Je comptais vous donner le tournis en alignant à la chaine les batailles, assassinats, traitrises, vengeances et changements de camp de la Fortune, mais je me suis dit que ce ne serait pas chic.
Shakespeare compresse dix ans d'événements de la guerre des Deux-Roses en cinq actes. Ces événements ressemblent à une balle de squash qui changerait un peu de couleur en rebondissant sur les murs, tellement ils se ressemblent. Au milieu de ce carnage en règle entre Lancaster et York pour une couronne se dégagent quelques grands personnages.
Henry VI bien sûr, un Lancastre. En fait un gars qui n'a jamais eu la carrure pour être roi, l'antithèse de son père
Henry V. Défaitiste, pas batailleur pour un sou. Si les combats autour de sa personne continuent, c'est surtout parce que sa reine Marguerite d'Anjou ne se laisse pas faire.
Richard d'York, un… York. Il a défait Henry et parvient à se faire nommer son héritier à la couronne. Mais il ne survivra pas à la bataille suivante.
Édouard IV, York fils du précédent. Il fait prisonnier Henry et prend sa couronne. Il est viré à son tour suite à la défection de Warwick – dit le Faiseur de rois – qui replace Henry sur le trône. Faut dire qu'il se comporte un peu comme un imbécile. Mais le sort se retourne à nouveau et il finira par consolider son statut de roi.
Richard, York, duc de Gloucester, frère d'Édouard. Il soutient « fidèlement » son frère, mais certains monologues annoncent sa trahison future (eh oui, c'est le futur
Richard III).
Et le fameux Warwick dont j'ai déjà parlé et qui mériterait un roman à lui tout seul.
Je parle d'Histoire et pas de théâtre. C'est parce que le théâtre, il n'y en a pas beaucoup. Hormis l'acte III qui montre une scène amusante faite de jeux de mots et quelques commentaires à part qui répondent au dialogue principal, on compte quelques tirades pathétiques de perdants et de mourants, des serments de fidélité éternelle qui tiennent le temps d'une scène et des rodomontades échangées entre ennemis.
Shakespeare n'est pas plus inspiré que dans les parties précédentes de
Henry VI. Même le passage montrant la tragédie de la guerre civile (un père qui tue son fils, un fils qui tue son père) est emprunté à Hall ou Holinshed.
Si on est loin du merveilleux théâtre de
Hamlet ou
Macbeth, cela se lit quand même sans déplaisir. Et il faut bien avouer que cela permet de faire le point sur une période fondamentale de l'Histoire d'Angleterre qui n'est pas souvent traitée dans les livres d'Histoire disponibles en France.