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Joëlle Dublanchet (Traducteur)
EAN : 9782845451438
264 pages
Editions des Syrtes (15/04/2009)
4.23/5   13 notes
Résumé :
Le Péché est une gourmandise littéraire. Prilepine s’est fait une joie de rassembler dans ce « roman en nouvelles » les fragments de la vie de Zakhar – double de l’auteur –, jeune trentenaire, plein de force et de volonté de vivre, aux prises avec la réalité russe.

Les épisodes se succèdent dans un ordre imposé par la mémoire, lorsqu’elle se plaît à donner de la force et de la brillance à de menus faits de notre vie, en apparence insignifiants, et ép... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique

Quand Zakhar Prilepine se place au centre de chacune de ces dix nouvelles autobiographiques c'est doux, c'est tendre, c'est cruel, c'est tourmenté, on sourit, on se laisse gagner par l'émotion tant il laisse parler son coeur et nous offre avec une rare sincérité des moments de vie ordinaires. Une vie d'enfant, d'adolescent, une vie de jeune homme qui se cherche, parfois à la dérive, fragile mais en même temps si fort. Une vie dont on ne guérit jamais car Zakhar Prilepine a eu plusieurs vies.

Les mots de Zakhar Prilepine m'ont bouleversée car il ne triche pas, il dit : je t'aime ma patrie, je t'aime mon amour toi la mère de mes enfants, je t'aime ma famille pour tout ce que tu m'as donné. Il se nourrit, il se délecte de chaque souvenir, il s'en réchauffe le coeur. Il nous raconte aussi son mal-être et ses désillusions dans une Russie post-soviétique profondément marquée par les inégalités dans laquelle on apaise les âmes tourmentées à coup de grandes rasades de Vodka. Mais dans ces récits ce sont les regards complices et les éclats de rire qui prennent le dessus et font oublier la misère ambiante et les coups de sang à la sortie des boîtes de nuit sordides dans lesquelles Zakhar gagne son bifteck.

La nouvelle qui m'a le plus touchée ? Sans nul doute la huitième nouvelle de ce recueil : "Il ne se passera rien". Rien que des regards fatigués mais tellement d'amour pour le jeune papa de Ignatka, 4 mois et Gleb, 5 ans. Quand il évoque ses enfants et sa compagne il le fait avec beaucoup de pudeur et autant d'émerveillement devant ce que la vie lui a offert.

Pudique, respectueux, lucide envers la vie tout simplement, Zakhar Prilepine nous offre en bonus un intermède poétique de toute beauté avec pas moins de vingt-trois poèmes et clôt son recueil avec une ultime nouvelle aux intonations douloureuses qui a pour titre "Le Sergent" puisqu'il s'est engagé dans les deux guerres tchétchènes en 1996 et 1999 et comme volontaire en 2016 dans l'armée de la république populaire de Donetsk.

Un recueil que je ne peux que vous inviter à lire pour découvrir la très belle plume de ce grand Monsieur.

" J'aime l'embrasser quand il se réveille. Fasciné, j'effleure de mes lèvres ses joues gonflées du lait de ma bien-aimée. Mon Dieu, que c'est tendre. On dirait la chair d'un melon. Et son souffle... L'épanouissement des fleurs duveteuses, au printemps, ne sont rien à côté de cela : mon fils ronfle, tout près de mon visage, lumineux comme après la communion..."
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Six poèmes et dix nouvelles de Zakhar Prilepine, dont la plupart légèrement ou fortement trempées dans la VVH (= violence + vodka + humour ) et paradoxalement aux chutes d'une étonnante douceur. Leur protagoniste s'appelle Zakhar, qui n'est autre que l'écrivain lui-même ou ses avatars. D'inspiration autobiographique, un voyage dans le temps et la vie de Zakhar, sans ordre chronologique, à la campagne, à Moscou.....avec Zakhar enfant, ado, adulte, un Zakhar heureux, qui vit et travaille au gré du vent.

“Quel jour serons-nous demain ?”, question à la bien-aimée dans une ballade d'amour aux chiots,
“Le péché “, flirte avec les cousines, le temps d'un été à la campagne chez les grands-parents, sans conséquence grave,
“Le diable et les autres”, bruits et fureurs chez les co-locataires d'un immeuble moscovite où il habite,
“Les roues”, fossoyeur de fortune, carburant à la vodka, essayant d'enjamber de nuit, une voie ferrée,
“Six cigarettes et ainsi de suite”, ses mésaventures de videur dans une boite de nuit,.....le plus drôle de toutes.........
Un recueil qu'il termine avec de la poésie, magnifique et émouvante , et une farce noire du temps de son engagement volontaire aux guerres tchétchènes en 1996 et 1999.

Bref rien n'est rose dans cette Russie post-soviétique, au contraire tout est pauvreté crasse et violence, pourtant Zakhar s'y penche avec tendresse et humour et une prose qui n'a rien à envier aux grands auteurs classiques russes. C'est son troisième livre que je viens de lire et j'en sors toujours aussi émerveillée.

“En lisant les livres, je rêve toujours,
Et toujours je crois que la vie
Et la mort entre elles s'arrangeront
Et que, seul, je resterais en dehors de tout cela.”
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"Le Péché est une gourmandise littéraire" est écrit en quatrième de couverture. Il ne m'a pas fallu plus pour l'acheter, sans connaître l'auteur, car je ne me souviens pas avoir jamais été déçue par de la littérature russe. Et bingo ! J'ai vraiment adoré.

Ces nouvelles, en grande partie autobiographiques, sont liées entre elles car elles racontent toute un fragment de la vie de Zakharka, qui n'est autre que le double de l'auteur.

C'est l'histoire d'un jeune couple qui vit littéralement d'amour et... de vodka. Malgré qu'ils n'ont pas le sou (hormis pour leur vodka), il recueillent un quatuor de chiots abandonnés.

C'est l'histoire de deux jeunes frères de la campagne, amoureux de la même fille qui, elle, vient de la ville. Mais elle est si jolie, beaucoup papillonneront autour d'elle.

C'est l'histoire d'un adolescent aux études, venu passer ses vacances chez ses grands-parents. Il y retrouvera ses cousines le temps d'un été.

C'est l'histoire d'un jeune qui rêvait d'entrer à la légion, estimant ne pas avoir d'avenir ailleurs. Une rencontre va le détourner de ce destin, rencontre d'amitié noyée dans l'alcool.

C'est l'histoire d'un petit garçon qui veut coûte que coûte participer au jeu des plus grands. Ils jouent à chat. Un des meneurs l'intègrera au groupe avant de se cacher lui-même. Se cacher. Se cacher tellement bien...

Ce sont des histoires de voisins de palier dans un HLM, des histoires de soldat, de fossoyeur, de videur de cabaret.

Enfin, c'est l'histoire d'un jeune père qui raconte ses enfants. Oh, celle-là, un petit bijou ! Véritable ode à l'amour paternel.

Ces nouvelles sont tout simplement magnifiques. Pas seulement parce qu'elles sont bougrement bien écrites, qu'elles parlent d'amour, de solitude, de vague-à-l'âme, avec humour et poésie, mais parce qu'on s'attache à Zakharka. Il est comme une personne hors du temps, d'une nature sensible et optimiste malgré ses déboires. Il est en fait un "bouffeur" de vie en prenant tout ce qui se présente à lui, le bon comme le mauvais.

Ah, j'oubliais. L'auteur écrit aussi de la poésie. Il y a contraste entre ses histoires, souvenirs de son passé et les vers qui pour moi sont emprunts de noirceur et de désillusion.

Un auteur à découvrir. Réellement.
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Eclats de mémoire
Ce "roman en nouvelles" (2007) est composé de fragments de la vie de Zakhar, double de l'auteur. Chaque nouvelle tord les tripes et noue le coeur. Zakhar est un romantique. Tourmenté, orgueilleux, révolté, passionné depuis l'enfance. Il aime la castagne et les jolies filles, il a surtout ce besoin irrépressible de se frotter à la mort pour se sentir vivre ; sinon, comme les autres, il noie son ennui dans la vodka. Mais il n'est pas égoïste ni cynique pour un kopeck. Il donne la parole aux laissés-pour-compte de la Russie des années 2000; Il nous fait entendre la voix virile des videurs de boîte de nuit, des fossoyeurs, des manutentionnaires à la petite semaine, des gros bras sans perspective d'avenir, des oubliés de l'ultra libéralisme post-soviétique. Son regard est tendre, souvent plein de dérision mais l'injustice et la bêtise le mettent en rage et il est alors brutal.
Je remercie grandement Bookycooky pour m'avoir fait découvrir cet auteur.
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Un livre, constitué de onze nouvelles.
Inégales, tant en nombre de pages, qu'en intensité, qu'en intérêt, voire en qualité d'écriture, mais le tout est interdépendant.
Il me semble que le fil directeur ou le point commun entre toutes ces nouvelles, petites histoires, comme des chapitres, qui s'enchainent les uns aux autres, il me semble que le fil rouge c'est l'auteur lui-même, Zakhar, et cela non seulement parce que très souvent le héros, le narrateur se prénomme Zakhar, mais aussi, car ayant lu, un peu des notices biographiques sur l'écrivain, des articles sur le personnage, et ayant aussi lu quelques oeuvres du créateur, je m'autorise à penser que la plupart de ces nouvelles sont largement autobiographiques.
La lecture, heureusement ce sont des nouvelles, est tensiogène. de la violence, de la cruauté, de la morbidité, auxquelles succéderont de la douceur, de la tendresse, une naïveté enfantine et de l'amour de l'autre.
Cette violence, cette dureté, autant dans le fond que dans la forme (et là, le style est sérieux, acéré, bétonné), m'ont fait lâcher le livre des mains, et ce à plusieurs reprises. Parfois, j'ai accéléré la lecture pour connaître le fin du fin. Parfois j'ai accéléré la lecture pour me débarrasser de cette histoire trop glauque, trop morbide, trop écoeurante, car Prilépine a peu de tabou.
Parfois, aussi, j'ai relu et relu des pages doucement poétiques, tendrement violentes, mais si humainement réalistes.
Lire Prilépine c'est accepter le dérangement, c'est accepter l'horreur de l'être humain. Pas une horreur exceptionnelle. Non. Prilépine en fait un quotidien. Il rend humaine l'horreur qui existe dans chaque être. Il l'a rend acceptable et en même temps haïssable. Parfois ça fait du bien, mais parfois, le livre me tombe des mains et je pense "ce n'est pas possible".
Les descriptions qu'il fait de ses personnages sont absolument délicieuses ou terriblement abominables. Par moment, on peut se dire c'est la cour des miracles. Non, c'est la Russie de Prilépine. Celle d'aujourd'hui. Après avoir lu L'Archipel des Solovki, la première oeuvre magistrale de Zakhar, je me suis régalée avec Des chaussures pleines de vodka chaude,, puis Pathologies m'a ébranlée, dérangée déjà.
Déjà, la violence, le cynisme, la dureté, l'abomination de ce que peut être ou devenir un être humain, mais une plume acerbe, sans concession, détestable parfois, tendre quelquefois, une plume qui interroge.


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Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
Nous jouions à chat dans un terrain vague, derrière le magasin du village. Nous étions une bande de gosses.
Celui que le sort avait désigné se tournait vers la porte et comptait tout haut jusqu'à cent. Pendant ce temps, on devait tous aller se cacher.
Les gamins au visage hâlé, à la bouche édentée, aux épaules anguleuses se dispersaient dans les dédales du nouveau chantier voisin, de la hauteur d'un étage, qui sentait la poussière de brique et l'urine dans les coins sombres. L'un se trahissait en éternuant dans les broussailles épaisses. D'autres s'écorchaient les flancs en se glissant dans les trous de la palissade qui séparait l'école du terrain vague. On grimpait aussi dans les arbres, puis on redescendait des branches, et c'était la course pour arriver le premier à la porte du magasin et toucher le carré qu'on y avait dessiné avec un bout de brique, en criant : Chat !
Parce que, si on ne disait pas le mot, on était bon pour s'y coller soi-même.
J'étais le plus petit, et personne ne me cherchait particulièrement.
Ça ne m'empêchait pas de me cacher soigneusement et de rester sans bouger, à écouter le rire de ces garçons qui avaient déjà de grosses dents, en enviant secrètement leur effronterie, leurs jambes rapides et leurs gros mots. Leurs gros mots à eux étaient faits avec d'autres lettres que les miens : quand ils disaient des obscénités, chaque mot résonnait et bondissait comme un petit ballon gonflé de mauvaises choses.
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À minuit, au plus fort de cette mauvaise gaieté faite d'alcool et de cigarettes, débarquèrent les bandits du quartier : quatre jeunes du même âge que Molotok et moi, qui se baladaient jusqu'au matin de boîte en boîte ; l'un d'eux, aimable, bien charpenté, les cheveux poivre et sel, était une des "autorités" de la ville. Il nous salua, m'appela personnellement par mon prénom : "Salut, Zakhar, comment ça va ?" et, une fois de plus, je remarquai en mon for intérieur que ça m'était agréable, ô combien agréable, putain !, qu'il se souvienne de moi, serre ma main dans sa grosse poigne et, en plus, me sourie.
"Et pourquoi, nom d'un chien, ça devrait m'être désagréable ?" me dis-je, furieux.
"Et qu'est-ce qui te met en joie ? me répondis-je aussitôt. Pourquoi tu frétilles de la queue, espèce de bâtard ? Tu t'imagines peut-être qu'il te rendra service un jour ? Il te marchera dessus sans le remarquer, c'est un loup, c'est de la chair de loup, du sang de loup, plein de cruauté..."
Disel entra dans la salle posément, jeta du coin de l'oeil un regard sur la table "des gens sérieux" qu'on apercevait de l'autre côté du rideau pas entièrement baissé, et se détourna aussitôt, comme avec indifférence.
"Ah, Disel, pensai-je avec lyrisme, tu es un homme fort, un homme d'expérience, on a peur de toi et en même temps on te respecte ; pourtant, à côté de ces gens là, tu n'es qu'un criminel de droit commun... Ton temps se termine, Disel."
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Je n'ai même pas trente ans, et je suis heureux.
Je ne pense pas à la fragilité de la vie ; cela fait sept ans que je n'ai pas pleuré - exactement depuis la minute où mon unique m'a dit qu'elle m'aimait, qu'elle m'aimait et qu'elle serait ma femme. Dès cet instant, je n'ai pas trouvé une seule minute pour les larmes, je ris au contraire très souvent et, plus souvent encore, je souris en pleine rue - à mes pensées, à mes amours, qui scandent à trois cœurs la mélodie de mon bonheur.
Et je caresse le dos de mon aimée, la tête de mes enfants, et je caresse aussi mes joues non rasées, et mes paumes sont tièdes, et derrière la vitre, c'est la neige et le printemps, la neige et l'hiver, la neige et l'automne. C'est mon pays, c'est là que nous vivons.
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Sonnet raté

Tu marchais de côté. Moi je traversais.
À chuchoter mes sentiments, j'en avais mal aux dents.
De temps à autre, je me battais au pistolet (sans viser).

Tu marchais au milieu. Je tournai à l'angle.
Tous les sentiments sont simples : crayon ou charbon.
La simplicité parfois : fierté d'épouvantails.

Mais à quoi bon tous ces discours !
Si tes mains, en automne, devaient effleurer mon cou
Moins souvent que mon écharpe,
Où puiserais-je l'espoir
Que les fleuves gèleront bien en hiver ?

Tous les sentiments sont simples. Seules les poses sont compliquées.
Nous avons vécu l'automne jusqu'aux premiers givres.
Et on sent le gel, comme s'il était déjà là.
Et la couleur des pluies est grise à en mourir.
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Sur la fenêtre, entre les deux battants, il y avait un bocal d’un demi-litre où surnageait un cornichon solitaire complètement ramolli, couvert d’une moisissure duveteuse, si blanche, que le Père Noél aurait pu en être. jaloux........Dans un coin suintait un robinet. L’évier était rempli d’une montagne de légumes à moitié pourris. Sur ces légumes grouillaient toutes sortes de bestioles ailées où à antennes.
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Vidéo de Zakhar Prilepine
Salon du Livre 2018 à Paris Zakhar Prilepine présente Ceux du Donbass.
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