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Critique de Paola93130


D'aussi loin que je me souvienne, je sais que j'ai souvent pleuré en terminant un livre. À six ans, avec « Cendrillon ». À douze ans, avec « Sans famille ». À quatorze ans, avec « La nuit du sérail ». À quinze ans avec « Le journal d'Anne Frank ». À seize ans, avec « Les noisettes sauvages ». À dix-sept ans, avec « Tchao Pantin » (Coluche venait de nous quitter)…
Je crois que je n'ai jamais pleuré en commençant un roman. Jamais jusqu'au début du mois de novembre dernier. Dès les premières pages des « Échoués », les larmes sont venues, sans que je ne m'en rende seulement compte…et comme je ne veux surtout pas que vous me voyez pleurer, je n'écrirai pas de chronique sur ce livre poignant.
Je vais en profiter pour écrire une petite lettre à ma fille, ma chère petite fille, mon trésor, mon bébé de 10 ans.
À plus tard….
« Ma Chérie,
Tu sais que je t'adore, que je t'aime de tout mon être. Même si parfois je te gronde parce que la patience est une vertu qui me fait terriblement défaut, tu sais que je ferais tout pour toi. Comme n'importe quelle maman, je te lis des histoires (maintenant, c'est plutôt toi qui m'en lis !) même quand j'ai très envie de bouquiner ou de naviguer sur mon Babelio. Je t'achète tous les livres que tu lorgne des yeux chez le libraire du Leclerc du coin. Je te fais du spaghetti bolognaise trois fois par semaine, si tu en a envie, même si je finis par en avoir ras le bonbon. Papa, lui, est encore « pire » que moi : il te décrocherait la lune et te l'apporterait sur un plateau d'argent, si tu la lui demandais. Nous vivons pour toi et par toi. Tes désirs sont des ordres et tant pis si nous te gâtons, si nous te passons tes caprices. Tant pis si, parfois, nous nous boudons l'un l'autre parce qu'il cède beaucoup plus vite et facilement que moi à tes envies que j'essaye de refréner sur le moment, mais que je finis toujours par satisfaire…dans son dos, en plus !
Bref, nous t'aimons et tes simples mais sincères « Merci, Maman ! Tu es la meilleure… Merci, Papa, tu es mon héros ! » suffisent à nous rendre, au centuple, ce que nous te donnons de tout coeur.
Seulement, ma chérie, je voudrais t'avouer une chose : ce que nous faisons, nous le faisons par amour pour toi, bien sûr, mais c'est bien peu de chose. Il existe dans notre monde de fous, gouverné par des lunatiques tous plus dingues les uns que les autres, des papas et des mamans qui SE donnent bien plus que ce que je ne te donnerai jamais. Ces papas et ces mamans vivent dans des pays où les guerres, les traditions, les religions, les moeurs musèlent les coeurs, les têtes et les corps des êtres jusqu'à les étouffer, à les meurtrir, à les anéantir. Beaucoup subissent, acceptent et souffrent. D'autres, comme « Les échoués » du roman de Mr. Manoukian, partent vers d'autres horizons, luttent, refusent de se soumettre. Tout ça, au nom de leurs enfants. Pour qu'ils aient un futur différent, pas forcément plus facile, mais moins dur, beaucoup moins dur, qu'en restant dans leur pays.
« Les échoués » raconte précisément quelques-unes des tranches de vie de ces « lutteurs ». Des papas-mamans qui risquent tout : leur santé, leurs rêves, leur dignité, leur foi, leurs vies…Et dans le monde d'aujourd'hui, je te jure que c'est affreusement difficile…Parfois, ça vaut le coup. Après moult combats, la famille réunie réussi à survivre et le bonheur se construit, au prix d'autres luttes qui sont autant de conquêtes.
Mon papa et ma maman ont fui en 1971 d'un Portugal de dictature qui perdait (heureusement) ses colonies (jamais compris pourquoi un pays devait appartenir à un autre...). Clandestins, ils ont tout risqué, tout abandonné. Grâce à leur courage, j'ai grandis en France et je suis la passionnée de littérature, de cinéma, d'art que tu connais. Je suis bilingue et je me sens franco-portugaise ou luso-française (c'est selon) avec fierté. Ils n'ont pas vécu les horreurs des « Échoués » mais je ne les remercierai jamais assez pour tout ce qu'ils m'ont donné et appris grâce à leur « simple » fuite.
J'espère que jamais je n'aurais besoin de fuir, de tout risquer pour te donner un bel avenir. J'espère que notre petit Portugal (petit, parfois, dans tous les sens du terme) suffira à ton bonheur. Nous ne serons jamais des Rothschild mais j'espère que tu seras heureuse dans notre simple bien-être et notre douce tranquillité.
….Mais sache que s'il le fallait…je le ferai.
Ta maman qui t'aime (et à ton Papa aussi).
P.S. : si un jour tu découvres une traduction des « Échoués » ou si tu apprends suffisamment de français pour cela, ne lis pas ce grand roman. Il est tellement triste…C'est ma manie de te protéger à tout prix qui reprend le dessus. Je ne veux pas que tu pleures….
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