En 1933,
Henry Oster avait cinq ans et s'appelait Heinz Adolf Oster. Il a accompagné son père pour voter aux élections nationales, celles qui ont permis à Hitler et au parti nazi de prendre le pouvoir. Jusqu'à cet événement, il menait une vie agréable : « Je n'étais rien de plus qu'un petit Allemand plein d'entrain, avec une gentille famille, dans une ville allemande grouillante de vie. » (p. 15) Hélas, son monde était en train de s'écrouler. Il en a pris conscience, en 1934, lors de son entrée à l'école. A la fin de la journée, les enfants ont été attaqués, à coups de pierres et de bâtons, par un groupe des Jeunesses hitlériennes. En 1935, les lois de Nuremberg ont été promulguées et la vie de sa famille s'est effondrée. Ses parents et lui ont perdu leur maison, leur identité, leurs possessions et son père a été contraint au travail forcé.
En 1941, ils ont été déportés dans le ghetto de Łódź : ils étaient 21 personnes dans une chambre d'enfant. le ghetto comprenait 160 000 personnes entassées dans 20 000 pièces. En août 1944, Henry et sa mère furent emmenés, à Auschwitz. Puis, Henry, survivant d'une marche de la mort, fut interné à Buchenwald.
Chaque témoignage sur les horreurs de la guerre compte. Pourtant, je dois reconnaître que
le petit palefrenier de l'enfer m'a semblé différent de ceux que j'ai lus.
Une des raisons est qu'Henry déroule ses souvenirs de 1933, alors qu'il avait cinq ans, à 2014, date à laquelle il a rédigé ce livre avec l'aide de son ami Dexter Ford, journaliste au New York Times. Il décrit les débuts de l'eugénisme qui trouve son origine en Amérique, les conditions de vie terribles en Allemagne, les épreuves atroces qu'Henry a subies dans le ghetto, les tortures morales et physiques qu'il a vécues à Auschwitz et à Buchenwald, la libération du camp et sa vie après la guerre. de nombreux documents (photos, retranscriptions de discours, etc.) émaillent son récit poignant et douloureux. Il est d'une richesse historique incommensurable. Henry souhaitait « répandre la vérité au sujet des atrocités qui ont eu lieu » (p. 317) pour qu'elles ne reproduisent plus. « Il a passé sa vie à se consacrer à la création d'un monde meilleur » (p. 317), comme le démontre son discours, prononcé soixante-dix ans après les faits, dans lequel il assurait « à la génération actuelle d'Allemagne qu'elle n'a pas besoin de porter le poids de la culpabilité et de la honte de la génération passée. » (p. 314) J'ai été extrêmement émue par l'humanité de cet homme rescapé de l'enfer.
Je pense que la deuxième raison est, hélas, l'âge d'Henry, au moment des faits. Les premières exactions survinrent quand il avait cinq ans. Il était âgé de dix-sept ans, quand il a été libéré des camps. Son témoignage est composé de sa perception des faits, liée son âge, et d'explications de l'adulte qu'il est devenu, enrichies de sa maturité et complétées des révélations de l'Histoire. Il livre ses sentiments bruts d'enfant, puis d'adolescent et, enfin, ceux d'homme mûr. Ils sont empreints de vérité et d'authenticité bouleversantes.
Enfin, je pense que l'écriture appuie mon impression de différence. En effet, la narration évoque celle du roman, même si des éléments nous rappellent, régulièrement, que c'est une histoire vraie. Cela permet, parfois, de prendre une distance émotionnelle nécessaire, car la force des mots et la puissance du texte nous étreignent et nous meurtrissent. Pourtant, malgré les horreurs vécues, Henry n'a jamais perdu espoir. Tenir un jour, une semaine, un mois de plus était son mantra . « Survivre à l'enfer et croire à l'espoir. » (quatrième de couverture) J'ai été ébranlée par son courage.
J'ai été bouleversée par ce devoir de mémoire. Si
le petit palefrenier de l'enfer avait été un roman, j'aurais parlé de coup de coeur. En raison de la véracité de la barbarie des faits, je ne peux utiliser ce terme, pour illustrer mon intense émotion.
Lien :
https://valmyvoyoulit.com/20..