Citations sur Autour du Monde (88)
De toute façon, nul besoin de participer aux excursions : il suffisait d'accepter de regarder les photographies que l'un ou l'autre lui tendait avec une générosité toute particulière. Et c'était alors comme s'il avait vu de ses propres yeux les montagnes enneigées, les maisons rouges toutes simples et strictes, les ours blancs empaillés, les plaques d'égout, les trolls norvégiens.Tout ça était un peu pénible. Le soir, il fallait bien une bouteille pour se remettre - non pas de ses émotions, mais de leur absence.
La mort au bout de la route avec un parapluie jaune et des cheveux dansant comme des serpents sur le front et un visage beau et doux comme la solitude.
Mais il n'aurait pas cru, si lui-même ne l'avait pas, si on lui avait seulement raconté que les Philippins dans les arrières-cuisines du monde entier, dans les soutes des grandes croisières, à demi cachés, presque effacés et invisibles au regard de ce monde où tout un chacun semble être un voyageur permanent, que seuls des milliers de Philippins infiniment négligés et infiniment précieux faisaient vivre et tourner ce grand corps grouillant qu'est le monde globalisé.
Et puis il y a cette autre passion, vraie et ancienne, aussi vieille que des souvenirs d'enfance, le Japon. Une belle passion jamais démentie depuis qu'il l'avait découvert réellement, autant que le sexe, l'alcool - des passions disparates et futiles, la défonce sous à peu près toutes ses formes et, plus intimement, les chansons de Bob Dylan et la voix triste et douce de Chet Baker.
Une maestria époustouflante
Laurent Mavignier écrit quelque chose que je n'ai jamais encore vu: un roman qui glisse d'une histoire à l'autre avec une souplesse de transition de virtuose. Il s'agit du jour du tsunami au Japon, le 11 mars 2011, et c'est l'axe autour duquel s'organise la rotation, sous nos yeux étonnés, de toutes ces bribes de monde que Mauvignier photographie, en boucle, enchainées l'une à l'autre, sans que l'on ressente la moindre rupture ou secousse. On est en Italie, en Thailande, à Paris, à Moscou, aux Bahamas...dans une série d'histoires en quelques pages racontées, des couples, des solitudes, des chiens abandonnés, des amours...et le seul lien est cette journée, dont nous avons tous souvenir.
Un seul regret: que les petites photos qui accompagnent le livre et scandent les histoires parfaitement accomplies soient si petites, quelquefois presque indiscernables.
En attendant, Ernesto s’assied à sa table. Il boit son café et, comme tous les matins, il pense à la première cigarette, celle qu’il ne fume plus depuis trente-trois ans parce que Marietta avait voulu qu’il arrête alors que c’est elle qui, pour ainsi dire, était partie en fumée, le laissant tous les matins avec le même regret à la fois de sa femme et de sa première dose de nicotine. (Page 265)
Parce que tout ce qui était arrivé était bien la faute de sa femme, toujours boudeuse, renfrognée, triste, amère, comme il en tombe parfois dans la vie d'un homme pour le briser ou le ridiculiser et qui finit toujours, par son obstination à sa refuser à lui, par le pousser dans les bras d'une ou de toutes les autres.C'était plutôt lui qui aurait dû partir. Mais il était fidèle au mariage, à défaut de l'avoir été à son épouse.
Si le talent est indéniable je reste toutefois déçu par la construction du livre.
Hormis l'ouverture et la clôture, le lien fukushima n'est pas évident et sonne plutôt comme un prétexte inutile tant chacune des histoires se suffit a elle même.
Quand on part si loin de chez soi, ce qu'on trouve parfois derrière le masque du dépaysement, c'est l’arrière - pays mental de nos terreurs ( p 323)
Stuart et Stephen ne prenaient jamais de photos………..Leur vraie raison étant bien sûr qu’un appareil photo déclassifie le voyageur et le range de facto parmi les touristes…. (Page 194)