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Critique de audelagandre


Pourquoi « La mariée portait des bottes jaunes » ? Vous avouerez que le titre du nouveau roman de Katherine Pancol est assez cocasse, mais aussi bien mystérieux. Depuis la création de mon blog, je n'ai eu que de rares occasions de chroniquer ses livres et pourtant j'ai lu tous ses romans. C'est une femme dont j'admire à la fois le parcours professionnel que j'aie pu découvrir lors de nombreuses interviews, mais également sa plume. La façon qu'elle a de poser ses personnages, puis de tous les secouer dans une grande marmite pour parvenir ensuite à créer des liens entre eux est tout simplement remarquable. J'aime sa façon de raconter les histoires, en choisissant toujours un univers phare, et en les racontant entre tendresse, sourires et larmes.

Dans « La mariée portait des bottes jaunes », Katherine Pancol nous emmène au château de Berléac situé dans le vignoble bordelais où l'on fait le meilleur Grave du monde. Dans la famille Berléac, tout le monde travaille dans le domaine de la viniculture. Les femmes de la famille ne sont pas en reste, puisqu'elles gèrent les affaires en aval, marketing, commercialisation, etc. le roman s'ouvre sur le désespoir de Muriel, fille Berléac qui a quitté le domaine depuis fort longtemps. Elle y revient pour demander de l'aide à son frère Ambroise. C'est la première fois qu'elle entreprend une telle démarche depuis son départ. Elle ne le fait pas pour elle, mais pour ses deux enfants India et Louis qu'elle va confier à son frère le temps de retrouver une personne chère à son coeur. Dans les romans de Katherine Pancol, les enfants sont rarement des benêts insignifiants. Ils ont toujours du caractère et de la répartie, de la suite dans les idées, et généralement à leurs contacts, des choses figées depuis longtemps reprennent vie.

India est une petite fille qui parle aux arbres et qui vient chercher près de leurs écorces des réponses à ses innombrables questions. Au domaine, son meilleur ami devient rapidement l'érable de l'autre côté de la route. « Son regard se reporte sur l'érable. Est-ce qu'il va prendre la place du chêne du lotissement, qu'elle a laissé derrière elle ce matin ? “Parfois, il faut changer d'ami, de maison, pour devenir la personne qu'on doit être.” C'est la dernière phrase qu'a prononcée le chêne avant qu'elle parte. ». Louis est un petit garçon surdoué que tout intéresse. Il parle comme un adulte, pose des questions d'adulte, écrit des poèmes qu'il déclame régulièrement et sans le savoir, va conquérir le coeur de sa grand-mère Aliénor.

Le roman s'ouvre sur Muriel, fille de cette grande famille bourgeoise qu'elle a quittée douze ans plus tôt en fuyant avec un saisonnier dont elle est tombée passionnément amoureuse. Lewis a disparu du jour au lendemain, a été déclaré mort. Muriel s'est alors remariée avec Franck qui meurt dans un accident de voiture. Persuadée que Lewis est toujours en vie, elle décide de confier les enfants à son frère, gérant du domaine viticole pour partir à sa recherche. Muriel est brouillée avec sa mère. Depuis sa fuite, elles ne se sont jamais reparlé. « La mariée portait des bottes jaunes » a pour objectif, entre autres, de découvrir quelle est la raison de cette brouille, mais va offrir au lecteur bien plus que cela : une plongée fabuleuse dans le domaine de la viniculture. Si vous aimez le vin, vous aurez envie d'en boire, croyez-moi. de plus Katherine Pancol, nous immerge dans l'histoire d'une grande famille bourgeoise dont la vigne est la vie, soucieuse de conserver son prestige et de développer le nom du domaine à l'international. Mais dans la région, la concurrence est rude et les convoitises nombreuses. L'ambition de certains voisins est sans limites. Petit à petit, le lecteur découvre les raisons d'une haine omniprésente entre deux familles qui se connaissent depuis toujours. Sur fond de réalité historique, l'écrivaine tisse lentement les destins des uns et des autres, ils se séparent puis s'entrecroisent pour maintenir un suspens des plus alléchants.

« La mariée portait des bottes jaunes » est une vraie saga familiale où chaque personnage crée des liens émotionnellement forts, de haine, d'amour ou d'amitié avec tous les autres protagonistes. Les dynamiques émotionnelles tiennent le lecteur en haleine et permettent également une immersion totale dans le récit. Certains personnages sont les clés de voûte du roman, telles Aliénor la « cheffe de famille » ou Nannie la gouvernante qui a consacré toute sa vie au château et à la famille. Elle règne aussi bien dans la cuisine que dans la maison et est dépositaire de tous les secrets qui entourent le domaine. Lors de l'arrivée des enfants au château de Berléac, Katherine Pancol dépeint à merveille l'héritage familial et la transmission des valeurs, aussi bien que l'histoire de la famille sur plusieurs générations, ce qui permet d'ancrer des racines solides aux relations humaines. Une véritable oeuvre romanesque dont il est difficile de se détacher, car les personnages s'impriment dans nos vies, comme des amis proches.

Katherine Pancol excelle dans la construction narrative de « La mariée portait des bottes jaunes ». L'intrigue n'est pas linéaire, mais elle parvient à créer des ponts captivants où les secrets de famille sont entrelacés aux actions qui se déroulent dans le présent. Les personnages auxquels elle donne vie sont explorés en profondeur dans leurs motivations, et leur évolution. Ils ne sont pas manichéens, ils sont humains, avec leurs forces et leurs faiblesses. Seul le personnage de Muriel, puis la situation tendue avec sa mère restent nimbés de mystère, mais je gage qu'un hypothétique tome 2 pourrait lever le voile sur cette énigme. Placer l'histoire familiale dans un domaine précis est une grande force de l'écrivaine. Les nombreuses recherches sur le sujet qu'elle exploite donnent toujours une belle densité au récit. Les voir évoluer sans leur domaine permet également de mieux les connaître, donc de mieux les comprendre, et de les aimer. L'empathie qu'elle sait construire entre ses personnages et ses lecteurs est magistrale. Je connais peu d'auteurs capables d'une telle dextérité.

Comme dans ses précédents romans, Katherine Pancol possède cette écriture fluide, drôle et piquante, à la puissance évocatrice rare. Elle sous-entend plus qu'elle ne dit, utilise des métaphores fortes pour suggérer, un rythme entraînant pour ne jamais lasser, et une poésie sublime quand elle énonce des « vérités de la vie ». J'aime sa plume élégante, un mélange de poésie et de phrases plus directes qui sont au service des émotions. L'impact émotionnel de son phrasé est instantané et provoque des réactions profondes ou des réflexions intenses tout en gardant une vraie proximité avec son lecteur. Si vous décidez de lire ce roman, ce que je vous recommande vivement, vous saurez pourquoi « La mariée portait des bottes jaunes », mais vous apprendrez aussi à aimer tous les êtres qui peuplent ces pages. « L'inconscient sait avant nous ce qu'il va arriver et nous prévient à sa manière. Il a un langage crypté. » Mon inconscient me dit que vous ne devriez pas hésiter…
Lien : https://aude-bouquine.com/20..
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