Germain Chazès a 45 ans. Il mène une vie tout à fait ordinaire avec ses copains Annette, sa compagne. C'est un gros malabar qui pèse plus de 100kg. Sa mère l'a toujours traité avec méchanceté, le qualifiant d'imbécile, car il semble avoir été en retard sur le plan scolaire. Il est né d'une rencontre fugace, lors d'un bal de quatorze juillet avec un géniteur qui ne réapparaitra plus dans la vie de se mère par la suite.
Un jour en comptant les pigeons, assis sur un banc, il rencontre une petite dame âgée, Margueritte, qui vit dans la maison de retraite un peu plus loin, et cette rencontre va changer sa vie.
Ce que j'en pense :
C'est une belle histoire, comme on aimerait en lire ou en vivre une de temps en temps. D'une côté, un personnage un peu rustre, délaissé par sa mère pour laquelle il a toujours été un fardeau. Il a manqué d'amour maternel et s'est construit comme il a pu et pas si mal que cela tout compte fait. Il a ses copains avec lesquels il boit des verres ou joue à la coinche : Landremont, Jojo, Marco. Il y a aussi Francine, Annette.
Margueritte va lui faire partager son amour de la lecture, en douceur, en lui lisant des extraits des livres qu'elle a aimés et les leçons qu'on peut tirer de la lecture. Sa voix nourrit Germain autant que les mots qu'elle lit. Ainsi va-t-il découvrir « la peste » de Camus, « le vieux qui lisait des romans d'amour » de Sempuelveda, « la promesse de l'aube » de Gary…
J'aime beaucoup le parallèle que fait Marie-Sabine ROGER entre la culture de la terre et celle de l'intellect, la terre, il faut l'entretenir comme son jardin près de la caravane où il habite, on défriche, (« le syndrome du défrichage : dès que je me heurte à un problème, je cherche à l'éclaircir » P 128) on enlève les mauvaise herbes, on sème, on plante, on arrose on entretient cette terre pour qu'elle devienne fertile, et que puissent pousser légumes et fleurs.
Il en est de même dans notre tête, si on ne la nourrit pas, elle ne retiendra rien que des choses inutiles, alors que si l'on y sème des idées, des pensées d'auteurs, elle va peu à peu assimiler ce qu'écrit le romancier et comment il raisonne, et ensuite on pourra passer à l'étape suivante, penser par soi-même, faire des liens entre les pensées des autres, les siennes, ainsi va naître le raisonnement. Les mots vont pousser dans « cette tête en friche » et la transformer, l'enrichir. « Margueritte, sans le vouloir, elle m'avait déclenché une sacrée envie de réflexion, comme une bandaison de la cervelle » P 61
Peu à peu Germain va évoluer, se rendre compte que ses blagues parfois ne sont pas gentilles même si elles amusent les copains. Il va enrichir son langage avec des synonymes, se rendre compte qu'un dictionnaire ce n'est pas si facile que cela à utiliser quand on ne vous l'a pas appris et il va commencer lui-aussi à jouer avec les mots.
Cela nous donne des dialogues truculents, une complicité totale avec Margueritte qui vient jouer le rôle de la bonne mère, celle qui enseigne, celle qui aime qui prouve à Germain qu'il n'est pas idiot et qu'il peut apprendre, il n'est pas trop tard.
En écoutant Margueritte, on se rappelle qu'il « faut cultiver son jardin » comme disait Voltaire, la lecture nourrit comme la terre, et il n'est jamais trop tard. Rien n'est figé pour toujours.
Ce livre est un bijou,
Marie-Sabine ROGER nous raconte une belle histoire, où l'amitié est le terreau, qui va enrichir le jardin personnel de chacun des deux protagonistes. Un conte philosophique comme je les aime, car l'auteur ne cherche pas à nous prouver une théorie, elle nous montre qu'on peut partager, donner à l'autre un peu de ce qu'on a et qu'on reçoit toujours un cadeau en échange.
Note : 8,5/10
« L'affection, ça grandit sous cape, ça prend racine malgré soi et puis ça envahit pire que du chiendent. Ensuite, c'est trop tard : le coeur, on ne peut pas le passer au Roundup pour lui désherber la tendresse »
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