« Au Pégase il y ceux qui sont là depuis toujours.
Le zinc, la bête et ce verre que l'on brandit, en guise de prière, entre soif de joute et d'immobilité. »
«
le Pégase » est le microcosme d'un monde en miniature. Un bar, port d'attache, ancre et résistance. L'idiosyncrasie d'un lieu pavlovien. Des rencontres fortuites, des retrouvailles journalières, furtives délicatesses, regards croisés, petites mesquineries. «
le Pégase » est le génie d'un village universel. L'écriture d'
Antoine Sanchez est un palais d'honneur. Un double langage poétique, essentialiste.
« le patron s'écoute radoter, une manière de rester en bonne santé.Le radotage, c'est l'oubli qui parle, la rumeur des tombes. »
Ce kaléidoscope, jour après jour est agissant. On a l'impression d'être au coeur même de cet endroit où les philosophies s'étirent d'aise. Les rancoeurs sont noyées dans les verres de vin. Chacun (e) connaît l'autre, l'heure du changement de cap. le journal abaissé pour mieux observer derrière la vitre celui ou celle qui passe et regarde dans même tempo l'assoiffé de tendresse. L'hospitalité est la pierre angulaire de la fraternité, le regain, l'entrechoc des tasses dans l'évier qui n'ont pas dit leur dernier mot.
« Mais le destin ne se soucie guère de nos petites espérances personnelles. Cercle atemporel, intangible, irréfragable, il trace, il broie, il favorise, il atomise, il règne. »
Antoine Sanchez donne la vie aux hôtes du Pégase. le bar est leur arche, l'île et « il y aura toujours des sanctuaires, des chemins de traverse habités par les ombres, à jamais glorieuses, affaiblies par la perte et pourtant ravivées par le sentiment d'être encore là, à l'arrière de la scène, priant, combattant, se rassemblant : à jamais survivants. »
Matrice où le lien devient liant, les habitudes des convoitises : cadeaux de noël. L'habitacle, contre-feux, l'abri qui résiste aux mauvais coups et aux vents contraires.
« On peut bien renaître ailleurs dans l'hypothèse de ce qui nous précède, devenir nous-même une hypothèse, un personnage parmi d'autres personnages.
«
le Pégase » est une fierté de lecture. le deuxième né d'une ligne éditoriale qui a tout compris.
« Les godets sont nos chandelles, la tête de cheval notre guide.
Je reste assise au Pégase, sève et bienveillance, connivence et concorde.
« La tête de cheval est là pour veiller sur nous. »
Ne pas bouger.Le soir ferme les rideaux et assiste au ballet nocturne de Raymond et Odile les maîtres des lieux. Qu'importe ! Demain il fera jour et tout recommencera. A la vôtre ! En lice pour le prix Hors-Concours 2021. Publié par les majeures Éditions L'atteinte.