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Claude Okamoto (Traducteur)
EAN : 9782877303590
195 pages
Editions Picquier (31/01/1998)
3.78/5   69 notes
Résumé :
Comme un prolongement de Bleu presque transparent dont il reprend les mêmes thèmes, Murakami Ryû poursuit le roman de cette génération perdue et désillusionnée dont il avait commencé le portrait, pour décrire une société crépusculaire violente et corrompue, promise à une fin prochaine.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Une plage. Fuini allongée, belle, nue. le soleil fait fondre la glace de mon mojito. Face à moi la mer, immensité bleue, du même bleu que le maillot de Fuini avant qu'elle ne l'enlève. On regarde la mer, de temps en temps on se regarde dans les yeux. Au loin, une tâche marron, avec une grande cheminée rouge sur le rivage d'en face. Un temple ? Une usine ? Un incinérateur avec sa décharge d'immondices. Elle boit dans mon verre, dans mes yeux. Elle voit cette illumination qui me guette. Au loin, un bateau. Une baleine sur le pont ? Non, ça ressemble à un gros poisson, du genre jamais vu ou tellement rare que les marins en oublieraient de boire un coup avant d'entrer au port. Des ballons dans l'air. Ils s'envolent, points multicolores au milieu des blancs nuages. La fête au village d'en face. le bateau, le gros poisson, et cette foule de badauds qui s'amoncellent dans le centre-ville. Ça va être un carnage. Fuini me passe la seringue blanche. Cocaïne. Tu en as déjà pris ? Une goutte de sang rouge à mon bras. le liquide transparent qui rentre dans la veine, la goutte qui devient brun, les yeux qui jaillissent de leur orbite. Et cette fête à côté. Et cette décharge en face. Délirant, extrême, la puanteur qui remonte, le pus qui sort des pustules, ce sang qui coule, cette graisse de poisson qui glisse du pont et emporte les badauds amassés sur la place du village. le carnage, je te l'ai dit. Comme un bombardement. Comme un massacre. Les urgences sont dépassées, les infirmières en blouse blanche débordées. Et la cocaïne qui se distille lentement dans le sang, les yeux qui brillent. Fuini me regarde encore, toujours aussi belle, toujours aussi nue. Que voit-elle dedans ? Cette brillance, ces feux d'artifice qui jaillissent de mes pupilles, la guerre commence au-delà de la mer. Et je ne suis pas encore mort, je vais me réveiller, avec cette seringue toujours plantée dans le bras. Putain, quel shoot !

Cela faisait trop longtemps que je n'avais pas pris un tel shoot. Une cocaïne extra-pure qui t'embarque dans son monde de violence, la puissance des images qui te vomit à la face, les couleurs éclatantes qui t'obscurcissent le regard, les cris de la foule qui explosent tes tympans, ce vomi, cette puanteur, ces cadavres, ce chien à qui l'on enfonce dans le crane un pieu pendant qu'il sodomise une chienne ou une poule. le monde est fou, la guerre est au-delà de la mer, et moi je reste sur la plage. Qu'est-ce que je suis bien, qu'est-ce que c'est bon, qu'est-ce qu'elle est belle. Et ce soleil… Cette foule qui courre s'amoncelle crie tremble, de peur de colère de dégoût. Putain, quel bouquin !

Fin du roman. Lessivé mais heureux. Comme un orgasme. Jouissif. Une nouvelle dose ? de fous, de cadavres, d'insectes grouillants et visqueux, d'amputés et d'estropiés, de vieilles pustulées et de putes. de sang, de pourriture et de graisse. Une violence inouïe dans les images, cette décharge magnifique dans sa composition… Fin, la nuit s'abat sur la plage, je m'endors sur Fuini.
Lien : http://leranchsansnom.free.f..
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Deuxième roman de Murakami Ryu, écrit en 1977. On y trouve déjà toute la force de cet auteur. Celui-là est dur, déjà ! et déroutant.
Où l'histoire se déroule-t-elle ? Souvenirs réinventés, cauchemars fantasmés, délires paranoïaques d'un junky ? En tous les cas, l'affrontement d'une vie insouciante et de vies que l'on sait sacrifiées, s'expose.
Ce livre était-il l'expression prémonitoire d'une fin sans fin ? Regardons les guerres depuis quarante ans… 1977, la fin de la guerre du Vietnam n'est pas si éloignée et, peut-être par une association d'idées qui m'est propre, la photo de Nick Ut qui montre cette petite fille nue, entourée d'autres enfants et fuyant les bombardements au Napalm de leur village au Nord Vietnam, me revient à l'esprit. Et si moi, écrivant ces lignes, à l'abri, revoyant cette photo, j'étais cet homme qui regarde, ou imagine, ou se rappelle, ou fantasme (..qui sait ?) cette guerre au-delà de la mer ?
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Au bord d'une plage, un couple se forme et regarde vers le large, vers une improbable ville portuaire. Une ville où la banalité est telle que nul n'a de nom, presque pas de visage. Ce serait un jour de fête, où l'on promènerait en ville le plus énorme poisson jamais pêché. Il y aurait un cirque, triste et glauque comme seuls savent l'être les cirques oubliés, un spectacle que personne n'applaudit. Il y aurait un hôpital et des vieilles femmes qui attendent de mourir, et il y aurait des gardes, des tailleurs, des grands-pères et des prostituées. Et il y aurait la guerre qui tomberait du ciel, et des corps éparpillés, et plus rien à attendre, et plus rien à sauver.

critique entre autres ici:
Lien : http://luluoffthebridge.blog..
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J'aime toujours le style de ryu murakami mais j'avoue que celui ci était le moins bien pour l'instant. Les personnes que je connais l'ayant lu était du même avis donc je m'y attendais. Cependant les dernières pages sont vraiment marquantes et je ne pourrai pas nier que c'était très bien tourné.
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
A proximité d’un tas de charbon au sommet lisse et arrondi, une puanteur violente s’élève dans le ciel sombre. Des odeurs de pourriture montent de partout et s’infiltrent, en flux plus ou moins compacts, dans l’air épais. Ça et là, on entrevoit un filet de terre rouge, à peine visible entre les détritus et les ordures. Il y a de la viande que l’on a jetée à la poubelle, de la charcuterie apparemment : des saucisses, ou quelque chose de semblable entouré de boyau. Visiblement, elle est avariée. La moisissure qui la recouvre pénètre aussi à l’intérieur, enlace chaque filament, chaque fibre de chair qui garnit les boyaux. On dirait un amoncellement de sexes vérolés d’hommes blancs. Juste à côté, ce sont des bananes : des bananes pourries s’entassant, réduites à des peaux noires d’où coule lentement le liquide visqueux du fruit en décomposition. Il y a aussi du lait, qui n’a pas été congelé convenablement ; acide et teinté de gris, il s’accroche aux bouteilles brisées, englué autour du goulot. Et puis ce sont les cadavres d’animaux : chiens, chats, bœufs et porcs déposés ici par le service d’hygiène ; les crocs à l’air et les yeux écarquillés. Leurs ventres crevés sont de véritables lambeaux de vêtement : par les fissures minces s’échappe la pestilence, tandis que, par les déchirures relativement plus grandes, ce sont les viscères qui débordent : des intestins à peu près gros comme un petit doigt. Derrière, ce sont des choux : probablement amassés ici parce que, en cette saison, ils ne sont plus bons à la consommation ; leur couleur noirâtre fait qu’ils n’ont plus l’aspect d’un chou ; on dirait plutôt des crânes de nourrissons fondus et gluants. Ce n’est pas la feuille entière qui a changé de couleur, une infinité de tavelures rouges et noires produit cet effet. Plus loin encore, des coquillages et des poissons luisants d’huile sale ; et également des œufs : le jaune a coulé hors de la coquille et a formé, en concrétion sur le sol, quelque chose qui ressemble à des glaçons jaunes où se reflète le ciel nuageux.
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Cette foule serait comme des chenilles qui foisonnent sur un pêcher ; comme un champ dense de cannes à sucre ; un banc de sardines ; une nuée d’insectes ; le lit asséché d’une rivière semé de galets multicolores… Non, ce qui lui ressemblerait le plus, ce sont les dessins clignotant que l’on voit derrière les paupières en serrant fort les yeux. Et chacun de ces points clignotants serait alors cet homme puant l’alcool aux incisives cassées qui remet sa casquette, cet ex-aviateur amputé des deux bras à la suite d’un accident, debout, l’air absent, qui fixe mastiquant son chewing-gum le profil de sa fille qui tient les manches vides du complet veston, cette femme aux longs orteils qui crie, sans savoir à qui, qu’on lui piétine son chapeau tout neuf, cet infirmier en uniforme bleu qui bourre de coton la bouche d’un malade et trinque à la bière avec son collègue, ce fou à lier qui saute à cloche-pied en transpirant, ce jeune garçon robuste avec dans son dos sa vieille mère qui a bandé d’un pansement ses paupières boursoufflées et pleines de pus, cet exhibitionniste qui montre son sexe à tout le monde, cette femme squelettique, ce vieillard à la jambe articulée, ce nourrisson qui agonise…
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Je porte devant mes yeux la seringue transparente ; le paysage se brouille dans un halo de gerbes de lumière diffractées en aiguilles. Je mire la ville lointaine comme une parie du corps de Fuini. Les épaules blanches de Fuini, son dos blanc, ses jambes blanches, les nuages blancs, les bâtiments blancs, l’hôpital blanc, la chambre blanche aux murs blancs, le parquet blanc, les lits blancs, le cadre blanc de la fenêtre, les draps blancs, le plafond blanc, les infirmières en uniforme blanc, les médicaments blancs… et les tâches rouges sur tout le corps de la mère du tailleur.
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Avez-vous été au parc le dimanche ? Avec tous ces petits vieux qui passent leur temps à lire leur journal sur un banc ? Ces vieillards-là - ça peut être votre grand-père à vous - n'entendent plus rien, chaussent des lunettes aux verres épais comme des fonds de bouteille de lait. Plonger leur nez dans le journal, c'est tout ce qu'ils savent faire maintenant, ou alors nourrir de miettes les pigeons, parloter avec d'autres vieux. De quoi ? De leurs souvenirs d'antan. Ils ressassent ce que vous vivez en ce moment, leurs cuites, la fois où ils ont couché avec une fille, ou gagné au jeu, leur virée en voiture un soir de concert, leur dîner dans un restaurant français avant le cinéma, leur unique voyage à l'étranger et ce livre qu'ils ont lu là-bas allongés dans l'herbe. Ils remâchent interminablement leur passé. Vous qui quotidiennement répétez les mêmes gestes, vous finirez comme eux. Vous ne vivez que pour sourire aux jours anciens dans un coin du parc le dimanche. Vous gardez précieusement dans votre tête les rares moments qui ont rompu la monotonie de votre existence, pour les ruminer comme une vache quand vous serez un de ces petits vieux.
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L'épouse du garde, tremblante, ne peut émettre un son. La main droite de l’homme serre son cou. Elle veut appeler mais sa voix reste nouée dans sa gorge. La casquette de l’homme tombe. Il approche son visage tout en enfonçant ses doigts dans la chair. Sa main gauche glisse entre les genoux de l’épouse. Elle se débat. Elle perd une chaussure. A côté, l’homme aux dents cassées ne rit plus. La bouteille de whisky se renverse et trempe les bas de la femme. Des orteils mouillés se propage une vague de chair de poule. Sa gorge est prise d’un tremblement. De douleur, de colère, de dégoût.
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