J'ai mis du temps à lire ce gros roman (534 pages grand format bien denses), l'interrompant par d'autres lectures, mais sans jamais me dire "je n'accroche pas".
L'action est lente, on ne sait pas trop où ça va pendant longtemps mais en même temps, dés les premières phrases j'étais prise, avec des comparaisons descriptives qui étonnent.
On découvre la Barbade - jamais nommée mais les indices concordent - et surtout la partie de l'île côté Atlantique, perdue, presque étrangère à la partie coté Caraïbes, avec Saul, juif américain marié à une sudiste, venu étudier le terrain pour un Plan de développement. Mais Bournehills est un endroit où les vies se heurtent à la violence d'une histoire ancienne qui ne s'oublie pas. le lieu comme les histoires dramatiques des personnages forts et marquants parlent des descendants de l'esclavage, de la domination blanche qui ne s'est pas arrêtée à l'abolition (dans les Antilles et aux Etats-Unis), de la nécessité de regarder le passé en face pour avancer, du poids du non-dit, de la difficulté de changer les choses...
Par une autrice américaine noire (parents originaires de la Barbade) dans les années 60, ça devait être très courageux... C'est un roman qui mériterait une belle nouvelle parution, avec une mise en page plus moderne que cette édition Balland des années 80 qu'on déniche au fond d'une bibliothèque... Gallmeister peut-être ?
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J'ai retrouvé ce livre il y a quelques jours en mettant de l'ordre sans ma bibliothèque (de l'utilité du confinement!) et je me suis souvenue combien je l'avais apprécié, dans les années 90, il y a donc une trentaine d'années. Puissant, envoûtant, ce gros roman de 530 pages m'avait captivée. En le feuilletant un peu, j'ai eu envie de voir ce qu'en avaient pensé les lecteurs de Babelio. Et là, stupeur: nous ne sommes que 6 à l'avoir lu, aucune critique de publiée, et même la couverture et le texte de quatrième de couverture n'y étaient pas. J'ai été très étonnée, cette auteure étant, nous dit l'éditeur, "placée d'emblée dans les grands écrivains noirs américains". Rendons-lui justice: je vais le relire afin de poster un avis plus frais sur un livre lu il y a 30 ans! En attendant, je me contente de compléter les infos: couverture et texte de l'éditeur. Peut-être quelqu'un sera-t-il intéressé?
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"Le diable pousse ses feux, mon petit monsieur" disaient les gens de Bournehills - et, vrai, c'était comme si quelque forgeron diabolique dans les profondeurs de la terre manœuvrait un soufflet sur une énorme forge rugissante. Stinger, sa casquette tachée de crasse et de sueur bas sur les yeux, ne remarquait pas le régisseur qui passait de temps en temps à cheval dans le voisinage. [...] Pollard était attaché aux vieilles façons de faire et accomplissait toujours sa tournée en culotte de cheval et bottes cirées, coiffé d'un casque colonial et chevauchant un cheval pie. A le voir passer dans le lointain, protégé du soleil par un grand parapluie noir qui lui servait d'ombrelle, on pensait à quelque fantôme qui eût obstinément refusé de regagner sa tombe, même en plein jour.
- De quoi a-t-elle l'air, notre île, vue d'en haut ?
Elle réfléchit un instant.
"Elle est différente des autres, dit-elle. Elle n'est pas luxuriante comme - laquelle était-ce ? - la Dominique, je crois. Et elle n'est pas du tout montagneuse comme les autres. Tiens, pour la plupart on dirait une grande pelouse, à cause de toute cette canne à sucre. C'est vraiment charmant et très paisible, comme spectacle. On a l'impression qu'il ne doit pas s'y poser le moindre problème - en tout cas dans cette partie-là de l'île..."
Puis, fronçant légèrement les sourcils, elle ajouta :
"Et puis alors, tout seul dans un coin, tu as Bournehills, si je ne me trompe. Un ramassis de collines pelées, mais qui s'arrange pour avoir une allure imposante et qui donne l'impression, conclut-elle avec un effort de légèreté souriante, d'avoir tous les problèmes du monde."
On voit qu'Unicor faisait désormais partie de ce gigantesque complexe commercial qui, à la façon d'un réseau de voies ferrées ou encore d'un système très évolué de racines, enserre le monde en tous sens et à l'infini, l'entortille pour ainsi dire, au point que la planète finit par faire irrésistiblement songer à ces balles très rebondissantes que les enfants avaient l'habitude de fabriquer voilà des années en ficelant de couches superposées d'élastiques une simple bile de verre.