour sauver notre peau, car aucun d'entre nous n'a plus confiance en ce monde. Nous nous mentons, car nous connaissons tous la vérité. Nous nous savons gouvernés et pressés par l'économie libérale et la mondialisation. Nous voyons des millions de nos semblables broyés par le système, nous voyons des peuples entiers mourir à petit feu mais nous fermons les yeux, nous cautérisons de petites blessures en laissant le cancer se développer.
- Tu ne comprends donc rien ? On dirait que tu n'as aucune conscience du monde. Comme la plupart de tes congénères, tu ne te soucies que de l'instant présent, de ton quotidien étroit. Demain ne te concerne pas. Tu ne vois pas la crevasse et lorsque tu sauras que tu tombes, ce sera trop tard, tu seras déjà au fond. Le problème est là : la crevasse du monde. Les gens préfèrent croire que tout est simple, que tout ira bien. Ils créent eux-mêmes les conditions de leur aveuglement.
Après tout, quel mal y avait-il à lui proposer une soirée amicale ? N'était-elle pas sa plus proche collaboratrice ? Oui, quel mal y avait-il à se jeter du haut d'une falaise, les yeux bandés ?