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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
"Aurélia" est un livre dont on ne sort pas indemne... de relecture en relecture, je l'ai toujours "vécu" comme un conte fantastique particulièrement beau et vaporeux. Une étrange et longue nouvelle découverte à quinze ans, je crois, entre nouvelles et romans de H.-P. Lovecraft, les "Bob Morane" d'Henri Vernes, les contes noirs de Thomas Owen, Jean Ray et Claude Seignolle, et la découverte du "Frankenstein ou le Prométhée moderne" de Mary W. Shelley... Oui, cette fabuleuse (désormais légendaire) collection "Fantastique" des éditions marabout, made in Belgia ! Saviez-vous qu'y figurait "Aurélia" d'un certain Gérard de Nerval ? Ou alors l'ai-je rêvé ? Possible, après tout...

Et puis - comme après la découverte de certaines nouvelles ("Dagon"), de certains titres ("La couleur tombée du ciel") ou de tels ou tels récits totalement oniriques ("Démons et merveilles") du "marginal" Howard-Philip Lovecraft - cette impression de malaise tenace qu'il nous laisse...

Je me souviens d'une impression similaire laissée par la "Nadja" illustrée d'André Breton : à la fois rêve éveillé et nette sensation de modification de l'état de conscience du lecteur rêvassant au fil des pages...

Je retrouve aujourd'hui la même impression dans la juxtaposition des 35 photographies noir-et-blanc (au temps de pose infini) et des XV chapitres de "Bruges-la-Morte" de Georges Rodenbach...

Pourtant l'histoire du narrateur (et celle de l'auteur nous apparaissant en filigrane, se perdant peu à peu dans les labyrinthes de ses graves troubles mentaux) est tragique, terrifiante et sans issue...

Une sorte de "Horla" intime dictée par les complications neuropsychiques de l'alcoolisme de l'écrivain en lieu et place de la syphilis tertiaire qui vint à bout de la silhouette de taureau de Guy de Maupassant... Nous retenons pourtant les impressions lunaires... la silhouette féminine qui fuit lorsqu'on l'approche (annonçant l'apparition/disparition nosfératuesque de la jeune femme de "Bruges-la-morte" de Rodenbach : double de sa "Disparue").

Poétique du récit : vie et mort en fusion intime... Matière qui simplement s'échappe et n'existe plus... Car : exister pour quoi faire, et à quoi bon ?

"Le rêve est une seconde vie" : et cela tombe bien... Car le réel est double, lui aussi, tout comme nos existences précaires. le réel est surtout si "individuel" (Voir ce qu'en a appris l'écrivain Philip K. Dick) : des milliards de "réels" tentent de cohabiter vaille que vaille à cette heure-ci, à la surface de la Terre...

On sait que Gérard Labrunie "de Nerval" n'a pu survivre à son "Aurélia"... Terminus et oeuvre ultime... Chef d'oeuvre. Un peu comme si "L'Autre Monde", tel un gouffre, s'ouvrait déjà sous nos pieds - ailés mais fragiles - de lecteurs ordinaires...
Lien : http://fleuvlitterature.cana..
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Courte histoire d'amour narrée à la première personne, Aurélia conte la passion d'un homme pour une jeune femme. Ecrite sur les conseils d'un médecin, cette nouvelle doit aider l'auteur, Gérard de Nerval, à expulser ses pulsions oniriques et ses visions étranges ; que l'on retrouve sans cesse au cours du récit, qui alterne tant et si bien réalité et imaginaire, moments présents et reves, que l'on perd totalement tout repère, comme le narrateur qui ne sait plus s'il vit réellement ses reves ou si ceux-ci ne sont que souvenirs.

Un essai typique du fantastique, qui plonge le lecteur dans un profond désarroi, mais sans pour autant le répugner : le style et la plume De Nerval sont tout simplement extraordinaires, riches et complexes. Un vrai plaisir de lecture.
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Il est rare qu'un auteur mêle autant sa vie à son récit. Ce dernier, si on ne savait qu'il fût retravaillé, pourrait passer pour une confession, un journal. Cet entrelacement, cette confusion entre l'auteur et son narrateur, c'est aussi la résonance, la correspondance de la même confusion, du même entrelacement entre la vie et le rêve qui animent le récit. Peut-on confondre le narrateur d'Aurélia avec Nerval ? Certainement, tant les expériences décrites sont intrinsèques à son auteur. Mais il faut se garder de confondre Aurélia comme une simple confession, l'écrit d'une expérience de la folie ou des états limites qui la bordent. C'est véritablement une nouvelle, qui a son plan, sa forme, ses conséquences.
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« le rêve est une seconde vie. Je n'ai pu percer sans frémir ces portes d'ivoires ou de corne qui nous séparent du monde invisible. Les premiers instants du sommeil sont l'image de la mort ; un engourdissement nébuleux saisit notre pensée, et nous ne pouvons déterminer l'instant précis où le moi, sous une autre forme, continue l'oeuvre de l'existence. »

Ainsi s'ouvre le livre. Sous titré « le rêve et la vie », « Aurélia » est le récit halluciné et pourtant parfaitement maîtrisé et conscient de l'implication « réelle » du rêve dans la vie ou, plutôt et plus exactement, le récit de ce que Nerval appelle « l'épanchement du songe dans la vie réelle ». Cet « épanchement » extraordinaire du fantasmatique onirique dans la banalité concrète du quotidien a trouvé l'occasion de sa manifestation dans la conjugaison du désamour d'« Aurélia » pour Nerval et de l'accès de folie dont ce dernier, à la même époque, fit les frais et qui, avant qu'il put achever cette oeuvre, eut raison de lui en poussant l'auteur à se suicider en se pendant aux barreaux d'une grille de la rue de la Vieille-lanterne à Paris. La perte, d'abord sentimentale (puisqu'elle se maria à un autre) et ensuite définitive (puisqu'elle mourut), de celle qu'il appela littérairement « Aurélia » (de son vrai nom Jenny Colon), fut convertie, par le biais de l'alchimie poétique de la psyché nervalienne, en un trésor de présence là où la déréliction de cet amour se métamorphosa en une élévation stellaire au sens où la femme aimée devint étoile scintillante éclairant et guidant le poète dans les pérégrinations nocturnes de sa folie.

A travers la figure aimée, celle qui fut la muse et l'orient De Nerval dans l'assombrissement de sa raison, et à travers le texte qui porte son nom, à savoir « Aurélia », l'auteur tenta, avant Nietzsche et bien avant Freud, de saisir la relation finalement étroite et singulièrement rationnelle qui lie le rêve à la vie dans l'espoir, sans doute, de compléter « l'alphabet magique », que les sciences humaines ne nous livrent que partiellement, et qui, par la compréhension de cette seconde vie qu'est le rêve, permettrait une interprétation plus lucide de notre existence ainsi restituée dans son intégralité et dans la plénitude de son acception : « Toutefois, me disais-je, il est sûr que ces sciences sont mélangées d'erreurs humaines. L'alphabet magique, l'hiéroglyphe mystérieux ne nous arrivent qu'incomplets et faussées soit par le temps, soit par ceux-là même qui ont intérêt à nôtre ignorance ; retrouvons la lettre perdue ou le signe effacé, recomposons la gamme dissonante, et nous prendrons force dans le monde des esprits. ».

Le projet nervalien est à la fois inédit en ce qu'il s'attache à pénétrer les arcanes de nos songes pour en révéler le chiffre et profondément novateur en ce qu'il s'évertue à rendre compte de l'existence spectrale qui en découle et qui occupe, puisque nous dormons nécessairement, un tiers de notre vie. Inédit et novateur, en effet, car si Nerval écrit que nous avons à « prendre » et non à « re-prendre » force dans le monde des esprits, c'est que nous sommes à l'aube, et pour longtemps encore peut être, d'une conquête sur nous-mêmes qui nous permettra enfin d'accéder au monde des esprits auquel seuls les poètes et les penseurs qui ont su sonder les tréfonds de l'âme humaine savent bien que nous appartenons. Il ne s'agit donc pas ici d'un exercice littéraire qui viserait, par l'artifice de l'écriture, à révéler l'ombilic de la réalité, ce point originaire témoignant de l'entrelacement mystérieux du rêve et de la vie, mais il s'agit de répondre fondamentalement à l'exigence profonde de la littérature et à ce que Nerval appelle la « mission » de l'écrivain : « Si je ne pensais que la mission d'un écrivain est d'analyser sincèrement ce qu'il éprouve dans les graves circonstances de la vie, et si je ne me proposais un but que je crois utile, je m'arrêterais ici, et je n'essaierais pas de décrire ce que j'éprouvai ensuite dans une série de visions insensées peut-être, ou vulgairement maladives… ».

Pour répondre à cette exigence de la littérature et se conformer à la vocation de l'écrivain qui intime une sincérité absolue lorsqu'il est question de l'explicitation de ce qui se trame ombreusement dans l'âme humaine lorsque la raison songeuse confine à la folie, Nerval donne un tour magistral à sa parole, entendez son écriture, en convoquant toutes les ressources et puissances dont la langue dispose afin de dire ce que, pourtant, seul le silence de la nuit semble être en mesure de montrer. C'est ainsi que la magnifique prose nervalienne rappelle, par bien des traits, la somptueuse parole apocalyptique de Saint Jean ou encore la splendeur de l'expérience mystique d'Er le pamphylien relatée par Platon à la toute fin de sa « République ». Hauteur du verbe, beauté des images, inspiration poétique, intelligence des choses et des symboles, sublime élégance du style, Nerval semble être de ces auteurs sur le berceau desquels les fées se sont penchées et dont on ne peut même pas regretter qu'il fut, par les Parques, condamné, dès l'abord sans doute, à la folie, étant donné que la folie est le tribut que doit payer le poète à la raison s'il veut pouvoir traverser en vérité le fleuve de la réalité et de la vie. Je dois confesser que je n'avais jamais lu Nerval mais je sais aujourd'hui et dorénavant que je le lirai.

Hervé Bonnet


Lien : http://blogs.lexpress.fr/les..
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L'épanchement ou la volonté remarquable de s'appliquer à déjouer les bizarreries de l'inconscient et à parvenir à des songes logiques...surtout Aurélia, ou le rêve de sa vie appartient aux chefs-d'oeuvres de la poésie française. Gérard de Nerval possède l'image mythique de l'idéal féminin, par expérience il sait que le rêve est une seconde vie et que le " moi " sous une autre forme continue l'oeuvre de l'existence, la sienne. Il confère au rêve un pouvoir de découverte et de connaissances, et croit établir une communication avec le monde des esprits pour rompre son isolement à sa conscience, mêlant le souvenir et la fiction. Durant son ultime internement psychiatrique, en menant une vie errante, il mettra fin à ses jours en se pendant à une grille de la rue de la rue de la Vieille-lanterne pas loin du Châtelet.
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