Mon grand-père d'origine italienne a fui l'Italie de Mussolini pour devenir français - il n'a plus jamais parlé italien, a fait la seconde guerre mondiale dans l'armée française, a été fait prisonnier de guerre par l'armée italienne et envoyé dans un camp en Sibérie. Mon père, né pendant la Seconde guerre mondiale, n'a pas de souvenir de celle-ci et n'a pas participé à ce que l'on n'appelait pas à l'époque la Guerre d'Algérie. Je n'ai pas fait le service militaire, ne participerai à aucune guerre - à l'exception de la « guerre » économique - et mes parents nous ont fait prendre comme première langue étrangère l'allemand à l'école. Mon fils ne devrait participer à aucune guerre lui-même sauf à des simulations de guerre dans des jeux vidéo et également à la « guerre » économique. Il commence à poser des questions et à exprimer des commentaires sur la guerre. À la suite de l'épisode de Band of Brothers où la Easy Company découvre un camp de concentration, son unique commentaire a été « Abominable ». Il souhaite aller voir Dunkerque (le film, pas la ville), (me) pose beaucoup de questions sur la guerre du Vietnam, d'Indochine, ... Il avait suggéré à sa soeur, qui souhaite abandonner l'allemand, comme argument que « à cause des allemands, il y a eu les Nazis » - j'ai dû lui expliquer que c'était plus compliqué que cela ; maintenant il souhaite aller visiter l'Allemagne plutôt que l'Angleterre pour son dixième anniversaire.
Contrairement à mon fils (à moi et à mon père), Alexandre Najjar a connu enfant la guerre : « j'avais huit ans quand la guerre a éclaté, vingt-trois lorsque le canon s'est tu. » La guerre que Najjar a vécu est la guerre du Liban. Cette guerre aura été pour lui « un cauchemar, mais aussi - comment le nier ? - une école de vie. » On comprend ainsi le titre de son récit, le récit d'un enfant pendant la guerre.
En un peu plus d'une vingtaine de chapitres courts, Najjar évoque avec humour - lorsque son oncle parlait de « la grosse Bertha », Najjar croyait qu'il faisait référence à une tante ou une cousine lointaine ; les épisodes avec le chauffeur de taxi Moussa -, philosophie - par exemple, le chapitre sur la bougie, celui sur l'esthétique de l'obus, les réflexions sur les francs-tireurs et l'amour en temps de guerre - tendresse - sa famille est évidemment présente et notamment sa mère qui fait croire que les obus frappant à proximité de leur maison ne sont que des feux d'artifices ; plus tard, Najjar demandera des explications à sa mère : « - Pourquoi m'as tu caché la vérité ? demandai-je à ma mère. - Je ne voulais pas vous traumatiser. - Tu nous a donc menti ! - C'est un « mensonge blanc ». J'ai travesti la réalité pour berner votre peur. […] Je ne regrette pas une seule seconde de vous avoir menti. L'ennemi était à cent mètres et vous affichiez des visages radieux. Sans l'optimisme que je lisais dans vos yeux, je n'aurais pas tenu le coup. » - et humilité la guerre qu'il a vécu, cette guerre sans laquelle il « [aurait] été un autre homme ». Ce qui est frappant, c'est que pendant la guerre la vie continue : il y a ainsi un chapitre sur « Les grandes vacances ». La guerre s'arrête aussi parfois temporairement : notamment pendant les matchs de football de la Coupe du Monde 1982 et cela même si le pays est également divisé en deux camps : celui de l'Allemagne, « symbole de rigueur, de discipline » et le Brésil, « symbole de virtuosité, de fantaisie ».
Il y aurait beaucoup plus à dire tellement chacun des chapitres de L'école de la guerre constitue une école de la vie. Au final, L'école de la guerre est un petit livre (par sa taille) mais un grand récit de vie que je ferai lire à mon fils lorsqu'il sera un peu plus âgé.
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Jusque-là, j'avais cru les obus invisibles: je les voyais exploser au loin dans un geyser de fumée, auréoler d'un halo éphémère les villages bombardés, incendier les maisons et les forêts de pins; j'entendais leur fracas lorsqu'ils s'abattaient sur mon quartier, ou leur sifflement lorsqu'ils fendaient l'air au-dessus de la maison… Voir enfin un obus, le caresser, fut pour moi une révélation: avec sa forme oblongue à l'esthétique irréprochable, ses courbes généreuses, son ogive qui évoque les contours d'un sein, son élégante couleur bleu-gris, et la brillance de son corps en acier, poli comme une pièce de marbre, un obus est beau, d'une beauté parfaite. Au toucher, il est froid et dur ; qui le croirait capable de voler en éclats? Étrangement, il procure une sensation de sécurité. Qui donc a imaginé cet engin qui conjugue si bien obésité et beauté? Est-ce pour montrer la précarité des belles choses ou par perfectionnisme que son créateur a mis tant de soin à peaufiner ce projectile qui, au bout du compte, se désintègre en même temps qu'il sème la terreur? J'en déduisis que cet artiste inconnu était, avec le franc-tireur, de ceux qui mettent leur art au service de la Mort et qui cherchent la perfection dans le meurtre même.
« Je rêve que je rentre chez moi, que je dors dans mon lit, dans ma maison, me confia-t-il un jour. Mais, au réveil, je m'aperçois que la réalité est différente : je couche sur un parking, au milieu des voitures. On m'a privé de ma maison. On m'a exilé dans mon propre pays. J'ai tout perdu. Même l’espoir. »
La bougie constitue peut-être l'exemple le plus frappant de la formidable générosité des choses, et de la capacité de certains objets à aimer. Elle vit et meurt pour celui qu'elle éclaire. Est-il plus beau témoignage d'amour ?
Vingt ans après, la balle est toujours là. Je me suis fait à ce corps étranger qui vit dans mon propre corps. L'en extraire n'y changerait rien : la guerre m'habite, de toute façon.
A l'occasion du "Livre sur la Place" 2021 à Nancy, Alexandre Najjar vous présente son ouvrage "Le syndrome de Beyrouth" aux éditions Plon. Rentrée littéraire automne 2021.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2542178/alexandre-najjar-le-syndrome-de-beyrouth
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
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