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sur 5724 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une pépite absolue... un roman bouleversant, époustouflant !!


Intéressée par ce livre dès sa parution, j'en avais reporté la lecture,
les thèmes et l'ambiance m'évoquant trop " La salle de bal "...Entre "L'Oeil de la nuit" de Pierre Péju, et ce premier roman de Victoria Mas, je persiste dans les mondes de la neurologie, psychiatrie, et l'étude de la psyché humaine !!

Nous suivons le destin de différentes femmes au sein de la Salpêtrière,
et du service du professeur Charcot: "aliénées" et "soignantes"... Des femmes qui ont sombré, car on leur a fait subir des violences inouïes, comme la très jeune Louise, orpheline, violée par son oncle !

Eugénie, fille de bonne famille, se sent différente, en rebellion constante
avec son père, conformiste et autoritaire; elle se rend compte qu'elle
a comme une sorte de don: elle se sent reliée avec les défunts; sa
première prise de conscience de la présence d'un proche mort fut son
grand-père... Elle ira, en cachette, assister avec son frère à un débat
philosophique dans un café, où bien évidemment, elle se trouve être
la seule femme de l'assemble... C'est là, qu'elle découvrira Allan Kardec
et son ouvrage qui fait polémique: "Le livre des esprits"...
Elle se précipitera dans une librairie qu'on lui a signalée, qui n'est autre que
la boutique de son éditeur, Leymarie !

Elle dévore ce livre, qui bouleversera son existence et sa manière de voir
les choses... Malheureusement, dans un premier temps, les drames et
ennuis se succèderont...Son père la fera interner avec "les Folles de Charcot"...Nous suivrons donc avec grande émotion et suspens, les
parcours d'Eugénie, la "dite aliénée" et Geneviève, la fidèle assistante
du grand Charcot !
Un beau personnage que cette Geneviève , intendante, collaboratrice
de Charcot, depuis 20 ans...scientifique convaincue, célibataire
endurcie, minée de l'intérieur par la mort prématurée de Blandine,
sa jeune soeur ! Elle rentrera dans l'existence d'Eugénie, prendra
connaissance du fatidique ouvrage de Kardec, "Le Livre des esprits" !!

Une image mentale se juxtapose au moment où j'écris ces lignes:
je vois la fameuse tombe de Kardec au Père-Lachaise, toujours
abondamment fleurie et honorée !!

Un roman étonnant, qui "prend aux tripes"...racontant non seulement le corset physique des femmes, attribut obligatoire féminin de l'époque, mais surtout le "corset moral , social" supporté par toutes les femmes, dès qu'elles déviaient de leur destinée de mère et d'épouse... Dès qu'elles dérangeaient l'ordre bourgeois, et mettaient en doute la "parole masculine" ...

Au fil de cette histoire captivante, bouleversante, perturbante... une autre
image s'est superposée: celle de la sculptrice, Camille Claudel, enfermée
à vie, très jeune, à l'asile !!

"Son corset la gênait horriblement. Aurait-elle su qu'elle aurait parcourir une aussi longue distance, elle l'aurait laissé dans l'armoire. Cet accessoire a clairement pour seul but d'immobiliser les femmes dans une posture prétendument désirable- non de leur permettre d'être libres de leurs mouvements !
Comme si les entraves intellectuelles n'étaient pas déjà suffisantes, il fallait les limiter physiquement. A croire que pour imposer de telles barrières, les hommes méprisaient moins les femmes qu'ils ne les redoutaient. "(p. 54)

Une des phrases du roman résume excellemment les exclusions abusives de certaines femmes, dites "aliénées"... Que d'enfermements abusifs simplement parce que la Femme sortait de la norme, du chemin qui leur était tracé...On rejette ce qu'on ne comprend pas !!

J'aurais encore une foule de commentaires... mais je préfère laisser tout le "suspens" et le "mystère" aux différents parcours de ces femmes, arrivées par les circonstances les plus diverses au service du Grand Charcot !!

Un roman qui va me suivre un long moment !!... Bravo et Merci à Victoria Mas...
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Victoria Mas, avec le bal des folles, a écrit un roman prenant, émouvant, un livre qui alerte surtout sur le sort de ces humains que l'on dit aliénés, que l'on enferme, que l'on tente de soigner. Pour leur bien ? Pour le bien des autres ? Ce livre détaille aussi la condition des femmes à la fin du XIXe siècle.

Début 1885, autour du bal de la mi-carême, cette tradition de l'hôpital de la Salpêtrière, établissement prestigieux, alors sous la tutelle de l'omnipotent docteur Charcot, c'est l'histoire de deux femmes : Eugénie et Geneviève. L'une est la fille d'un riche bourgeois, notaire à Paris. L'autre, fille d'un médecin de Clermont, devenue infirmière puis intendante de la Salpêtrière, se donne entièrement à son travail. Je n'oublie pas la jeune Louise, rappelant Augustine, sujet d'étude et de curiosité pour les médecins et les internes – que des hommes ! – qui savourent ou étudient son comportement lors de crises déclenchées par une séance d'hypnose hebdomadaire dirigée par Charcot.
Eugénie possède un don qui dérange terriblement sa grand-mère et son père : elle communique avec les morts, les esprits, et en parle. Un père sans coeur, alerté par une grand-mère à la duplicité atroce, l'interne à la Salpêtrière avec l'aide de Théophile, le frère d'Eugénie, qui ne se remet pas de cette complicité passive.
Tout cela est bien écrit, raconté simplement sans jamais tomber dans le jargon scientifique ou pseudo-médical. Victoria Mas met l'accent sur un monde que j'avais côtoyé en lisant La salle de bal, d'Anna Hope mais le récit parisien est radicalement différent, même si le bal est au centre. En Angleterre, en 1911, il était régulièrement organisé et ne concernait que les hommes et les femmes internés alors qu'à Paris, c'est une grande organisation annuelle à laquelle est conviée la bourgeoisie parisienne émoustillée par ce contact avec ce que nous nommons un peu trop facilement la folie.
Grâce à plusieurs portraits de femmes, Victoria Mas permet de comprendre ce que vivent ces femmes coupées du monde et de ses dangers. Certaines peuvent apprécier cela mais, pour la plupart, c'est un abandon complet, une rupture terrible avec famille et amis.
Lors des Correspondances de Manosque 2019, j'avais écouté très attentivement Victoria Mas parler de son roman et cela m'avait motivé pour le lire. Elle faisait allusion à Camille Claudel, à Augustine désacralise Charcot.
En lisant ce livre, je pensais aux articles de Yann Diener dans Charlie Hebdo, articles qui dénoncent le manque de moyens de la psychiatrie en France, des moyens allant déclinant alors que les besoins augmentent. C'est un grave problème auquel un livre comme le bal des folles permet de penser.

De plus, ce roman inspiré de faits réels fait partie des livres sélectionnés par ma médiathèque pour le Prix des lecteurs des 2 Rives, comme Où bat le coeur du monde (Philippe Hayat), Une bête au Paradis (Cécile Coulon), À crier dans les ruines (Alexandra Koscelyk), le ciel par-dessus le toit (Nathacha Appanah) et Mur Méditerranée (Louis-Philippe Dalembert), un choix très difficile tant ces livres sont d'excellente qualité.
Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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Février 1885
Nous entrons dans l'hôpital de la Salpêtrière à Paris , réservé à la folie des femmes, aux aliénées.
Très vite, on se rend compte que si certaines arrivent là avec un trouble émotionnel, un traumatisme, l'environnement finit par les rendre carrément hystériques.
On y fait la connaissance de Geneviève, une intendante qui voue toute sa vie à son métier, au bien-être des malades mais sans s'impliquer personnellement jusqu'au jour où arrive Eugénie, fille de bourgeois qui communique avec les esprits et pas les moindres car Eugénie évoque la soeur de Geneviève.
On y rencontre aussi Louise qui a été abusée par son oncle, Thérèse qui a envoyé son compagnon violent se balader dans la Seine.
Elles sont toutes très humaines ces dames blessées à l'âme, soignées par Charcot qui leur applique des séances d'hypnose pour les apaiser.
Les neurologues présents n'en sont qu'au début de la psychiatrie et c'est bien intéressant pour nous lecteurs.
Au mois de mars, les plus jeunes reprennent un peu de vie car dans quelques jours, elles pourront danser devant le Tout-Paris invité et c'est important pour des personnes enfermées de pouvoir se montrer.
Le récit se déroule de février à mars. Ce n'est pas que le bal prend énormément d'importance dans l'histoire mais il situe les faits et met un peu de vie dans ce lieu.
Victoria Mas nous présente son premier roman avec des faits très intéressants historiquement et une écriture de très haut niveau, très humaine.
Une très belle lecture fascinante !
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Il n'est pas si lointain le temps où on considérait le fou comme un possédé du démon.

Dans les années 1930 à l'hôpital Saint Antoine on exorcisait à tour de bras.
En dépit des progrès de la neurologie et de la psychiatrie, le père Jésuite Joseph de Tonquedec, du diocèse de Paris y avait ses habitudes et conjurait à la demande, épileptiques et hystériques.

Charcot à la suite de ses travaux à la Salpétrière, attribuait à l'hystérie des causes traumatiques bien réelles et non surnaturelles. Pour ces raisons, il fut en butte toute sa vie à la vindicte du clergé.

Vicotria MAS signe donc avec le bal des folles un premier opus sur le sujet « de la folie » qui traverse des siècles de souffrance, et de l'incompréhension face à la maladie mentale. Une période où l'internement était une solution d'isolement et de répudiation à vie. Les femmes principalement étaient visées sous l'emprise et la domination des hommes.

C'est autour du bal des folles à la mi-carême que l'histoire se situe. Geneviève, la principale qui est entièrement dédiée à Charcot, ce célèbre neurologue organisait cette manifestation pour distraire la bourgeoisie bien pensante.

Les femmes se paraient de robe de fête et orchestraient un spectacle dansant devant ce public, où l'hystérie monte crescendo…et les crises se déclenchent. La présence d'un nombreux public semblait être la condition sine quoi non de l'activation de cet étrange comportement. Après une période d'hébétude, les yeux révulsés, la patiente titubait, était prise de tremblements et s'affaissait lentement sur le sol, souvent jupes retroussées.

C'est un livre écrit avec beaucoup de sensibilité, de vérité, le portrait des personnages est réaliste et on imagine le contexte dans lequel elles évoluent….

C'est une lecture qui m'a beaucoup touchée. Je ne suis pas indifférente au thème.

La mémoire de Charcot perdure encore aujourd'hui dans le milieu psychiatrique. Quand on vient de Charcot, c'est qu'on ne voulait plus de vous ailleurs. Les conditions d'accueil se sont humanisées mais restent difficiles pour maîtriser toutes ces déviances dans un même lieu.

L'auteur n'écrit pas avec excès mais avec réalisme c'est ce qui met en avant toute sa crédibilité, sa sensibilité et sa plume aiguisée sur un sujet dérangeant.
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« La folie des hommes n'est pas comparable à celle des femmes : les hommes l'exercent sur les autres ; les femmes, sur elles-mêmes ».
Et pourtant, c'est les femmes qu'on enferme, au 19e siècle.

Ce roman m'a emmenée aux confins de la folie, la folie des hommes : les pères, les époux qui ne veulent pas être contredits par leur femme, leurs filles… et qui les enferment pour toujours dans ce lieu appelé « La Salpêtrière ». Là, les médecins, dont le célèbre Charcot, exercent sur celles-ci une influence puissante dont elles sont incapables de se dépêtrer, comme l'hypnose provoquant des crises épileptiques (en vue de les guérir ? ) devant un parterre d'hommes curieux et souvent goguenards, lorgnant seins et fesses.

J'ai suivi Eugénie, qui voit les morts, et que son notable de père a reléguée là-bas, pour éviter la honte. J'ai suivi Louise, violée trois ans auparavant par son oncle et qui, depuis lors, fait crise sur crise. J'ai suivi Thérèse, l'ancienne prostituée, qui a poussé son homme dans le canal tellement il la battait. J'ai suivi Geneviève, l'infirmière en chef responsable de dizaines « d'aliénées », traumatisée par la mort de sa jeune soeur des années auparavant.
Je les ai accompagnées dans leur calvaire et leur volonté farouche de vivre.

J'ai adoré ce roman prenant, décrivant si bien les couloirs sinistres de cet endroit, le dortoir immense où s'entassent les mélancoliques, les dépressives, les exaltées, les traumatisées de la vie, souvent à cause des hommes.
J'ai aimé cette ambiance mêlant le réel au monde de l'au-delà, auquel le spiritisme en vogue à l'époque veut accéder mais qui est vu comme la folie suprême.

Ayant lu et apprécié « La salle de bal » de Anna Hope il y a quelque temps déjà, j'ai commencé ce roman avec un peu d'appréhension, ayant peur de la comparaison. Mais s'il s'agit du même thème, celui-ci n'est pas traité de la même façon.

Alors j'ai dansé, dansé avec les folles…

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Mars 1885, Paris.

Nous sommes entre les murs de l'hôpital de la Salpêtrière en plein coeur de la capitale. C'est la fin de l'hiver et tout le monde est en effervescence. Un évènement annuel se prépare : le bal de la Mi-Carême, le "bal des folles", auquel assiste également la bourgeoisie parisienne. Il s'agit d'un bal costumé et dansant faisant parti des expériences du Docteur Jean-Martin Charcot. Durant ces jours de préparations, l'euphorie et l'impatience règnent au sein de l'établissement. On découvre des femmes, de tous âges, de tous milieux. Elles sont malades, épileptiques, prostituées ou hystériques. Elles sont en général internées sur demande des familles, d'un père, d'un frère ou d'un mari. On dit qu'une fois pensionnaire, on ne peut plus en sortir.

"Le bal des folles" est une lecture qui nous transporte au milieu des internées. L'hôpital de la Salpêtrière qui est aussi une école, est dirigé par Charcot, le plus grand neurologue de Paris. Il y pratique l'hypnose sur les patientes en séances publiques dans le but de traiter les symptômes et de réduire les crises.

Louise et Thérèse y sont enfermées depuis un certain temps lorsque Eugénie arrive.

Louise est une jeune fille de seize ans, internée après un viol ayant laissé des séquelles nerveuses.

Thérèse, ancienne prostituée, s'est retrouvée là après une tentative de meurtre. Cela fait déjà vingt ans qu'elle y est pensionnaire.

Eugénie, aristocrate de dix-neuf ans, fille d'un grand notable parisien, est emmenée de force par son père et son frère, après avoir confié voir son grand-père décédé.

On suit principalement ces trois personnages dans leur quotidien au sein de l'hôpital. On subit avec elles les humiliations des expériences. On ressent la peur et surtout le désir de liberté qui, chaque jour, se révèle un peu plus.

Inspirée par des faits historiques, Victoria Mas nous raconte l'histoire de l'institution, l'évolution de la médecine psychiatrique et de la neurologie avec ses nouvelles méthodes expérimentales. C'est un livre dans lequel on rencontre les grands noms de la médecine tels que Jean-Martin Charcot, Joseph Babinski et Gilles de la Tourette.

"Le bal des folles" c'est aussi l'histoire de la femme française en cette fin de 19ème siècle, encore sous l'emprise masculine. C'est un témoignage sur l'émancipation et la liberté.

Un très bon roman coup de coeur que je recommande !
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Un premier roman remarquable avec certainement des petites imperfections mais nous pouvons grandement en faire fi et apprécier ce récit du XIXèsiècle.
Ce côté historique est intéressant, où l'auteure met en avance la condition de la femme qui est traitée tel un être dépourvu de paroles , gênant qu'on a que faire si elle croupit dans un asile même si elle n'est pas atteinte d'une maladie mentale. D'ailleurs, les prémices de la psychiatrie semble faire un bon, on ne se contente plus d'enfermer les aliénées et attendre que ça se passe , mais on observe les malades et tente de pratiquer une médecine certes très aléatoire mais au moins, c'est mieux que rien. Heureusement que le progrès a été fulgurant, car être enfermé sans raison si ce n'est que de vous isoler pour des raisons dépourvues d'humanité, juste pour garder son patronyme bien brillant, et propre ! C'est trop ! Bien sûr il faut savoir remettre le récit dans le contexte de cette époque.

J'ai beaucoup aimé cette histoire, écrit simplement mais qui a su garder les parfums et les couleurs du XIX è, elle est intéressante pour le côté historique, la psychiatrie et le fameux "Livre des esprits" avec tout ce qui va avec. Croire ou ne pas croire ! A vous de choisir.

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Superbe livre, très bien écrit, où l'on découvre la manière dont on traitait les femmes "hors normes" au dix-neuvième siècle en France, à Paris.
Il était à l'époque facile d'être traitée d'hystérique, dès que l'on sortait des sentiers attendus ou que l'on avait un accident de vie qui faisait désordre......
C'est un regard intéressant sur les débuts de la psychiatrie.
Les personnages sont attachants, l'écriture est fluide et très agréable. Un super moment de lecture que je recommande.
C'est un 1er roman... Jeune écrivaine à suivre, donc !
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Terriblement magnifique!!
Difficile de parler de ce livre sans avoir le sentiment de minimiser sa force, sa violence, la beauté du texte.
Alors juste un bref résumé tiré de quelques passages du livre, pour vous convaincre, si vous ne deviez lire qu'un seul livre d'ici la fin d'année, de lire celui-ci.

Nous sommes au XIXe siècle, à Paris; et comme chaque année aura lieu le très mondain bal des folles, à la Salpêtrière.
Comment croire face à ce lieu d'extérieur calme et tranquille, que la Salpêtrière a été depuis le XVIIème siècle le théâtre de tant de souffrance?
"Quand la dernière pierre de l'édifice avait été posée, le tri avait commencé : c'est d'abord les pauvres, les mendiantes, les vagabondes, les clochardes qu'on sélectionnait sur ordre du roi. Puis ce fut au tour des débauchées, des prostituées, des filles de mauvaises vie, toutes ces "fautives" étant amenées en groupe sur des charrettes, leurs visages exposés à l'oeil severe de la populace.
Vinrent ensuite les inévitables folles, les séniles, les violentes, les menteuses et les conspirations sites, gamines ou vieillards.... entre l'asile et la prison, on mettait à la Salpêtrière ce que Paris ne savait pas gérer : les malades et les femmes."

Mais les temps ont-ils vraiment changés avec le professeur Charcot?
Monsieur Cléry, notaire de son état, a pris la décision de faire interner sa fille Eugénie. "On ne converse pas avec les morts sans que le diable y soit pour quelque chose." Il ne veut pas de cela dans sa maison. A ses yeux sa fille n'existe plus.
Pourra t-elle retrouver la liberté? Saura t-elle convaincre Geneviève, infirmière en chef, dévouée corps et âme à son métier et au corps médical, que la déviance n'est pas forcément ce que l'on veut bien voir?
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Témoin de comportements sans scrupules de la société des hommes, "le Bal des Folles" illustre comment on peut occuper la plus haute marche de l'ordre du mépris.
Les hommes se croyant supérieurs sans avoir à porter une rosette ou un poireau (agriculture), affichaient leur mépris pour les femmes insoumises, se permettant de les battre, ou plus discrètement de les répudier.
A la Salpêtrière vers 1885, la médecine avait courageusement, identifié le mal de vivre de ces femmes, "la folie".


La folie est l'exacte définition de ce lieu, où l'absence d'humanité est la règle, ou la nudité des femmes est exigée, où la pudeur est louche, où le voyeurisme des hommes est admis...
On peut arriver à la Salpêtrière, furieuse mais saine de corps et d'esprit, on ne peut en sortir que salie, folle et anéantie.


Page 124, je lis : "face à elles, un public entièrement masculin : trois assistants sont assis derrière un bureau rectangulaire. Ils s'entretiennent à voix basse en ignorant les aliénées inquiètes. Vêtus d'une blouse blanche, rictus aux lèvres, ils dévisageaient sans pudeur les examinées du jour. le regard s'attarde sur les seins, les bouches, les hanches."

Les vies sont tirées au sort ainsi page 123, "l'un évalue le sort de l'autre ; l'autre croît la parole du premier. L'un détermine sa carrière ; l'autre détermine sa vie."


Le récit de Victoria Mas est un voyage à travers l'insupportable absence de bienveillance dans lequel le masculin a tenu la condition féminine.
C'est la violence la plus glacée que l'on puisse imaginer, la plus étrangère à la vie, une descente aux enfers sans témoins, sans le moindre moyen personnel de l'éviter.


Ce voyage est une plongée dans le monde des morts vivants, ainsi les chaînes et les haillons laissèrent place à l'expérimentation sur leurs corps malades. "Les compresseurs ovariens parvenaient à calmer les crises d'hystérie, l'introduction d'un fer chaud dans le vagin ou l'utérus calmait les nerfs des filles", la barbarie la plus effrayante prospérait.
Victoria Mas ne peut cacher son dégoût car "plus les filles étaient effrayées plus elles fascinaient".

En réalité les portes de la Salpêtrière, ne cachent pas une prison, mais la mort à perpétuité. La famille ne souhaite plus entendre parler d'une fille qui a passé les portes de la Salpêtrière. le père Clary ne fait pas exception, sa fille maintenant aliénée n'évoquant même que son prénom reviendrait à le déshonorer


Dans ce décor d'outre tombe le bal des folles est le temps d'une soirée costumée, une réalité sordide pour ces femmes déguisées en colombines, gitanes, zouaves, réunies et fêtées pour permettre au Tout-Paris de s'encanailler sur des airs de valse ou de polka.


Le récit de Victoria Mas est une déflagration dans la société d'aujourd'hui, un pas au delà de l'esclavage, un génocide administratif et médical, une tache noire de suie pour les sociétés bien pensantes, la maladie la plus honteuse des hommes, une complicité de meurtre, une non assistance de personnes en danger.

Merci Victoria Mas de nous avoir ouvert nos yeux.

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