Pour les 80 ans de son père qui n'a jamais quitté son village normand, Michel Onfray va lui permettre de réaliser son rêve : se rendre au Pôle Nord.
Paysages glaciaires, présence massive de la pierre et de la glace, gel permanant, rendent évidemment très difficiles les conditions de vie, rythmées par deux uniques saisons et un jour sans fin ou une nuit permanente...L'ours, la baleine, le phoque font partie du paysage, indispensables à la survie des hommes. L'Inuit ancien vivait en effet de chasse, de pêche, de cueillette, au rythme de la nature, en accord avec elle, respectueux des ancêtres ; le temps était cyclique, le commerce se faisait par troc, le peuple était nomade.
Puis les Occidentaux sont arrivé, ont imposé leur religion, leur temps découpé, la sédentarité, l'alcoolisme. En 1962 les populations ont été chassées, les villages détruits, pour installer des radars, enfouir des déchets. En janvier 1968, c'est la catastrophe de Thulé, la banquise contaminée par la radioactivité, des morts, des cancers, des maladies nouvelles.
Et maintenant les jeunes veulent ressembler à des Américains (ou à l'idée qu'ils s'en font), la population inuit est ravagée par l'alcool, l'oisiveté entretenue par les subventions de l'Etat canadien, l'overdose de télévision, la criminalité, les viols.
Michel Onfray dénonce l'ethnocide dont a été victime le peuple inuit et prend la défense de ceux qui n'ont pas les armes pour se défendre, comme son père, homme de la terre ou comme leur guide inuit, face à l'uniformisation du monde et à la destruction des savoirs et sagesses ancestraux.
Un très beau texte, en hommage à son père, dont il évoque à la fin des souvenirs de son enfance, son silence, sa peine au labeur, mais également cet amour qui les relie malgré l'absence des mots pour le dire.
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Le temps passé, perdu, le temps présent, insane, le temps futur, vidé, reste à ce peuple autophage le destin de tout ce qui vit et a vécu sur terre : une mort prochaine, dans l'indifférence de tout ce qui, à côté, ailleurs sur la planète, survit mais mourra aussi bientôt.
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Le temps occidental s'identifie à l'argent : temps de la production accélérée, du travail rentable, de la profusion des stocks, de la spéculation, de la création des richesses aux moindres coûts ; celui des Inuits anciens suivait au plus près les invites de la nature : temps élémentaire et géologique, climatique et vital, temps existentiel et vécu, temps de la survie et de la répétition, temps païen, panthéiste. La collision des deux entités a produit, et produit encore, des violences psychiques et métaphysiques considérables.
Dans sa matière brune, ocre, grise, piquetée de micas rares, la pierre accroche superbement les variations de lumière, seules concessions faites au temps, à l'image mobile incrustée dans ce monde d'éternité immobile. Là où se montre le minéral, l'éternité parle; quand se manifeste la lumière, le temps s'exprime. Dans la disparition des repères chronologiques, le brouillard, la pluie et le soleil modulent des variations, des modifications, des transformations. Quand on croit étouffer, pris à la gorge par l'éternité, le temps revient sous forme d'ombres, de luisances, de matités, de multitudes sombres, de souffles ombrés, d'estompages discrets.
Sans conteste - du moins à mes yeux... -, le pôle Nord se manifesterait sous la forme d'une pièce de Webern. Anton Webern, magicien du ciselage, de la rareté, du minimal concentré, du maximum exprimé par le minimum.Webern l'abstracteur de quintessence, l'alchimiste des doses explosives jouant du silence avec la même dextérité que s'il s'agissait d'une matière, le sculpteur de vide ou de manques, le magicien du blanc et de l'absence, de la trouée de lumière douloureuse au milieu des obscurités sonores - le Webern des "Six pièces pour grand orchestre ", la quatrième, Langsam. Le vide au centre du monde, le creux plus important que le plein, le rare plus riche que l'abondant, la suspension du temps comme l'une des modalités paradoxales du temps, voilà quelques occasions de transfigurer en monde sonore une géographie silencieuse et mystique, de proposer une synesthésie à même de faire entendre les sonorités rares du Grand Nord austère et généalogique.
p.63-64, Grasset
Dans le Grand Nord, l'espace absorbe le temps et le matérialise en étendues sublimes. La vastitude transfigure l'être humain en fragment, en tout petit morceau installé dans un temps limité, mais évoluant dans l'éternité d'une perspective à perte de vue.
Jamais, donc, il n'y eut d'autres commentaires inuits ou des mots pour expliquer qu'on doit respecter les anciens, honorer les vieux pour leur sagesse, leur existence longue, leur avenir entamé. Au contraire de l'Occident toujours répandu de manière obscène en déclarations de bonnes intentions à l'endroit des anciens que des périphrases permettent de transformer en personnes âgées ou en troisième âge - afin d'éviter les mots qui fâchent...-,et qui traite ses anciens comme des improductifs, des inutiles, des parasites, les Esquimaux se taisent mais honorent activement, dans les gestes, avec des signes ouverts, francs et nets. L'essentiel ne se dit ni ne se raconte, il se montre. Privilège des civilisations orales: le signe surclasse le verbe, le geste dépasse le mot, le signifié détrône qualitativement le signifiant.
*INTRODUCTION* :
_« […] Je veux seulement, Monsieur, vous faire part d'une chose que j'ai lue dans Montaigne, et qui marque son bon goût. Il souhaitait devenir assez savant pour faire un recueil des morts les plus éclatantes dont l'Histoire nous parle. Vous qui êtes son partisan, vous approuverez ce dessein que j'exécute en partie. En effet, le véritable point de vue où je placerais une personne qui veut bien juger du ridicule qui règne dans le monde, est le lit de mort. C'est là qu'on se détrompe nécessairement des chimères et des sottises qui font l'occupation des hommes. Nous sommes tous fous ; la folie des uns est plus bouillante, et celle des autres plus tranquille. »_ *André-François Boureau-Deslandes* [1690-1757], _À Monsieur de la Ch…_
_« Rien ne doit plus nous frapper dans l'histoire des grands hommes, que la manière dont ils soutiennent les approches du trépas. Je crois que ces derniers moments sont les seuls, où l'on ne puisse emprunter un visage étranger. Nous nous déguisons pendant la vie, mais le masque tombe à la vue de la mort, et l'Homme se voit, pour ainsi dire, dans son déshabillé. Quelle doit être alors la surprise ! Tout l'occupe sans le toucher : tout sert à faire évanouir ce dehors pompeux qui le cachait à lui-même. Il se trouve seul et sans idées flatteuses, par ce qu'il ne peut plus se prêter aux objets extérieurs. Cette vue a cela d'utile en flattant notre curiosité, qu'elle nous instruit. Il n'est rien de quoi, disait Montaigne, je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, quelle parole, quel visage, quelle contenance ils y ont eus ; mille endroits des histoires que je remarque si attentivement. Il y paraît, à la farcissure de mes exemples, et que j'ai en particulière affection cette matière*._
_Je suis persuadé que la dernière heure de notre vie est celle qui décide de toutes les autres. »_ *(Chapitre III : Idée générale d'une mort plaisante.)*
* _« Et il n'est rien dont je m'informe si volontiers que de la mort des hommes, de quelle parole, quel visage, quelle contenante ils y ont eus, non plus qu'il n'est d'endroit dans les histoires que je remarque avec autant d'attention. Il apparaît à la farcissure de mes exemples que j'ai cette matière en particulière affection. Si j'étais faiseur de livres, je ferais un registre commenté des morts diverses. Qui apprendrait aux hommes à mourir leur apprendrait à vivre. »_ (« Chapitre XIX : Que philosopher c'est apprendre à mourir » _in Montaigne, Les essais,_ nouvelle édition établie par Bernard Combeaud, préface de Michel Onfray, Paris, Robert Laffont|Mollat, 2019, p. 160, « Bouquins ».)
*CHAPITRES* :
_Traduction d'un morceau considérable de Suétone_ :
0:02 — *Extrait*
0:24 — _Introduction_
_De quelques femmes qui sont mortes en plaisantant_ :
0:49 — *1er extrait* ;
2:08 — *2e*
_Additions à ce qui a été dit dans le IX et dans le XI chapitre_ :
3:15
_Remarque sur les dernières paroles d'Henri VIII, roi d'Angleterre, du Comte de Gramont, etc._ :
6:09 — *1er extrait* ;
6:36 — *2e*
_De la mort de Gassendi et du célèbre Hobbes_ :
7:45
_Remarques sur ceux qui ont composé des vers au lit de la mort_ :
10:47
_Examen de quelques inscriptions assez curieuses_ :
13:52
_Des grands hommes qui n'ont rien perdu de leur gaieté, lorsqu'on les menait au supplice_ :
14:33
_Extrait de quelques pensées de Montaigne_ :
15:31
_S'il y a de la bravoure à se donner la mort_ :
17:37 — *1er extrait* ;
18:57 — *2e*
_De quelques particularités qui concernent ce sujet_ :
19:14
19:28 — _Générique_
*RÉFÉ. BIBLIOGRAPHIQUE* :
André-François Boureau-Deslandes, _Réflexions sur les grands hommes qui sont morts en plaisantant,_ nouvelle édition, Amsterdam, Westeing, 1732, 300 p.
*IMAGE D'ILLUSTRATION* :
https://www.pinterest.com/pin/518547344600153627/
*BANDE SONORE* : Steven O'Brien — Piano Sonata No. 1 in F minor
Piano Sonata N0. 1 in F minor is licensed under a Creative Commons CC-BY-ND 4.0 license.
https://www.chosic.com/download-audio/46423/
https://www.steven-obrien.net/
*LIVRES DU VEILLEUR DES LIVRES* :
_CE MONDE SIMIEN_ :
https://youtu.be/REZ802zpqow
*VERSION PAPIER* _(Broché)_ : https://www.amazon.fr/dp/B0C6NCL9YH
*VERSION NUMÉRIQUE* _(.pdf)_ : https://payhip.com/b/VNA9W
_VOYAGE À PLOUTOPIE_ :
https://youtu.be/uUy7rRMyrHg
*VERSION PAPIER* _(Broché)_ : https://www.amazon.fr/dp/
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