Anton…
Alain Nouvel
Premier pas…
Je sais seulement avant d'ouvrir le livre blanc-éteint, au beau papier, qu'un musicien va l'habiter ; un musicien rêveur et optimiste au vu de l'orgue qui fleurit en direction du ciel et parallèlement au regard du musicien.
Je ne connais qu'un seul
Anton musicien au nom du Bruckner ; son oeuvre, je ne l'ai jamais rencontrée. C'est là toute ma connaissance quand j'ouvre le livre.
Pardon, je connais, mais à peine, son auteur qui porte un prénom en A : Alain.
Anton, Alain, la confusion opère. Sachant pourt
ant - on m'a dressée à l'exercice- que le narrateur n'est pas l'auteur, mais …
Vient l'ouverture du livre que j'ai touché, car il faut caresser les livres d'abord. On les a presque tous choisis, ceux que l'on met dans notre vie ; on s'attend, égoïste, à ce qu'ils nous fassent du bien, nous enseignent quelque chose, ces livres.
Le caresser sur la peau est déjà le premier pas du sentiment. Mais juste le caresser…
Anton m'attire par l'illustration et par le papier. Tout est sobre et retenu. Je pense à
Molière.
Mais l'amitié demande un peu plus de mystère, disait Alceste dans son Misanthrope.
L'amitié justement. On va faire quelques longues marches de jour et nuit en compagnie du personnage, dans le respect et le silence qui s'imposent ; il nous parlera, mais peut-être pas…
Anton, c'est cette seule phrase du début :
Je parle faux mais chante juste.
Alors, ce livre, nous allons tous les deux le développer, aller dans ses creux, s'y reposer, s'impatienter, car
Anton et moi, ne venons pas de la même terre. Reste la découverte.
Pas second.
Et cet homme m'a apprivoisée.
Les mots d'
Anton, d'abord ; je n'aurais pas pensé les formuler ainsi…
« On ne va jamais nulle part, on fait semblant…Comme si la fugue, abîmée un moment, renaissait d'avoir été défigurée… Quand on vit, on est toujours au bord du vide… Je ne vis pas les pieds à plat, je reste perché… Il parlait vertical… C'est là que je suis protégé, près du vide, même la mort ne peut pas m'attraper… Un artiste, ça pense en gestes, comme Dieu…Les grumeaux de malveillance se sont dissous… Leurs mains ramassaient les débris de mon moi déjanté… »
Puis
Anton, lui-même.
Il est celui qui balade après nous avoir pris et gardé la main.
Pèlerin omniscient, il est homme de musique, il joue haut, lui qui est petit et humble. Il va nous raconter une histoire, celle de Feng, la japonaise à l'enfance souillée. Aimée de tous, pervasive, elle est l'histoire de la Chine et du Japon conjugués ; elle sait aimer aussi.
Anton fait des rêves immenses où se déclinent les situations, les mêmes ; la falaise d'où l'on tombe, la fenêtre d'où l'on se jette.
Anton, c'est toi, lecteur, et c'est moi qui me mets à parler de lui. Car l'homme ne fait que passer, mais il se promène sur des voies superbes de grande poésie où l'on ne peut se perdre, accompagnés que nous sommes de la présence du narrateur.
Anton s'occupe de vivre et d'aimer généreusement car à dix sept ans déjà, il sentait bien que le monde était fait pour lui.
Un livre comme un psaume, un texte à savourer, une histoire faite de rêves, mais si simple… À hauteur d'une pensée d'homme. Un vrai !
Anton ? À rencontrer, assurément.
Élisabeth Fabre Groelly. Mars 22.
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