Jusque-là, je cliquais en pensant être à l’abri. Personne ne pouvait connaître mon historique de navigation, quels profils je consultais sur les réseaux sociaux. Oui, jusque-là, j’avais l’impression d’être un fantôme qui épiait la vie des autres sans déranger personne, et sans intéresser non plus personne, et je découvre qu’on me traquait, moi aussi. C’est violent.
Afficher sa tête sur un écran, ce n'est pas un travail ni une création. Ce n'est pas un acte intéressant. Les réactions peuvent être violentes ou déstabilisantes, alors il vaut mieux avoir une bonne raison pour s'exposer publiquement. Et les reins solides. (p.231)
Mais la confrontation des idées c’est le début de la liberté, non ?
- On interdit aux enfants d'entrer dans un casino, enchaîne le pirate, pourtant ils peuvent rester des heures sur les réseaux sociaux.
- Ben ouais, c'est gratuit, intervient Ronan.
- Vous n'avez pas payé pour jouer au NƎB ?
- Ben non… murmure-t-on.
- Aucun joueur ni aucun spectateur n'a payé.
Alors comment le jeu génère-t-il de l'argent ?
- Avec la pub, répond Ronan.
- Mais il n'y a pas de pub dans l'interface du jeu ! Le contredit Amadou.
- C'est vrai, ça, j'ajoute.
- Il n'y a effectivement pas de spots de pubs comme à la télé, continue GRIMM. Ce que les concepteurs du NƎB ou des réseaux sociaux vendent aux annonceurs publicitaires, ce sont nos données: numéros de téléphone, mails, adresses postales, opinions politiques, religieuses, centres d'intérêt. C'est gratuit, car c'est nous le produit en vente.
p.182-183
Le coeur de mon cœur s'est fendu et c'est de l'amour qui s'en échappe, qui me fait trembler, pleurer et rire tout à la fois.
On croit que je me fiche de tout parce que j'ai le nez dans mon carnet, mais je vois clair, en fait. Je veux dire, je vois plus clair en dessinant les autres qu'en les observant dans les yeux. Si je ne parle pas au lycée, ça ne veut pas dire que je ne m'intéresse pas. Il y a plein d'élèves qui m'intriguent, je me demande comment sont leurs parents, leur chambre, ce qu'ils font de leurs week-ends, alors je cherche des infos sur leurs réseaux sociaux. Je vois passer toutes les photos des soirées auquelles je n'ose pas aller, tous les évènements que j'ai raté à cause de ma peur de me déplacer. C'est frustrant, et même douloureux, de me sentir à la fois si proche de certains élèves et dans une bulle.
p.78/79