Défi globe trotteurs : Pologne.
(je vais rédiger une critique de
Yentl, spécifiquement, et une autre d'un recueil de nouvelles où
Yentl figure, ce qui me permettra de faire apparaître plus ou moins de détails).
Mue par une "invisible et mystérieuse force",
Yentl souhaite approfondir la lecture et l'étude des textes (commencées avec son père décédé au début de la nouvelle) et méprise le reprisage de chaussettes, le plumage de volaille et autre levage de challot (le pain de Shabbat) -bref, les travaux féminins. Alors, elle ira jusqu'à déménager, se déguiser en jeune homme, se lier d'amitié avec un camarade et... épouser une femme (et consommer le mariage). Rappelons que dans le milieu du récit, on observe les commandements rabbiniques à la lettre et une personne portant les vêtements du sexe opposé (très loin des gender studies) est un démon. Et c'est une histoire proprement inconcevable, c'est dit et montré dans la nouvelle.
La narration de l'auteur, prix Nobel de littérature, est en même temps drôle, puissante, poétique et efficace. Elle est adaptée aux formes courtes. le dernier chapitre m'a été très appréciable :
La narration s'attache à la rumeur, et les rumeurs se font les narratrices. On change de focalisation : d'interne pour Yentl, on passe à externe. Chaque villageois brode car ne sachant pas tout, IL FAUT combler le vide et expliquer, quitte à être superstitieux. On dirait une forme de choeur de villageois cherchant à mettre une vérité devant un enchaînement de situation dont ils ne comprennent pas la logique. Un exemple : Anshel, avatar de Yentl, est un démon aux pieds d'oie (donc il manque les séances de bain, logique) mais dans ce cas, pourquoi a t il suivi les règles pour divorcer ? Comme si les démons rédigeaient de la paperasse.
Cette nouvelle, en dépit de son ancrage Yiddishland et de son aspect très archaïque (c'est parce que le cadre est archaïque que l'histoire contée est permise ! comme une histoire érotique se déroulera souvent chez les curés ou les soeurs), a une portée universelle. L'art du conteur yiddish, officiellement mentionné dans le cadre du Nobel, il faut en lire l'esprit pour en comprendre le sens. Tantôt marivaudage, tantôt féminisme (la condition féminine y est rabaissée, mais parfois aussi les femmes qui s'en contentent : comme pour faire réagir les lectrices), tantôt psychologie (focalisation interne, on a les pensées, les doutes et les angoisses de
Yentl, qui se croit folle), tantôt farce avec le personnage de Peshe, mé(na)gère dont le ronflement est aussi bruyant qu'une toupie.
Une nouvelle simple à lire et multifacette.