C'est tout d'abord la magnifique couverture en noir et blanc qui m'a séduite, puis ce beau titre qui laisse deviner la douceur et la beauté du texte.
Mais je suis bien embêtée à l'heure d'écrire ce billet, c'est souvent le cas lorsque je suis particulièrement touchée et émue par un livre. J'ai reculé ce moment pour prendre de la distance et pouvoir poser mes mots sur les émotions qui m'ont submergée à cette lecture. C'est sûrement parce que j'ai eu des animaux de compagnie, parce que j'ai aujourd'hui Maya, un chat qui réapprend à refaire confiance aux hommes après avoir été maltraité.
Lorsque l'on choisit de faire un bout de chemin avec un animal qui a une espérance de vie moindre que la notre, on accepte aussi bien les bons côtés que la fin de cette relation, inéluctable et douloureuse. Je sais qu'un jour je pleurerai à nouveau, que je mettrai du temps à m'en remettre, qu'il restera toujours en moi un petit pincement douloureux, mais ma vie ne peut se passer de la tendresse et de la proximité d'un animal.
« Prendre un chien, c'est accueillir un amour immarcescible, on ne se sépare jamais, la vie s'en charge, les déclins sont illusoires et les fins insoutenables. Prendre un chien, c'est se saisir d'un être de passage, s'engager pour une vie ample, certainement heureuse, irrémédiablement triste, économe en rien. L'issue de cette union ne fait aucun mystère, s'abandonner à la refuser ou n'entreprendre que de l'envisager, dans les deux cas, la tristesse rôde, rudoie et c'est une drôle de danse, roulis de chaque jour, pour que la joie prenne le pas, relègue cette évidence et l'étouffe. »
Beaucoup ne comprendront pas que l'on puisse pleurer un animal de compagnie, que sa mort puisse être un déchirement, qu'il faille du temps pour calmer sa peine, faire son deuil. D'autres, tout aussi nombreux je l'espère, comprendront mes mots, ceux de l'auteur.
Son amour pour son chien se ressent dans chaque ligne.
Cédric Sapin-Defour a trouvé les mots pour parler de l'amour que l'on peut ressentir pour son chien. Il a trouvé la sensibilité et la justesse du ton pour évoquer la perte et le deuil.
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C'est une belle histoire que l'auteur nous raconte. Une histoire de rencontre, d'amitié, de liens indéfectibles, d'amour.
Cette histoire commence par un rencontre un peu magique, magnifiquement décrite. Ubac est arrivé dans sa vie avec déjà la franchise et l'attention fixées au fond de ses yeux. Lorsque leurs deux regards se sont croisés, il n'a fait aucun doute que cette petite boule de poils était le compagnon qu'il recherchait. C'est un amour immédiat, inconditionnel, et puissant.
« Ce chien ne me lâchera jamais de son oeil attentif et je sais que par ces lucarnes de l'âme, au-delà de voir, il regardait et savait tout de moi dont ce que je m'efforçais à rendre invisible. »
Le sourire aux lèvres, j'y ai vu un miroir de ma propre rencontre avec Maya car je suis persuadée qu'elle m'a choisie, et non l'inverse. Les mots de l'auteur sont entrés en résonnance avec ma vie, mes pensées et ma conception de la vie.
L'auteur dresse un portrait d'Ubac rempli d'émotions, tout en respectant son animalité et en ne tombant jamais dans l'anthropomorphisme. Je me suis sentie proche d'Ubac et si cet attachement est unique et ne me concerne en rien, je l'ai aimé à travers les mots de l'auteur.
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La vie, avec ses sacs et ses ressacs, est mouvante, versatile. Elle navigue entre quiétude et douleur, gaieté et inquiétude, joies et silences, présence chaleureuse et vide profond.
« .. il semblerait qu'il n'y ait pas de droit durable au bonheur sans s'acquitter de quelques rançons. »
Ainsi, ce roman, parsemé d'anecdotes, s'articule autour de moments partagés, de souvenirs heureux, de joie, d'insouciance et d'intermèdes tristes, douloureux où l'on prend conscience que la vie à deux a une finitude... Jusqu'au moment tant redouté où il est temps de faire ses adieux.
J'ai aimé l'intimité et la franchise de ces pages, le lien subtil et profond entre l'homme et son chien, sa vision du monde dans laquelle l'animal est respecté. C'est un récit qui ne ment pas.
L'écriture est magnifique, sensible, sertie de phrases poétiques d'une incroyable douceur. Combien de phrases j'ai surlignées !
« Je t'exprime cela du bout des lèvres mon chien, ne pense pas appesantir ma vie, tu l'as tellement délestée, la balance est indéfiniment en ta faveur. »
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Par ses moments de partage où l'homme apprend de l'animal, l'auteur questionne sur notre rapport au temps et à la nature, sur ce lien que nous tissons avec les êtres vivants, sur la quête de sens et bien sûr sur l'amour, le deuil et la résilience.
« … aimer sans certitude de l'être en retour… je me demande si l'on ne tient pas ici la définition de l'amour véritable. »
Ubac est un guide, un éclaireur. Il redessine la vie avec de nouveaux angles, de nouveaux chemins, de nouvelles priorités. Il apaise la solitude et saisit l'instant présent.
« Ne rêvez plus votre vie, vivez vos rêves. »
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Pour conclure, "
Son Odeur après la Pluie" est un récit généreux, poignant, sensible et profond.
Il décrit avec poésie la relation étroite et unique qui peut nous unir à un animal. Certains passages m'ont fait venir les larmes aux yeux.
C'est un roman profondément humain et lumineux, un baume pour le coeur en ces moments d'une tristesse infinie où les hommes s'entredéchirent et s'entretuent.
« … je n'avais pas tout à fait fini de t'aimer. »