L'histoire racontée ici est digne des scénarios les plus fous.
Incroyable. Inouïe. Inimaginable.
Et pourtant, vraie.
Nulle invention ou imagination ici. Seulement un travail de journaliste.
Piers Paul Read a enquêté, a interrogé les protagonistes, puis il a écrit son livre.
L'histoire est simple, du moins au début.
Nous sommes en 1972. Une équipe uruguayenne de rugby s'envole vers le Chili pour y disputer une rencontre. L'atmosphère est joyeuse dans l'avion, les joueurs sont heureux à l'idée du match à venir, les quelques amis ou membres de leurs familles qui les accompagnent prennent plaisir à partager ce bon moment.
Jusqu'à l'accident, en pleine Cordillère des Andes.
Perdus au milieu d'une nature hostile, seuls sur un glacier à 3 500 mètres d'altitude,
les survivants attendent l'arrivée des secours. Mais la suite de l'histoire ne se passe pas du tout comme ils l'espéraient.
Deux réflexions pratiques.
Quand vous prenez l'avion, imaginons par exemple que vous alliez de Paris à Milan et que vous survoliez les Alpes, emportez-vous des vêtements et tout un équipement pour survivre ou au moins vous débrouiller le mieux possible au cas où l'avion s'écraserait en haute montagne ? Moi, non.
Quand vous prenez l'avion pour vous rendre dans un endroit dans lequel vous savez qu'il y a tout ce qu'il faut à portée de main, emportez-vous des provisions pour tenir pendant soixante-douze jours, au cas où ? Moi, non.
Maintenant, vous pouvez un peu (un tout petit peu) imaginer ce qu'a été la vie des survivants pendant ces soixante-douze interminables journées.
Piers Paul Read raconte, d'une façon qui se veut détachée.
Il raconte tout : le joyeux départ, l'accident et les morts, la stupeur des survivants, le désespoir lorsqu'ils entendent (après avoir longuement bricolé une radio) que les recherches sont arrêtées, la décision de faire partir une petite équipe pour chercher du secours, le sauvetage, le retour à la vie "normale".
L'une des grandes questions est :
les survivants peuvent-ils retrouver une vie normale après ce qu'ils ont vécu ?
Mais le plus important est le récit de leur vie là-haut, en pleine Cordillère des Andes : comment survivre à soixante-douze jours passés dans des conditions effroyables de climat, d'inconfort, et de dénuement quasi-total ?
Cette histoire se lit comme un roman d'aventures, mais il ne faut jamais perdre de vue qu'elle est vraie. Nous ne sommes pas dans une émission de téléréalité, non. Nous sommes dans la vraie vie. de vraies personnes ont vécu ce qui est relaté.
On ne peut qu'être frappé de voir jusqu'où l'instinct de survie peut emmener.
On ne peut qu'être admiratif du courage qu'il a fallu à ces hommes pour s'en sortir.
Certes, il y a eu des disputes, des mesquineries ou des tricheries, mais quoi de plus naturel pour des personnes condamnées à cohabiter dans un espace des plus réduits (une partie du fuselage de l'avion), dans d'éprouvantes conditions ?
Après la "loterie" du crash (pourquoi untel s'en est sorti, et pas son voisin ?), ceux qui ont survécu doivent la vie à leur foi partagée à des degrés divers mais surtout à la cohésion forte du groupe. Les plus forts ont aidé les plus faibles, les rôles n'étant d'ailleurs pas toujours tenus par les mêmes au fil des jours.
Selon votre âge, vous avez peut-être déjà entendu parler de cette histoire, parce qu'elle a fait à l'époque beaucoup de bruit.
En 1972, il n'y avait pas encore les réseaux sociaux, mais le récit a tout de même fait le tour de la planète.
Chacun y est allé de son commentaire, de son jugement. Ainsi est faite la nature humaine.
Ce que j'ai apprécié ici, c'est que l'auteur ne juge pas. Jamais. Il raconte les faits et donne au lecteur la possibilité de comprendre. Libre à lui, ensuite de se faire son opinion.
Une lecture forte, un incroyable récit de survie, de solidarité, de cohésion et d'esprit d'équipe.
Une leçon de vie, que le père d'Arturo Nogueira, décédé là-haut dans les Andes, un mois après le crash, a très bien exprimée dans une lettre écrite aux journaux, et que je vous recopie :
« Messieurs,
Ces quelques mots, écrits avec l'élan de notre coeur, veulent rendre hommage aux seize héros qui ont survécu à la tragédie des Andes et les assurer de notre admiration et de notre reconnaissance. Admiration, parce que tel est le sentiment que nous éprouvons devant tant de preuves de solidarité, de foi, de courage, de sérénité devant ce qu'ils avaient à affronter et qu'ils ont surmonté. Reconnaissance profonde et sincère, en raison des soins qu'ils ont donnés à tout moment à notre cher fils et frère Arturo depuis le moment de l'accident jusqu'à celui de sa mort. Nous invitons tous nos compatriotes à réfléchir pendant quelques minutes sur l'immense leçon de solidarité, de courage et de discipline que nous ont transmis ces jeunes gens dans l'espoir qu'elle nous servira à surmonter notre petit égoïsme et nos ambitions mesquines et notre manque d'intérêt pour nos frères. »
Des mots terriblement émouvants de la part d'un père qui a perdu son fils, et qui a fait partie de ceux qui ont parlé pour prendre la défense des survivants, qui étaient fortement critiqués par une partie de l'opinion.
Un autre père s'est exprimé, celui de Carlos Valeta, dont le fils est mort lors du crash. Il a fait à la presse cette déclaration pleine de pudeur :
« Je suis venu ici avec ma famille, parce que nous voulions voir tous ceux qui étaient les amis de mon fils et parce que nous étions sincèrement heureux de les avoir de nouveau parmi nous. Nous étions contents, qui plus est, qu'ils aient été quarante-cinq, car cela aida du moins seize à revenir. Je voudrais encore dire que j'ai su dès le premier instant ce qui m'a été confirmé aujourd'hui. En tant que docteur, j'ai compris aussitôt que pas un ne pourrait survivre dans un endroit pareil et dans de telles conditions sans recourir à des décisions courageuses. Ayant maintenant confirmation de ce qui est arrivé, je répète : Dieu soit loué qu'ils aient été quarante-cinq, seize ont pu retrouver leurs familles ! »
Mots magnifiques de la part d'un père en deuil, non ?
Pour compléter, je vous signale l'existence d'un autre livre sur le même sujet, "
Miracle dans les Andes", de
Nando Parrado, l'un des survivants. Écrit plus de trente ans après les faits par quelqu'un qui a tout vécu "de l'intérieur", il est plus personnel, et je le trouve plus fort que celui-ci.
Enfin, voici le lien d'un excellent documentaire, qui mêle images d'époque, extraits du film "
Les survivants" et témoignages des survivants.
https://www.youtube.com/watch?v=AAGbEaZHT74