Citations sur L'écrivain pour enfants qui détestait les enfants (8)
À ce sujet, Gontran Pelpoir avait une théorie toute faite qu'il assénait aux écrivains “adultes” qui le toisaient d'un regard méprisant dans les festivals de livres.
L'art de la littérature jeunesse consiste à raconter des choses intelligentes déguisées en bêtises, soit l'exact opposé de la littérature adulte qui produit souvent de la bêtise déguisée en intelligence.
Prouf, le dragon qui pète connut un succès honorable, mais Gontran Pelpoir ne devint pas pour autant millionnaire.
Les éditeurs jeunesse, toujours en première ligne pour dénoncer l'injustice et la misère, avaient en effet la curieuse faculté d'oublier comme par magie leurs plus tenaces convictions au moment de la signature des contrats.
Sur chacun de ses livres vendus 10,90 euros, Gontran Pelpoir percevait 63 centimes. pg 37
Mais enfin ! Il y a forcément des techniques ! On un état d'esprit ! Pour écrire un conte, ne faut-il pas avoir gardé son âme d'enfant ?
Surtout pas ! s'exclama Gontran Pelpoir. Rien n'est plus épouvantable que d'avoir gardé son âme d'enfant !
Comment ça ? s'étonna le roi.
Qu'un enfant ait une âme d'enfant, c'est bien naturel. Il faut s'en accommoder ! Mais qu'un adulte l'ait conservée, et cela fera de lui un monstre ! N'avez-vous jamais remarqué que tous les malheurs du monde sont causés par des adultes qui ont conservé leur âme d'enfant justement ? Enfants, tyrans et dictateurs partagent les mêmes travers : caprice, impatience, égoïsme, et ignorance !
De plus, tu as clairement un point commun avec les plus grands auteurs jeunesse ! ajouta-t-elle.
Oh, vraiment ? Lequel ?
Le caractère de cochon ! Maurice Sendak, Roald Dahl ou Enid Blyton étaient de vraies teignes ! Et J.K. Rowling n'a pas l'air commode non plus ! pg 19
Mais être drôle, c'est un métier.
Et rester simple, tout un art !
Gontran Pelpoir réalisa qu'il était plus difficile d'être drôle et simple que de pondre des tirades lyriques et douloureuses qui font la renommée de bien des auteurs. Non, Gontran Pelpoir n'avait pas ménagé ses efforts. La littérature avait beau être sa passion, écrire lui avait toujours semblé une épreuve pénible et déplaisante. pg 29
Oh, ma foi, en théorie, la littérature jeunesse est une bien jolie chose, en effet. Mais comme tu le sais, les éditeurs sont avides d'argent et cela fait des décennies qu'ils emploient des hordes de scribouillards à peu près analphabètes pour noyer les enfants sous des montagnes de livres infâmes de médiocrité faisant perdre ainsi toute noblesse à ce genre !
Voilà pourquoi j'ai songé à toi ! Pour relever le niveau ! pg 18 et 19
C'est plus compliqué que ça, Gontran, soupira Anaïs. Ton sujet n'intéresse qu'une poignée de spécialistes ! Nous ne pouvons plus nous permettre de publier des ouvrages qui s'adressent à cinquante lecteurs. Nous avons été rachetés par un grand groupe de presse, tu sais ? Et les nouveaux directeurs exigent des livres à succès !
Oh, je comprends, répondit Gontran Pelpoir d'un ton pincé. Puisque l'argent décide de tout, nous ne travaillerons plus jamais ensemble ! C'était donc ÇA, la bonne nouvelle ! Eh bien, parfait ! adieu, Anaïs !
Il y avait cependant de sérieuses raisons à ce que Gontran Pelpoir ne devienne jamais un écrivain pour enfants, la principale étant que Gontran Pelpoir détestait les enfants.
Il ne leur vouait pour autant aucune haine. On peut même affirmer qu'il ne leur voulait aucun mal. Simplement, leur présence l'indisposait.
Il les tenait pour des êtres essentiellement bruyants, pénibles, crasseux, capricieux, et c'était d'après lui un signe d'excellente santé mentale que de ne pas rechercher la compagnie de telles créatures.
Quand, dans la rue, il croisait une femme enceinte, il ne pouvait s'empêcher de marmonner dans sa barbe « Était-ce bien nécessaire, madame ? »