Quelques jours dans l'histoire du silence….. l'épopée tragique d'une relation de couple vieillissante qui s'enfonce dans le silence. Simon, physicien à la retraite ne parle plus, ne partage plus rien avec sa femme.
“ J'ai le sentiment que ce silence et l'absence de Marija sont liés . Si elle n'était pas partie tout serait resté comme avant”; la relation avec l'aide ménagère Marija et son renvoie, et le passé douloureux de Simon refond surface en bribes instaurant le suspens…..Alors que la narratrice, Eva, la femme de Simon nous commence à révéler aussi ses propres secrets, le contexte , l'atmosphère deviennent de plus en plus lourd et complexe. Pourtant Eva semble maîtriser la situation avec sang-froid ,analysant presque cliniquement son couple et son évolution dans le temps, ce temps qui semble soudain s'être arrêté ,”L'important, c'est de s'habiller, d'aller aux toilettes , de manger de boire, de parler. Peu importe que tout le reste soit douloureux… » . Elle arrive même à se justifier le silence de son mari, “J'ai eu le sentiment que ce silence avait toujours sommeillé en lui, derrière tout le reste, la maison, les enfants , ces années d'agitation. Que petit à petit, le silence a remonté à la surface, que des bouleversements extérieurs l'ont fait émerger.”
Merethe Lindstom grande écrivaine norvégienne nous plonge ici dans un drame familiale qui révèle les effets dévastateurs du silence maintenu au profit de la paix , du sentiment de la culpabilité éprouvé pour des circonstances inévitables, et de l'incontournable vieillissement physique et cérébral. Ce dernier chargé des séquelles d'un passé douloureux où les destinées individuelles ont inévitablement étaient touchées par la grande Histoire, va rendre difficile à Eva à cerner où s'arrête la normalité et le reste. le reste ici étant une sorte de désert où la personnalité s'efface. Ce récit profond et analytique, non linéaire, pose aussi la question de l'identité. L'épisode de l'amie de la mère de Simon qui essaie d' inculquer à Simon enfant « quelque chose qui ne leur appartient pas », ne respectant pas leur identité, est éprouvante. Non respect de « Ce qu'ils étaient au fond d'eux », comme objecte le père de Simon, alors que pour Simon jeune à l'époque, la question est totalement différente « Qu'est-ce-qu'on est ? »
Bizarre , bizarre cette famille, aussi bien Simon, Eva que leurs filles….. Les silences et la culpabilité, sentiment cousin de l'angoisse sont les deux moteurs de ce récit où Lindstrom nous déboussole au fur et à mesure qu'on avance dans l'histoire, et dont le noeud qui ne se dénouera qu'à la fin, nous en laissera perplexe.
Une prose lumineuse et puissante, un roman profond récompensé par le grand prix de littérature du Conseil nordique et le prix norvégien de la critique littéraire à sa publication en 2011. C'est son deuxième livre que je lis, considérée comme l'un des meilleurs écrivains norvégiens contemporains, une auteure qui mérite d'être connue, donc dommage vu que très peu de lectrices et lecteurs sur Babelio ont apparemment eu accès à ses livres.
« A part moi, personne ne sait qui nous sommes. »