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Loïc Marcou (Traducteur)
EAN : 9782491287054
Signes et balises (25/08/2023)
5/5   6 notes
Résumé :
La traduction du grec, inédite en français, du manuscrit que Marcel Nadjary, juif de Thessalonique déporté à Auschwitz au Sonderkommando, a rédigé en novembre 1944, qu'il a enfoui dans la terre et qu'on n'a retrouvé que 9 ans après sa mort, en 1980. C'est une lettre désespérée et en même temps immensément digne qu'il envoie à ses amis chers, pensant ne pas survivre.
Il a survécu (dans les conditions que l'on peut imaginer).
Dans le livre il y a aussi l... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
C'est bien beau de gagner un livre au Masse Critique, mais derrière il faut assumer ses responsabilités. Car comme l'a si bien dit ce bon vieux Oncle Ben des familles, un grand pouvoir implique de grandes responsabilités. Et je vais être franc avec vous, j'ai failli manquer à mon devoir, car oui, vous l'avez deviné, il me reste 0 jour pour rédiger cette critique. Pour ceux qui n'auraient toujours pas compris, l'Horloge de l'Apocalypse indique 00h00. Si vous n'avez toujours pas compris je ne peux plus rien pour vous, je ne suis pas venu pour vous éduquer hein.

Aujourd'hui nous allons parler d'un livre un peu particulier, qui appartient même à une catégorie d'ouvrages dont je ne suis pas spécialement amateur à la base, mais l'époque de la Seconde Guerre Mondiale me passionnant tout particulièrement, j'avais décidé de l'ajouter à ma sélection Masse Critique. Sonderkommando c'est avant tout un témoignage authentique, brut, massif et sans concession, au coeur du quotidien d'un déporté (Marcel Nadjary) du camp de concentration de Birkenau. Ouais, vous l'avez deviné, on n'est pas parti pour s'amuser à se tirer sur la bricole. Bah quoi, chacun ses divertissements, c'est un passe-temps de rugbyman à ce qu'il paraît.

Les éditions Signes et Balises, que je remercie d'ailleurs chaleureusement au passage, ont fait le parti pris de joindre les pages du manuscrit originel de Marcel Nadjary (techniquement il y a même deux manuscrits) en parallèle de la traduction qui se veut authentique, sans fioritures ni adaptations (certains passages non déchiffrés du fait de l'état dégradé du manuscrit ont même été laissés vides). Et quelle belle idée. L'ouvrage prend ainsi une dimension narrative extrêmement puissante et émouvante. Déjà que le thème à la base titille la corde sensible, là c'est le pompon, si bien que j'ai failli au code spartiate auquel j'ai prêté allégeance à plusieurs reprises, et même changé deux fois de t-shirt. Bon ne le répétez surtout pas car comme dit l'adage grec selon Yoda, un mâle Alpha, toujours de le rester se doit.

Pour les plus férus d'histoire vous trouverez probablement le point culminant de votre bonheur dans la bibliographie très dense, la biographie de l'auteur et les compléments d'Histoire ajoutés en postface. Comme je le disais, le travail de documentation et de retranscription authentique du témoignage sont exceptionnels, si bien que l'édition est une des plus belles qu'il m'ait été donné de voir. À nouveau je tiens à souligner le travail titanesque derrière cet ouvrage, qui mériterait d'ailleurs d'être présenté en cours de Français et d'Histoire au collège.

Même si je sais que le temps passe vite en ma présence, vient à présent l'heure du bilan. Je recommande bien évidemment ce livre au plus grand nombre, y compris aux go muscu et mâles Alpha, ne serait-ce que par devoir de mémoire. Voilà, sobre et propre. Bon je dois vous laisser je suis vacances et j'ai un gosse à surveiller comme l'huile sur le feu. Et pour les jaloux qui envieraient mes vacances de rêve à la montagne ou encore mon 8 pack d'Apollon, je vous pardonne et je vous embrasse car je ne suis qu'amour. Bisous.
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De 1944 à 1980 : 36 ans ! La sacoche de cuir, refermant le thermos qui contenaient les feuillets écrits par Marcel Nadjary membre d'un Sonderkommando du camp d'extermination nazi de Birkenau, est restée 36 ans enfouie dans le sol. Dans ces feuillets, Marcel Nadjary, voué à une extermination programmée, a livré ce qu'il croyait être son ultime témoignage sur la barbarie nazie et son processus d'extermination systématique de femmes et hommes de tout âge et de toute nationalité.
Les membres des Sonderkommandos étaient régulièrement exterminés, afin que le secret reste sur cette industrie de la mort. Marcel Nadjary n'avait aucune illusion sur sa destinée finale, mais il voulait « résister » encore, transmettre, laisser une trace de toute cette horreur.

Tous les témoignages de cette nature prennent aux tripes, mais celui-ci a une autre réalité : écrit dans la même temporalité que ce qu'il décrit et par un homme qui sait qu'il n'y survivra pas. L'émotion est forte. A gauche les feuillets originaux avec les dessins, l'écriture de Marcel que les avancées technologiques ont permis de redonner à voir. A droite, la traduction effective.
Il s'adresse autant à ses proches qu'à la personne landa qui trouvera ses écrits. Marcel Nadjary a survécu. Quelques années plus tard, il a entrepris de retranscrire ce qu'il a vécu, pour à nouveau témoigner, avant que le temps, la vie effacent sa mémoire. Çà et là, des trous sont laissés, afin de retrouver des noms, de préciser plus tard telle ou telle chose. Il n'est jamais revenu les combler. Ce vide en dit aussi beaucoup…
Quelle force il lui a fallu. Quel courage, non seulement de vivre tout cela, mais de replonger dans ces moments terribles pour transmettre ce qu'à cette époque, personne ne voulait plus entendre. Ou si peu.

La suite du livre se compose d'études et de réflexions par des historiens et universitaires qui éclairent et précisent l'importance et le poids de ces témoignages : « ces voix sous la cendre ». Puis viennent les annexes qui enrichissent le tout de précisions bienvenues.

A la lecture de ce livre, passionnant et bouleversant, j'ai de nombreuses fois remercié en pensée les éditions signes et balises, pour l'envoi de ce livre, mais surtout pour avoir permis à ce livre de voir le jour et venir jusqu'à moi et bien d'autres. A l'heure actuelle, c'est d'un courage et d'un engagement qui méritent le respect, le soutien et une reconnaissance à sa juste valeur. Je vais piocher dans la liste des ouvrages publiés, afin de trouver d'autres pépites… Merci à vous !
Merci également à Babelio pour cet envoi.
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Sous-titré « Birkenau 1944 – Thessalonique 1947. Résurgence », ce documentaire est bien plus qu'une curiosité, il est un maillon essentiel de la longue chaîne de l'histoire du témoignage dans la littérature concentrationnaire. Il est aussi une sorte de miracle historique par son existence même, car le premier manuscrit du déporté grec Marcel NADJARY à Auschwitz-Birkenau de mai 1944 à janvier 1945 aurait pu ne jamais être découvert puis déchiffré.

Le 24 octobre 1980, des élèves ingénieurs forestiers polonais déterrent une sacoche enfouie dans le sol de l'arrière-cour d'un crématoire de Birkenau. Dans cette sacoche une bouteille thermos, elle-même renfermant un manuscrit en grande partie illisible. Il est daté du 3 novembre 1944 et signé Marcel NADJARY, prisonnier et sonderkommando au sein du camp de Birkenau. Mais ce n'est pas tout : inexploitable en l'état à l'époque de son exhumation, ce document rare le devient seulement 38 ans plus tard, en 2018, soit près de 50 ans après le décès de son auteur (survenu en 1971), grâce aux nouvelles technologies, en l'occurrence à l'aide de l'analyse multispectrale. Ce manuscrit de quelques pages fut griffonné dans l'urgence, dans le camp même, alors que NADJARY est certain d'être exécuté par les SS, connaissant trop de détails sur leur entreprise de la solution finale. le style est précipité, le fond absolument testamentaire, il relate les événements majeurs au sein du camp ainsi que la mort prochaine de l'auteur des lignes. Qui n'aura pourtant pas lieu.

En avril 1947, après la libération des camps mais en pleine guerre civile grecque, NADJARY a écrit à Thessalonique un second manuscrit, plus étayé, plus long. Dans celui-ci, rédigé de manière plus posée, l'auteur reste cependant en partie dans l'urgence. S'il donne plus de détails sur sa captivité, son parcours en temps de guerre, les phrases restent brèves, percutantes, parfois sous forme télégraphique, comme s'il devait terminer son épreuve le plus rapidement possible, s'en « débarrasser » sans pourtant omettre un quelconque détail majeur. Il s'attarde bien plus sur des croquis du camp, devenus éléments historiques d'envergure de par leur précision quant à l'architecture du complexe. Il revient sur les accusations de Résistance active qui ont entraîné son arrestation en Grèce, puis les interrogatoires sous la torture, l'arrivée au camp d'Auschwitz-Birkenau sous le matricule n°182669.

Dans le camp, NADJARY a assisté aux gazages des juifs, a traîné les corps jusqu'à un monte-charge avant leur destruction par le feu, il a pilé les cendres humaines. Ce qu'il a vu est indicible, dangereux aussi, car les nazis peuvent le liquider à tout moment, faire taire définitivement ses yeux. Durant sa déportation, il a cependant eu la force de monter une pièce de théâtre. Qui fut jouée.

Nous avons ici pour le premier manuscrit un témoignage crucial d'un prisonnier écrivant en direct d'un camp d'extermination, dans l'agitation mais comme pour laisser une trace indélébile. Pour le second, se remémorant les épreuves du passé, il vient compléter le premier. Dans cet épais livre, le lectorat se place lui aussi au coeur de l'action, car le volume offre les fac-similés de chaque page des deux manuscrits. Mieux : il propose pour le premier d'entre eux un visuel de son état initial tel qu'il fut exhumé en 1980, puis une version restaurée après l'analyse multispectrale de 2018, après rectifications du musée d'Auschwitz de 2020. La différence est flagrante. D'une page considérée comme presque vierge surgit soudain de « vrais » mots, avec de vraies lignes dans de vraies pages. Et tout s'éclaire, NADJARY révélant également une tentative de démolition de l'un des crématoires du camp par des prisonniers.

Ces deux manuscrits parlent pour l'Histoire. Mais ce n'est pas tout. de nombreux historiens et/ou spécialistes de la shoah se succèdent dans de longues analyses sur la découverte du premier manuscrit, sur la rédaction du second, sur le parcours de son auteur, mais aussi sur les (sur) vies dans le camp de Auchswitz-Birkenau. La préface présentée après les manuscrits est signée Serge KLARSFELD, la fille de NADJARY, Nelly, dressant ensuite une brève biographie de son père dans laquelle nous apprenons que l'auteur des deux textes a refait sa vie puis émigré à New York en 1951 (la destination initiale était Indianapolis, Nelly nous explique pourquoi il n'en fut rien) avec sa femme, elle-même rescapée du camp de Bergen-Belsen. Leur fils Alberto prend la plume à son tour pour se souvenir de son illustre paternel.

Dans les témoignages de celles et ceux qui l'ont connu, il en ressort systématiquement son grand sens de l'humour et son charisme, même au sein du camp, Andréas KILIAN analyse d'ailleurs ce fait, avec justesse et recul. L'existence des manuscrits est sondée par Fragiski AMPATZOPOULOU avant de laisser la place à Georges DIDI-HUBERMAN et son approche philosophique et psychanalytique passionnante de la vie en camps. L'aspect technique du camp d'extermination d'Auschwitz-Birkenau ainsi que la détention de NADJARY sont proposés par Tal BRUTTMANN, Loïc MARCOU, le traducteur, confessant avec brio les difficultés de traduire des documents tels que celui de Marcel NADJARY.

Le volume se clôt sur une mine d'informations : une chronologie précieuse et détaillée des faits, une bibliographie vertigineuse (plus de 20 pages, dans lesquels nous apprenons furtivement qu'un livre sur un sujet similaire paraîtra en 2024 chez Signes et Balises) et multilingue, une liste d'archives audiovisuelles, multilingue elle aussi, puis des listes de noms et lieux que nous rencontrons tout au long du recueil, d'organisations grecques de Résistance ainsi qu'un glossaire sur les termes allemands employés dans le présent volume. Les annexes sont de Loïc MARCOU, fort impliqué dans cet ouvrage qui devrait devenir un témoignage de référence en France. C'est en effet la première fois qu'il est traduit et publié en intégralité dans cette langue.

Ce livre est un monument. Au-delà de l'aspect historique notoire, il résulte d'un travail collectif colossal. Quand au choix esthétique il est tout simplement époustouflant. En effet, en plus des fac-similés des écrits de NADJARY, des photographies diverses sont ici insérées, faisant de ce recueil un documentaire à la fois littéraire mais aussi visuel. Pour finir il est une archive extrêmement documentée sur la Grèce durant la seconde guerre mondiale et sur la guerre civile qui lui succède (1944-1949).

Les éditions Signes et Balises nous avaient déjà impressionnés l'an dernier avec la parution – une première mondiale – de l'intégralité de la poésie du grec Nikos KAVVADIAS (oeuvre majeure !) en version bilingue. Ici, en près de 500 pages, c'est la partie la plus sombre de l'Histoire contemporaine mondiale qui rejaillit avec des témoins directs, mais aussi des spécialistes de cette période. L'objet est co-édité avec les éditions Artulis, petite maison dont le catalogue est cependant alléchant, tant visuellement qu'au niveau du contenu. C'est à coup sûr l'un des événements de l'année 2023 en matière de publication ainsi qu'un support indispensable sur la littérature concentrationnaire.

Décédé aux Etats-Unis 9 ans avant la découverte de son premier manuscrit, Marcel NADJARY ne saura jamais qu'il fut exhumé, déchiffré puis publié. C'est cela aussi la force de l'Histoire, des témoignages disparus ou inconnus retrouvés presque par hasard, qui constituent vite une source capitale pour une compréhension ultérieure des faits et de la barbarie.

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« Sonderkommando Birkenau 1944 – Thessalonique 1947 Résurgence » Marcel Nadjary, traduit du grec par Loïc Marcou. Éditions Artulis, Pierrette Turlais & les Éditions Signes et balises.
Voici l'oeuvre perpétuelle, ultime, la prononciation du devoir, l'hommage invincible pour Marcel Nadjary (1917 – 1971), juif grec de Thessalonique.
Sonderkommando, lorsque la vie s'arrête. L'humanité étranglée par l'incommensurable. Un homme épris de loyauté, de bravoure, déporté à Auschwitz – Birkenau au printemps 1944.
Le bandeau noir sur ce livre bleu-nuit, dont la couverture de Samis Taboh (Nostalgie) inspire au sanglot long.
Marcel Nadjary qui pressentait sa mort certaine a écrit une lettre en novembre 1944, enroulée dans une bouteille hermétique et protégée dans une sacoche en cuir « aux abords du crématoire III de Birkenau ».
Retrouvée en 1980, neuf ans après sa mort, il ne saura jamais sa résurgence. Elle est ici. Dans le tremblant de ce livre qui rassemble l'épars. le temps gris et hivernal, filigrane d'une oeuvre inestimable et signataire du devoir de mémoire. Cette lettre est le bouleversant documentaire, douze feuillets à peine lisibles. Mais c'est sans compter sur la ténacité des érudits historiens. Elle est conservée au musée d'état d'Auschwitz – Birkenau. Il remet d'équerre ce qui fut de ces camps de la mort. Testament irrévocable et foudroyant. « Le fouet à la main les Allemands les forçaient à se presser pour en entasser le plus possible, une véritable boîte à sardines d'êtres humains, puis ils fermaient la porte hermétiquement ».
Il écrit l'horreur, il somme l'exutoire, de ce qu'il a fait : Sonderkommando, la plus douloureuse des tortures. Pressentir qu'il sera fusillé en dernier ou anéanti par le gaz.
Pousser son frère en humanité, ses coreligionnaires. « Si quelqu'un demande de mes nouvelles dites que je n'existe plus ».
Lettre ultime, implorer le pardon pour lui-même, dénoncer la bête immonde, le SS.
Lire en 2023 cette missive, c'est encore apprendre à se méfier pour demain. C'est démontrer que l'homme est un loup pour l'homme. (Thomas Hobbes). C'est implorer, plus jamais. C'est aimer le mot Juif encore plus fort. Acter la résistance et abolir ce paroxysme de folie et de haine. Trente-six ans de silence, une lettre inondée de terre et de sang avant sa venue dans un monde où persistent les relents d'antisémitisme. Cette lettre devrait être lue à la jeunesse, à d'aucuns et à tous. Nous.
Le deuxième récit de Marcel Nadjary est son témoignage rédigé en 1947. Journal et sceau pour l'humanité. Ce manuscrit est une preuve. Marcel Nadjary crie l'horreur, le génocide, le meurtre de masse. « Si l'un de nous parvenait à sortir vivant de là, il pourrait témoigner ».
L'hiver glacial, la faim et le pain moisi, jeté en pâture, les coups et les vulnérabilités, les souffrances effroyables, les tortures, les fours crématoires, les hommes, les femmes et enfants qui tombent comme des mouches, plus qu'un seul corps. « Marcel Nadjary, combattant, résistant et rescapé de l'ultime étape du génocide, est donc l'un des rares humains à être entré en enfer, à en être sorti et à l'avoir décrit ; un enfer sur la terre réservé presque exclusivement aux juifs ». Il n'aurait pas dû survivre. Les « Sonderkommandos », derniers témoins. le silence sur les cendres, taches sur la neige, ou bien jetées dans la Vistule, four crématoire de l'immonde. Cet homme à la mise à mort promise, Juif grec, dans un Auschwitz -Birkenau où l'on a retrouvé « Le rouleau d'Auschwitz ». Un rouage de la machine d'extermination nazie : Soderfo.
La dimension collective, universelle, des vérités révoltantes, les traces indélébiles, cicatrices sur l'âme et la peau. Il dépose l'ultime acte de résistance au fronton de la mémoire, pour toujours. « Auschwitz était une planète, un monde à part, alors chacun de ces camps était un continent en soi, séparé des autres par d'infranchissables montagnes de barbelés, qui constituaient autant de « terrae incognitae » pour les prisonniers ». « L'ère du témoin ».
Comme l'exprime le traducteur perfectionniste et érudit : Loïc Marcou, « En effet, loin de se limiter à sa langue nationale, le « Sonderkommando » grec déploie tout un éventail linguistique dans ses deux manuscrits. S'il utilise souvent la « Lagersprache » - ce langage des camps, constitué à la fois de mots allemands et de termes d'autres langues, reflet de la diversité des groupes ethniques déportés à Auschwitz – il tire aussi parti des deux autres idiomes qu'il maîtrise en sa qualité de Juif sépharade ayant grandi dans la Thessalonique de l'entre-deux-guerres : le judéo-espagnol – la langue des Juifs chassés de la péninsule Ibérique à partir de la fin du XVe siècle, encore très vivace dans la « Jérusalem des Balkans » avant la « solution finale » - et le français – la lingua franca de la bourgeoisie commerçante juive thessalonicienne à laquelle il appartenait ».
Il aura acté plus que la vérité : le paroxysme de la finitude. 1.400.000 , le nombre d'être humains assassinés à Auschwitz, « dans ce nadir de la condition humaine ».
Des textes de Serge Klarsfeld, Alberto Nadjary, Fragiski Ampatzopoulou, Georges Didi-Huberman, Tal Bruttmann, Loïc Marcou et Andreas Kilian « accompagnent et éclairent ces deux documents exceptionnels ».
Prenez soin des annexes en pages finales, elles sont la source du Savoir et la démonstration fabuleuse d'un travail de recherches colossales.
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Voici un livre passionnant pour un(e) historien(ne) : le témoignage d'un Sonderkommando... qui a survécu !
Le livre présente 4 parties :
- une reproduction et traduction du manuscrit originel : les 13 feuillets écrits par Marcel Nadjary, juif grec, à Birkenau en 1944, retrouvés cachés dans le sol de Birkenau: une lettre d'adieu et une sorte de testament pour essayer de nommer l'innommable, témoigner des crimes nazis mais aussi pouvoir une dernière fois s'affirmer homme/humain et Grec résistant, alors qu'il croit qu'il va être exécuté à son tour. Nous sommes au coeur du processus d'extermination nazi (pensée pour le film le Fils de Saül, bouleversant)
- la deuxième partie reproduit le manuscrit écrit par M. Nadjary après la guerre, alors qu'il a finalement survécu, et retrace le parcours de ce Grec depuis la résistance jusqu'au camp de Birkenau et ce qu'il a vécu, plus en détails. Il s'agit d'écrire pour dire, témoigner, mais aussi un processus de résilience ... quelle force il faut avoir pour avoir traversé tout cela et continuer à vivre et croire en l'Homme !
-la partie 3 propose des articles et réflexions sur les manuscrits, leur contexte, les traductions, l'importance du témoignage ... C'est le travail des historiens qui est ici expliqué, discuté...
- la partie 4 réunit les annexes : chronologie de la période, bibliographies et archives, listes des noms et des lieux évoqués ....

Cet ouvrage, tant dans son fond que dans sa forme, m'a beaucoup fait penser à @Des voix sous la cendre qui réunit également les témoignages des Sonderkommandos trouvés dans le sol du camp d'Auschwitz-Birkenau et les études des historiens les décryptant, les contextualisant ...
Mais dans cet ouvrage, un homme, un témoin est au coeur de l'Histoire et de l'étude, ce qui donne à l'ouvrage une résonance différence.
Un élève de terminale, un étudiant en Histoire ou toute personne que la question de la Solution Finale interpelle trouvera beaucoup d'intérêt à cet ouvrage.... mais en faisant attention à la charge émotionnelle qu'il porte pour le lecteur: même quand on a perçu (à travers des études d'Histoire, de nombreux travaux d'historiens, témoignages, documentaires ....) toute l'horreur de ce qu'il s'y est passé, être plongé dans le processus d'extermination et dans la guerre à travers les yeux de celui qui l'a vécu reste éprouvant.
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critiques presse (1)
LHistoire
14 décembre 2023
Autour de ces deux manuscrits, les éditrices Anne-Laure Brisac et Pierrette Turlais ont construit un remarquable ensemble de textes : réflexions sur l’acte de traduire de tels mots, histoire des manuscrits et biographie de l’auteur.
Lire la critique sur le site : LHistoire

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