Comme des flèches noires, trois mustangs, magnifiques dans l'vresse de leur liberté, surgirent de l'entrée du ravin qu'ils traversèrent au grand galop, crinière au vent. Le martèlement rageur de leurs sabots sur la rocaille déchira le silence embrasé de l'après-midi. Ils montèrent à l'assaut du versant ensoleillé des collines ocres qu'ils escaladèrent sans presque ralentir leur course, s'immobilisèrent un instant sur l'arête ondulante découpée sur le ciel puis ils disparurent de l'autre côté, absorbés par le désert. Comme s'il espérait leur retour, le vieux cow-boy, clignant des yeux sous le bord de son large chapeau, fixa son regard durant quelques minutes sur l'endroit où ils s'étaient évanouis.
Les mustangs dévalaient maintenant la pente raide qui les jeta dans un nouveau ravin. La lumière blanche du soleil écrasait le paysage.
Alors , le vieux soliloqua :
« … Désiré les sauver … Bons chevaux … Suppose qu'ils viennent du temps des bisons et des longues-cornes du Texas … Tout ça, aujourd'hui, c'est de la romance, du mystère, de la tradition … J'ai dans l'idée que les cowboys disparaissent aussi … N'y a plus que le rodéo qui tienne le coup … Les traditions sont balancées … Ils appellent ça mythe et folklore et flanquent tout par terre … C'est peut-être ça … Moi, j'aime le folklore … Peut être bien que nous avons besoin de folklore … Peut-être bien ... »
Au milieu du siècle dernier, peu après la guerre du Mexique, on racontait qu'un cavalier sans tête parcourait le vaste pays des mustangs arrosé par la Nueces, dans le sud-ouest du Texas. Plusieurs habitants de la frontière qui l'avaient vu disaient que sa tête, couverte d'un sombrero mexicain, était attachée au pommeau de sa selle. D'autres ajoutaient qu'il y avait des franges dorées autour du sombrero. Ses épaules étaient couvertes d'un serape en lambeaux qui flottait par-dessus une veste de daim. Il portait des guêtres moulantes en peau retournée comme celle de la plupart des vaqueros. Il chevauchait un puissant mustang, l'étalon le plus fougueux qu'on ait jamais vu parcourir la Prairie et se précipiter à travers les taillis.
Coureur- Agile, un chasseur arapaho, avait un cheval blanc extrêmement rapide mais les Arapahos ne voulaient pas que le chasseur poursuive le bison avec ce cheval. Chacun sait qu'un cheval blanc porte malheur à la chasse au bison . Le bison n'aime pas les chevaux blancs et surtout les aperçoit de très loin . Alors les chefs de la tribu ne permettaient à Coureur-Agile de chasser avec les autres que s'il montait un cheval d'une autre couleur. C'était l'époque de la chasse collective là-haut, du côté des Big Horns, et c'était contraire à la loi indienne de partir seul et de chasser pour son propre compte.