Dans le Japon contemporain, Mitsuko élève seule son fils Taro, un garçon de sept ans sourd et muet. Aidée par sa mère, elle tient une librairie d'occasion la semaine, et complète ses revenus dans un bar de nuit le week-end, en tant qu'entraîneuse, activité héritée de son lointain passé. Elle a connu des hommes, voyagé, côtoyé des gens d'affaires et de lettres mais mène désormais une vie solitaire de mère aimante et indépendante.
Lorsqu'une de ses clientes, une femme distinguée mère d'une petite fille, lui propose de se fréquenter pour que leurs enfants puissent jouer ensemble, Mitsuko est d'emblée irritée par cette intrusion dans son quotidien et se montre distante, froide, éludant les questions, elle qui ne recherche ni amie ni confidente. Pourtant au fil des jours la dame se fait insistante et semble de plus en plus troublée par leur rencontre.
Hôsuki est le nom de la librairie tenue par Mitsuko dans le roman, et est employé en japonais pour signifier le mot prière, mais aussi pour désigner la physalis. Ce double sens illustre bien le dualisme que peuvent revêtir certaines existences, et ces secrets qui innervent parfois toute une vie et ressurgissent au gré des circonstances, remuant alors la vase des souvenirs.
Ce roman très court et rapide à lire est comme une fenêtre ouverte sur un fragment de vie, qui offre un aperçu, emprunt de douceur et de délicatesse sur un parcours individuel de femme, passé du tumulte à la sérénité. Avec des mots simples, des phrases courtes et une écriture d'une grande sobriété, épurée comme un jardin japonais,
Aki Shimazaki, auteur francophone installée au Québec, va à l'essentiel pour exprimer l'amour d'une mère, le poids du passé, l'omniprésence des souvenirs dans nos vies, teintés ou non de regrets.
L'auteur dresse un portrait de femme déterminée qui assume ses choix sans souci des conventions, et décrit, en puisant par fréquents aller-retours au coeur des souvenirs, la lente construction personnelle d'une femme et d'une mère. le roman retrace l'évolution psychologique de cette femme dans son rapport à la maternité et au désir d'enfant, l'émergence de la fibre et le déploiement de l'amour maternels. Après un passé sulfureux et instable, Mitsuko a trouvé un équilibre dans la famille, dont elle rejetait pourtant farouchement le modèle, et s'agrippe à sa volonté de le maintenir coûte que coûte, quitte à adopter une réaction de repli et à recourir au mensonge pour préserver l'intimité du couple mère-fils. Souvenirs, secrets et mensonges sont alors tour à tour convoqués pour faire face à la situation qui vient bousculer son quotidien tranquille, l'irruption de l'étrangère, la rencontre avec l'autre femme, dont elle pourrait bien partager une partie de l'histoire…
Un petit roman comme une tranche de vie, fugace, poétique, qui rend aussi hommage à la langue, et à l'écriture japonaises, au sens et à la polysémie des mots.