La lecture d'Humanité, de
Rutger Bregman, m'a donné envie de relire ce livre de ma jeunesse, un livre que j'avais aimé. Mais apprendre chez Bregman que des expériences comme celles de Milgram ou celle de la prison de Stanford ont été en grande partie manipulées, vérifier l'info en lisant par exemple Histoire d'un mensonge de le Texier, m'a fait songer que je ne le relirais pas du même oeil. Et c'est bien ce qui s'est passé. J'ai, du haut de mon grand âge, trouvé, cette fois le style simpliste et pour tout dire de nature à donner à l'histoire un ton un peu caricaturale.
Voulant en avoir le coeur net, j'ai regardé ce qu'on pouvait trouver sur le sujet... une fois n'est pas coutume, c'est sur Wikipedia que le dossier est le plus renseigné : on y apprend que cette histoire, censée être basée sur des faits réels, prend sans doute de nombreuses libertés avec les faits en question. Et pour cause : ils sont non seulement très difficiles d'accès mais assez discordants selon les sources.
Bien sûr il s'est passé quelque chose dans la classe de Ron Jones. de là à en conclure que nous sommes tous de petits nazis en puissance c'est une absurdité : non seulement les actes commis par les suiveurs sont loin de relever d'un totalitarisme criminel mais il semble bien que les opposants fussent bien plus nombreux que ce que ne dit le roman (et les adhérents parfois plus joueurs qu'autre chose).
Il est en outre assez troublant de lire (sur Wikipedia toujours) que
Todd Strasser admet avoir fait oeuvre de fiction et reconnaît n'avoir jamais rencontré Ron Jones ; mais estime pourtant que la véracité historique de l'expérience compte peu au regard du caractère vraisemblable de l'intrigue... On en vient à se demander quel est l'objectif de l'auteur ? le même peut-être que celui de l'auteur de Sa majesté des mouches qui, lui, avait complètement dénaturé une histoire vraie pour faire passer des jeunes enfants pour des monstres d'égoïsme prêts à s'entretuer pour survivre quand, précisément, l'expérience vécue démontra que les comportements adoptés furent radicalement inverses : entraide et soutien.
J'adore les romans et même la science-fiction. Mais j'exècre les menteurs qui pour vendre un récit, au style franchement pas renversant, vous font croire que c'est de l'histoire. Laisser penser que sommeille en chaque individu un fasciste en puissance est un projet qui sert une idéologie. Ce ne sont pas les miens : ni l'un, ni l'autre.