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Henri Abril (Traducteur)
EAN : 9782842420505
353 pages
Éd. Circé (28/09/1998)
4.5/5   16 notes
Résumé :

Ossip Mandelstam, né le 2 janvier 1891, fit des études à Paris, Heidelberg et Saint©Pétersbourg. En 1911/1912 il participa, avec Goumilov et Akhmatova. à la création de l'acméisme qui voulait opposer au verbe désincarné des symbolistes une architecture fondée sur le " mot©objet ". Son premier recueil La Pierre (1913) révélait toutefois la force et l'originalité d'un poète sans r... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (2) Ajouter une critique
Les cahiers de Voronej constituent les derniers poèmes d'Ossip Mandelstam, les derniers écrits avant sa mort en déportation en décembre 1938 sur le chemin de la Kolyma.
Pour saisir la portée de ces vers, quelques éléments de contexte doivent être rappelés. Depuis les années 1930, le pouvoir soviétique voit d'un très mauvais oeil l'oeuvre et Mandelstam lui-même. Pas assez réaliste, trop élitiste, trop ceci, trop cela. le tournant intervient avec la publication en 1933 du texte voyage en Arménie dans la revue Zvezda. Texte qualifié de « prose de laquais » par la Pravda et qui vaut au directeur de la revue Zvezda d'être limogé pour l'avoir publié.
Commence alors pour Mandelstam une longue descente aux enfers. Bien décidé à ne pas être vaincu sans combattre, il écrit un poème satyrique sur Staline, le « montagnard du Kremlin ». Ces vers particulièrement acides finissent par être connus des autorités qui font arrêter Mandelstam. Il est emprisonné et traité avec tout le raffinement réservé aux opposants politiques (privation de sommeil, nourriture salée sans boisson, camisole de force…). le poète ne doit son salut, provisoire, qu'à l'intervention de Bhoukarine et Pasternak auprès du « montagnard géorgien ». Mandelstam est alors assigné en résidentce à Tcherdyn en Sibérie occidentale où il tente de mettre fin à ses jours.
Il est alors déplacé et assigné à résidence à Voronej au Sud de l'URSS. Avec sa compagne, il y reste jusqu'en avril 1937.
C'est durant cette période de relégation qu'Ossip Mandelstam forge les poèmes de ce qui constitue aujourd'hui les cahiers de Voronej. Des cahiers qui vont rester durant longtemps secrets ainsi que l'ensemble de son oeuvre. Des cahiers conservés précieusement par quelques amis fidèles, des amis dont on mesure mal aujourd'hui l'ampleur des risques qu'ils ont pu prendre, tant Mandelstam était considéré comme un pestiféré.
Ces vers, sont ceux d'un homme se sachant condamné à plus ou moins brève échéance. Des vers tragiques mais des vers magiques. Les vers d'un homme face à lui même et face à la mort. Des vers qui transpirent la souffrance mais aussi l'espoir. Un espoir vain et d'autant plus bouleversant. Des vers tel un cri dans un océan infini de souffrance. Oui quels vers...ceux d'un calvaire...ceux d'un poète crucifié sur l'autel du « fier montagnard de Géorgie ».
Pour information cette critique et les citations qui en sont extraites portent sur le très beau volume bilingue publié par les éditions Harpo & et non sur celle des éditions Circé sur laquelle le site me renvoie systématiquement malgré de vaines tentatives pour offrir à ce livre la fiche qu'il mérite tout autant que le volume traduit et présenté par Henri Abril. Une édition avec Christian Mouze aux manettes. Une traduction nette, sans aucune annotation afin de ne pas parasiter le chant du cygne d'Ossip Mandelstam. Une édition nous offrant la version russe de ces derniers vers, une version imprimée en rouge sang.




Quand on veut lire un ouvrage historique en langue française offrant une synthèse complète sur le front Est durant la seconde guerre mondiale, on tombe sur un vide quasi sidéral, un vide qui ne manque pas d'interroger sur la vision quelque peu « occido-centrée » que l'on a et que l'on transmet sur ce conflit. Une vision déformée d'ailleurs, tant le poids de cette guerre a été assumé par les populations de l'Est de l'Europe. Inutile de rappeler les chiffres effrayants des pertes humaines.
Ce propos liminaire étant fait, parlons de ce premier volume de la Russie en guerre par Alexander Werth qui justement comble, en partie, ce vide. Alexander Werth n'était pas historien au sens universitaire du terme, il était journaliste et correspondant de guerre pour l'Angleterre (où sa famille russe avait fuit après la révolution de 1917). Son fils Nicolas Werth est un éminent spécialiste de l'histoire de l'URSS.
Le travail d'Alexander Werth est assez classique, offrant une histoire événementielle rigoureuse et précise. Toutefois il ne se cantonne pas à une « simple » histoire bataille. Les champs de la diplomatie, de l'économie et de la culture sont assez largement convoqués. Les observations qu'il a relevé tout au long de son travail de correspondant de guerre, jouent un rôle important dans ses sources. Par ailleurs, il livre à travers ce travail une analyse très intéressante sur les enjeux idéologiques de la guerre à l'Est et nous permet de voir que la guerre froide a commencé bien plus tôt qu'on ne l'imagine souvent. Une guerre était à peine commencée, qu'une autre débutait déjà. Difficile de résumer un ouvrage de près de 700 pages. Je me bornerai à mettre en avant quelques lignes fortes.
Ce premier volume porte sur les terribles années 1941-1942. le premier chapitre, prélude à la guerre, nous donne à voir le jeu cynique de la diplomatie occidentale et soviétique durant les années trente. Un jeu qui va aboutir à l'étrange pacte germano-soviétique, alliance de circonstances qui est le fruit cynique d'une diplomatie française et surtout britannique aveuglée par son anticommunisme et sous-estimant la nocivité du pouvoir nazi auquel elles ont livré la Tchécoslovaquie.
Cette partie permet de mesurer également la naïveté et l'aveuglement du pouvoir soviétique quant aux intentions allemandes. Jusqu'au bout Staline ne voudra pas voir la menace allemande et l'URSS s'acquittera jusqu'au déclenchement de l'opération Barbarossa de ses nombreuses livraisons en matières premières. Autre point soulevé, la question des massacres d'officiers polonais à Katyn qui feront de la Pologne un pays au coeur des enjeux idéologiques de cette guerre.
La suite est plus classique et porte sur les désastres militaires des années 1941 et 1942. Des mois cruciaux, qui révèlent l'incurie totale d'une armée soviétique affaiblie et désorganisée par les purges.
Des années désastreuses où malgré tout les soviétiques parviennent à conserver miraculeusement l'essentiel en éloignant l'offensive allemande de Moscou et en parvenant à déplacer une partie du complexe militaro-industriel dans l'Oural.
Une partie qui permet aussi de saisir comment les premiers rouages de la guerre froide se mettent en place. Les russes réclamant à corps et à cri l'ouverture rapide d'un second front en Europe occidentale. Face à ces demandes insistantes, les USA et les anglais font la sourde oreille et si les aides matérielles liées au prêt-bail s'avèrent capitales, elles peuvent aussi bien être perçues comme des os à ronger pour faire patienter l'URSS.
Ce premier volume se termine par un chapitre magistral consacré à la bataille de Stalingrad, point de cristallisation militaire aussi bien qu'idéologique.
Un premier volume complet et pertinent qui permet de mesurer l'ampleur des sacrifices consenti par les peuples d'URSS.
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Critique de la librairie toulousaine " Ombres blanches " .

Quand on vient l'arrêter en mai 1934 , Ossip Mandelstam est " prêt à la mort "
Mais condamné à trois ans d'exil , il va écrire à Voronej , en quelques mois , les plus fertiles de son existence , les poèmes des trois cahiers qui sont un des sommets de la poésie russe du 20 eme siècle . Arrêté une nouvelle fois en 1938 , le poète est envoyé au Goulag et meurt le 27 décembre près de Vladivostok , au seuil même de la Kolyma . Cette édition bilingue et intégrale des poésies de la dernière période de Mandelstam , permet de replacer dans leur contexte " les cahiers de Voronej et un poème aussi "dérangeant " que l'Ode à Staline , de mieux comprendre comment , par sa " sémantique éminemment musicale " , son élaboration métaphorique et prosodique d'une densité , d'une tension à la fois tragique et lumineuse , l'oeuvre de Mandelstam rejoint les grandes voix de la poésie universelle
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Citations et extraits (22) Voir plus Ajouter une citation
Par thêta et iota la flûte grecque,
Comme si la rumeur ce n’était pas assez,
Sans prendre forme et sans aucune règle,
Mûrissait, ahanait, franchissait les fossés…

Et on ne pouvait la laisser tomber,
Les dents serrées, la forcer à se taire,
Ni en mots la faire s’articuler,
Et non plus la pétrir avec les lèvres.

Rien ne pourrait apaiser le flûtiste,
Car il lui semble être seul ici-bas
Et sa mer natale l’avoir jadis
Modelée lui-même avec une glaise lilas.

Et par le clair et ambitieux murmure
Des lèvres, leur galopante mémoire,
Il s’empresse de garder la mesure,
De s’emparer des sons avec un soin avare.

Nul ne peut les répéter après lui,
Boules d’argile suppliciées entre les paumes –
Moins encore depuis que la mer m’a rempli
Et que la peste m’est seule mesure et aune.

Et je n’aime plus mes lèvres en fièvre
(Le meurtre ici pourrait prendre racine),
Et malgré moi l’équilibre s’achève,
La flûte à l’équinoxe décline, décline…
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Nous vivons sans sentir sous nos pieds le pays ,
Nos paroles à dix pas ne sont même plus ouïes ,
Et là où s'engage un début d'entretien ,
Là , on se rappelle le montagnard du kremlin .

Ses gros doigts sont gras comme des vers ,
Ses mots comme des quintaux lourds sont précis .
Ses moustaches narguent comme des cafards ,
Et tout le haut de ses bottes luit .

Une bande de chefs au cou grêle tourne autour de lui ,
Et des services de ces ombres d'humains , il se réjouit .
L'un siffle , l'autre miaule , un autre gémit ,
Il n'y a que lui qui désigne et punit .

Or de décret en décret , comme des fers il forge ,
A qui au ventre , au front , à qui à l’œil , au sourcil .
Pour lui , ce qui n'est pas une exécution , est une fête .
Ainsi comme elle est large la poitrine de l'Ossète .
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Pour que le bon produit de Pouchkine



Pour que le bon produit de Pouchkine ne tombe pas
     entre les mains de fainéants,
Une tribu de pouchkinistes avec revolver et vareuse fait
     ses classes,
Les jeunes amateurs de poésies aux dents blanches, les
     voici !
Donnez-moi pour un pouce de mer bleue, seulement
     pour un œil d'aiguille de mer bleue.
Le train roulait vers l'Oural. Un Tchapaiev parlant
Bondissait de l'image dans nos bouches étonnées,
Derrière une clôture de planches, sur une bande de
     drap,
Mourir et puis sauter sur son cheval.

                                                  Juin 1935, Voronèje.


//Traducteur Henri Abril
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Le jour était interminable



Le jour était interminable, à cinq têtes. Sans répit,
     pendant cinq fois vingt-quatre heures,
Recroquevillé, je m'étais enorgueilli de l'espace, de le
     voir pousser sur de la levure,
Le sommeil était plus ancien que l'ouïe, et l'ouïe était
plus ancienne que le sommeil, fine et compacte,
Et les grand-routes nous suivaient à la trace, tirant sur
     la bride des cochers.

Le jour était interminable, à cinq têtes. Stupéfiée par la
     danse,
La cavalerie chevauchait, venait ensuite des fantassins la
     masse au faîte noir,
Par la dilatation de l'aorte de la puissance dans les nuits
     blanches, non, dans les couteaux,
L'œil était métamorphosé en viande de conifère.


                                                  Juin 1935, Voronèje.


//Traducteur Henri Abril
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Le passant

J’éprouve une crainte plus forte que moi
En présence du mystère des hauteurs,
L’hirondelle dans le ciel me donne joie
Et j’aime les cloches voilières.

Pareil, dirait-on, à un piéton d’autrefois,
Aux passerelles ployant sur l’abîme
J’écoute la croissance des mottes de neige,
L’éternité sonne sur son horloge de pierre.

Hélas !… je ne suis pas ce voyageur
Qui s’efface parmi les feuillages éteints,
Chez moi, vraiment, c’est le chagrin qui chante.

Il y a une vraie avalanche dans les montagnes !
Mon âme tout entière est dans les cloches,
Mais la musique ne sauve pas du gouffre.

*

Пешеход

Я чувствую непобедимый страх
В присутствии таинственных высот;
Я ласточкой доволен в небесах
И колокольни я люблю полет!

И, кажется, старинный пешеход,
Над пропастью, на гнущихся мостках,
Я слушаю — как снежный ком растет
И вечность бьет на каменных часах.

Когда бы так! Но я не путник тот,
Мелькающий на выцветших листах,
И подлинно во мне печаль поет;

Действительно лавина есть в горах!
И вся моя душа — в колоколах —
Но музыка от бездны не спасет!
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Videos de Ossip Mandelstam (9) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Ossip Mandelstam
Prose et poésie d'Ossip Mandelstam (France Culture / Répliques). Photographie : Ossip Mandelstam, vers la fin de sa vie. © Mandelstam Centre, Moscou. Production : Alain Finkielkraut. Réalisation : Didier Lagarde. Avec la collaboration de Anne-Catherine Lochard. Diffusion sur France Culture le 19 mai 2018. Ossip Emilievitch Mandelstam (en russe : О́сип Эми́льевич Мандельшта́м), né le 3 janvier 1891 (15 janvier 1891 dans le calendrier grégorien) à Varsovie et mort le 27 décembre 1938 à Vladivostok, est un poète et essayiste russe. Il est l'un des principaux représentants de l'acméisme, dans la période dite de l'âge d'argent que la poésie russe connaît peu avant la révolution d'Octobre. Il écrit en 1933 une “Épigramme contre Staline”, qui lui vaut arrestation, exil, et finalement mort durant sa déportation vers la Kolyma. Évocation de la vie et de l'œuvre d'Ossip Mandestam dont Le Bruit du Temps publie une nouvelle traduction. « Le Bruit du Temps est une maison d'édition qui redonne confiance dans la vie intellectuelle. Après notamment l'immense poème épique de Robert Browning, “L'anneau et le livre”, et les “Œuvres complètes” d'Isaac Babel, voici que paraissent en deux volumes somptueux la prose et la poésie d'Ossip Mandelstam : “Œuvres poétiques” et “Œuvres en prose”. Je ne pouvais laisser passer une occasion si belle. J'ai donc invité celui qui a entrepris la retraduction de tous ces textes : Jean-Claude Schneider et l'historienne d'art Véronique Schiltz, qui a aussi traduit le poète Joseph Brodsky. Avant d'entrer avec eux dans l’œuvre fascinante et difficile, je voudrais demander à ces deux grands lecteurs ce qu'il faut savoir de la vie de l'homme dont nous venons d'entendre la voix. » Alain Finkielkraut
Invités :
Véronique Schiltz, archéologue et historienne de l'art française, orientaliste et helléniste
Jean-Claude Schneider, poète, essayiste et traducteur
Sources : France Culture et Wikipédia
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