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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Tous les jours, avec la même constance rigide, il applique le protocole à la lettre. Un rituel qui se répète inlassablement et qui consiste à enfiler sa blouse “le bras gauche en premier, laisser les pans flotter, tenir l'appareil photo du bras droit et pousser les battants de la porte avec l'épaule” avant d'entrer dans la morgue. Prendre cinq ou six clichés par corps et passer au suivant. Rester neutre, impassible, toujours, face à ces corps sans vie. Ne rien laisser paraître, ne pas changer les habitudes, jamais, car “c'est plus prudent”. Mais, ce jour-là, rien n'est comme d'habitude. le regard pesant des chefs derrière l'épaule, les ordres donnés, les corps mutilés, torturés sont autant de signes qui viennent alerter notre narrateur que sa normalité est en train de changer… L'angoisse monte, viscérale. Dans un pays dirigé par la tyrannie, le moindre faux pas, le moindre changement dans l'attitude, peut conduire à une dénonciation et tout droit dans les fourgons rouillés qui déposent les corps sans vie, mutilés, par dizaine tous les jours… Mais, face à l'horreur à l'état pur, est-il encore possible de se taire?

Quelle claque! J'ai été totalement happée et bouleversée par ce roman, qui n'en est pas vraiment un puisqu'il s'inspire de la vie de celui que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de code “César” et qui fût photographe légiste pour l'armée syrienne durant plusieurs années, notamment au moment des soulèvements révolutionnaires de 2011, avant d'être exfiltré en 2013. Grâce à lui et aux milliers de clichés qu'il a réussi à faire circuler, le monde a pu prendre conscience réellement des atrocités qui étaient commises en Syrie sous le régime de Bachir Al-Assad.

Avec le roman de Gwenaëlle Lenoir, on plonge au coeur de l'intériorité de cet homme qui a toujours respecté l'ordre établi, sans jamais le remettre en question et qui se retrouve, du jour au lendemain, à devoir faire un choix, un choix qui va contre ce qu'on lui a toujours appris et qui pourrait mettre en péril sa vie, mais aussi celle de sa famille, le choix de ne plus fermer les yeux sur les crimes commis par son régime… Avec une justesse bouleversante, l'autrice restitue le combat intime de cet homme, dévoré par la peur, le doute et la culpabilité, mais décidé à n'oublier aucun des morts dont il est le dépositaire.

Un texte percutant et fort, qui se lit d'une traite, la boule au ventre, presque en apnée. Un roman essentiel, qui redonne corps à une réalité que l'on connaît pourtant, que l'on suit à travers la presse, mais qui reste éloignée de nos préoccupations. “Camera obscura” marquera indéniablement cette rentrée littéraire d'hiver!

Merci aux éditions Julliard et à Babelio de m'avoir permis de faire cette découverte.
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La 4ème de couverture résume bien le sujet en quelques phrases : Un matin, un photographe militaire voit arriver, à l'hôpital où il travaille, quatre corps torturés. Puis d'autres, et d'autres encore. Au fil des clichés réglementaires qu'il est chargé de prendre, il observe, caché derrière son appareil photo, son pays s'abîmer dans la terreur. Peu à peu, lui qui n'a jamais remis en cause l'ordre établi se pose des questions. Mais se poser des questions, ce n'est pas prudent. Avec une justesse troublante, ce roman raconte le cheminement saisissant d'un homme qui ose tourner le dos à son éducation et au régime qui a façonné sa vie. de sa discrétion, presque lâche, à sa colère et à son courage insensé, il dit comment il parvient à vaincre la folie qui le menace et à se dresser contre la barbarie.

Mon avis : le rythme est celui d'un roman policier ou d'un thriller avec un premier chapitre choc, totalement glaçant et pourtant addictif, il est déjà trop tard pour refermer le livre... Ensuite, retour en arrière : à l'hôpital militaire où les collègues du photographe sont acquis à la terrible répression policière qui touche les opposants au régime. Moustache, Tony, Freddy et Salim sont tous des militaires obéissant quels que soient les ordres, espérant une promotion, des avantages qu'on découvre dans l'effarement : argent extorqué aux familles, jusqu'aux viols et meurtres… Ce n'est pas une lecture pour les âmes trop sensibles et pas du tout une lecture pour s'endormir le soir. L'écriture de Gwenaëlle Lenoir nous met au coeur du choix : accepter l'ordre établi ou bien le contester et se mettre en danger... On a les scènes comme les voit le photographe de cette morgue qui ne désemplit pas. Freddy, une croix grossière et noire tatouée sur l'avant-bras droit, remplace Tony et apporte un saut dans l'horreur, lui qui « dit terroristes dix fois dans sa phrase, comme s'il donnait à manger au président sur son biceps. » Heureusement, on a en face de ces monstres, des résistants d'un courage qui force le respect, les Abou Georges, Aymar et surtout Abou Faisal !

Les sbires du président et les enfants « croient aux histoires simples du Grand Homme. » et il devient impossible d'apporter la contradiction sous peine de mort. le système de surveillance et la délation sont très bien rendus. J'ai été choqué de réaliser que Ania et son mari, le photographe, ne peuvent pas empêcher leurs enfants de chanter les chants à la louange du président appris à l'école, ce serait dangereux si ceux-ci parlaient mal du président ensuite. Et pourtant, avant ce chaos généralisé, une autre époque a existé.

Le photographe ne peut pas s'empêcher de garder une trace de ces crimes, réflexe d'humanité qui deviendra ensuite témoignage pour espérer que la justice soit possible.

Il transmet les photos à un réseau de résistants et devient ainsi un héros malgré lui, mettant sa femme Ania et ses deux enfants en danger. Il se met en danger s'il part de « l'hôpital » car il en sait trop. Il se met en danger s'il reste, tellement il est en retrait du comportement de haine de ses collègues. Il se met en danger s'il parle à Ania. « Ce n'est pas prudent » revient comme une rengaine tout au long du récit.

L'écriture est concise, terriblement efficace, toujours dans l'action, comme un oeil qui observe et imprime l'image, nous la rend exacte à chaque phrase comme une vraie chambre obscure avec l'image sur le papier photosensible. Sur des bannières, en ville, « Le président a le visage masqué par des lunettes de soleil d'aviateur, les lèvres serrées, le cou démesurément long, le menton levé. Il ne protège pas la ville. Il la mate. » Gwenaëlle Lenoir a des expressions définitives pour exprimer le malaise du photographe : « Dans la cour, j'ai respiré l'air des gaz d'échappements à grandes goulées » ou encore « A l'époque on ne tuait pas les enfants comme on écrase les insectes. »

Beau titre que ce Camera obscura, cette chambre obscure permettant de capter une image inversée de la réalité. Et cette pièce là où sont réceptionnés les « terroristes », en fait des manifestants ou des opposants, mérite bien d'être qualifiée d'obscure. L'autrice parvient à traquer ce moment où on ne peut plus fermer les yeux, ce moment où tout devient clair et terriblement dangereux, promesse de libération ou de mort. Alors il y a la peur qui prend de plus en plus de place et on tremble avec ces hommes, ces femmes, vivant au mauvais endroit, au mauvais moment.

Gwenaëlle Lenoir annonce : « Ce livre est un roman dont le personnage principal est réel. Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne. » César, photographe légiste de la police militaire syrienne, a risqué sa vie pour documenter les crimes du régime de Bachar el-Assad entre 2011 et 2013.

Journaliste indépendante et spécialiste du monde arabe et de l'Afrique de l'Est, Gwenaëlle Lenoir, ancienne Grande reporter à France 3, a écrit pour la presse et Mediapart, notamment sur les bouleversements au Soudan depuis le destitution d'Omar el-Béchir en 2019. Elle montre ici qu'elle est aussi une autrice talentueuse. Son Camera obscura est un livre important, un des meilleurs lus dans le cadre de la sélection pour le prix Orange du livre 2024 auquel j'ai l'honneur de participer.
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Roman choc.
Le narrateur est un photographe légiste dans un des pays du croissant fertile jamais nommé.
Des jeunes arrivent à la morgue par dizaine, torturés, défigurés et le photographe doit photographier sans réagir juste exécuter...
Le combat silencieux d'un homme dans un pays où il semble dangereux de montrer sa désapprobation. Gwenaëlle Lenoir nous décrit le parcours d'un homme qui brave les interdits au péril de sa vie. Une belle écriture et une histoire marquante.
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Les atrocités dans l'objectif

Gwenaëlle Lenoir fait une entrée fracassante en littérature. Pour son premier roman, la journaliste a choisi de nous raconter les exactions du régime syrien à travers l'oeil d'un photographe chargé de faire cinq clichés de chaque cadavre arrivant à la morgue. Très vite, il ne va plus supporter ce que les morts lui disent. Mais il a aussi une famille à préserver.

Les premières lignes du livre, comme un photographe effectuant sa mise au point, nous expliquent que le personnage principal du roman est bien réel. «Ce photographe existe et vit caché quelque part en Europe. Son nom de code est César. Les atrocités décrites sont avérées, les faits sont documentés, mais sa voix est la mienne.» Si le pays et le président ne sont jamais cités, on comprend à la lecture et aux détails que nous sommes en Syrie sous le régime Bachar el-Assad.
On comprend aussi très vite que ce choix de discrétion est ici une question de vie ou de mort. Au fil des années, l'emprise du régime sur sa population s'est accentuée au point de rendre suspect tout regard un peu appuyé, toute remarque un tant soit peu critique. C'est dans ce contexte que le narrateur, photographe militaire, chargé de réaliser cinq photos règlementaires des cadavres livrés à la morgue, va comprendre que ses clichés racontent une histoire bien différente de celle qui figure sur les dossiers. Les blessures et les hématomes documentent la torture et l'homicide. Ce qui dans le service n'émeut plus personne, chacun ayant appris à ne jamais poser de questions et à détourner le regard. Tony et "moustache frémissante" vont même plus loin, entonnant un hymne à la gloire du régime dans l'espoir d'un avancement ou de privilèges.
César quant à lui se tait. Mais ce qu'il voit à travers son objectif s'imprime dans sa mémoire. Alors le soir, quand il rentre chez lui, il emporte avec lui toutes ces images perturbantes. Si Najma et Jamil, ses enfants, ne s'aperçoivent pas de ses doutes, Ania, son épouse, comprend très vite ses tourments et sa volonté de tout faire pour préserver les siens jusqu'à lui cacher la vérité: «Je ne parle pas des morts à Ania. Je les ramène pourtant à la maison, soir après soir. Au début, j'ai essayé de les semer. J'ai pris des chemins détournés pour rentrer. Mais ils m'ont suivi. Les morts sont des gens têtus. Ils m'accompagnent dans l'escalier de l'immeuble, rentrent dans l'appartement, dorment dans notre lit et commentent les informations à la télévision. Ils font les gros yeux quand Najma ou Jamil chantonnent leurs nouvelles comptines à la gloire du président.»
Aussi est-ce presque malgré lui qu'il enregistre ses photos sur une puce, qu'il note les noms sur une liste qui ne va cesser de s'allonger.
Gwenaëlle Lenoir réussit à merveille à rendre le dilemme qui l'assaille, entre son éthique et l'envie de protéger sa famille, entre l'envie de dénoncer les exactions de ce régime et le besoin quasi viscéral de ne pas abandonner les victimes aux mains de leurs bourreaux. «Je ne pouvais rien pour eux, seulement les photographier. Seulement refuser de participer à la danse macabre orchestrée par les employeurs des Tony de ce pays.»
Il va alors prendre de plus en plus de risques, se rapprocher d'un groupe de résistants et ainsi précipiter un épilogue d'une haute densité dramatique.
Si Gwenaëlle Lenoir s'est appuyée sur une histoire vraie, son écriture tout en ellipses et sa volonté de ne pas situer son récit dans le temps et l'espace, donnent à ce premier roman une valeur universelle. C'est le combat contre toutes les dictatures, la volonté de résistance, la soif d'humanité qui en font un bréviaire pour les temps troublés. C'est fort et émouvant. C'est une histoire bouleversante qui ne vous laissera pas indifférents.
NB. Tout d'abord, un grand merci pour m'avoir lu! Sur mon blog vous pourrez, outre cette chronique, découvrir les premières pages du livre. Vous découvrirez aussi mon «Grand Guide de la rentrée littéraire 2024».Enfin, en vous y abonnant, vous serez par ailleurs informé de la parution de toutes mes chroniques.

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Il est marié avec bonheur avec Ania, est le père aimant de Najma et Jamil, vit dans un pays qui ne sera jamais nommé mais que l'on imagine aisément comme étant la Syrie de Bashar El Assad pendant la guerre civile
Il a un étrange métier. Il est photographe légiste de la police militaire syrienne. Son travail consiste en photographier et enregistrer les cadavres qui sont entreposé à la morgue de l'hôpital militaire dans lequel il travaille. Routine pas très agréable, mais routine quand même.

Pourtant, le matin où il découvre plusieurs cadavres de jeunes gens à photographier, il s'interroge. Jeunes, martyrisé, torturés, en partie cachés, aux noms effacés, à la vie soustraite au monde, comme s'ils n'avaient jamais existé.
Alors il se pose des questions. Et protégé derrière la lentille de son appareil photo, il clique, une deux, trois photos pour se souvenir, garder en mémoire ceux qui furent et n'existent plus.
Pourquoi, il ne le sait pas encore, mais il sait au plus profond de lui qu'il n'a pas le choix, qu'il est peut-être le seul témoin de la fin de ces existences bien trop courtes, existences qu'il faut rappeler au monde, pour ne pas les oublier.
Et chaque nouveau matin apporte son lot de corps, jeunes, suppliciés, torturés, à effacer de toute urgence mais à photographier malgré tout. Silence oppressant des autorités, sens du devoir impliquant un risque important pour le narrateur, son choix est vite fait, il n'a d'ailleurs pas le choix prendre en photo, trouver les noms de tous ces morts, témoigner, pour qu'un jour, peut-être, la vérité sorte enfin. Pour les familles, pour le combat, pour la vie.

Mais la tâche est compliquée, il est observé, traqué, par ses supérieurs, puisqu'il ne faut pas que la moindre information puisse fuiter, il ne faut pas que le monde sache.
Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.

Difficile de prendre position, continuer, faire savoir, prendre en photo et témoigner à l'extérieur au péril de sa propre vie et de celle de sa famille ? Quel choix s'offre à lui, quel destin l'attend, lui, sa femme, ses enfants.
C'est ce que le lecteur assis confortablement dans son fauteuil va découvrir ces autres mondes qui frappent à nos portes mais que nous ne voyons que d'un oeil, protégés que nous sommes par nos démocraties certes pas toujours optimums mais où la liberté de penser, de dire et d'agir existe.
Un roman émouvant, et ce d'autant plus que le narrateur existe et vécu ce qui nous est exposé ici. Il est inspiré de la véritable histoire d'un photographe Syrien qui vit aujourd'hui en Europe sous le nom de César.

https://domiclire.wordpress.com/2024/04/25/camera-obscura-gwenaelle-lenoir/
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Gwenaëlle Lenoir choisit dans Camera obscura de raconter, au quotidien, la prise de conscience politique d'un homme, père de famille tranquille, qui devient résistant, jusqu'à être obligé de quitter le pays pour éviter d'être arrêté. de plus, ce récit est une immersion dans le pouvoir totalitaire de la Syrie dont, à l'époque, l'Europe a choisi de ne rien voir !

Le métier de photographe pour services funéraires de l'armée à Damas en Syrie est parfaitement méconnu. Son rôle était de prendre quelques photos des soldats morts au combat pour les transmettre à leur famille. le narrateur remplace Abou Georges, un homme d'expérience, qui part à la retraite.

Au début, il est satisfait de ce nouveau travail qui lui permet de nourrir sa famille. Et puis il y a seize adolescents: treize garçons et trois filles que le narrateur ne peut oublier, les premiers morts torturés, très jeunes.

Inspiré d'histoire vraie
Inspiré du photographe Syrien César, son nom de code, qui documenta les morts qui envahissent sa morgue avec d'atroces blessures, des ablations, des tortures, lors des soulèvements de 2011. Il a transmis les clichés et l'identité des prisonniers tués sous les coups de la milice de Bachar al Assad. Les photographies ont pu être transmises et documentent le tribunal international.

Gêné par la situation, le narrateur n'ose en parler à personne tant la pression du gouvernement est intense, depuis si longtemps. Rien ne doit être montré, tellement tous ont peur de la police du régime. Seulement aux romantiques de sa jeunesse qui chantent et dansent pour demander plus de liberté, le régime de Bâcha al Assan oppose la torture puis la mort. Puis, le silence se lève et il décide de parler.

Officiellement, les photos devaient permettre aux « autorités de délivrer des certificats de décès aux familles attestant qu'ils étaient morts d'un arrêt cardiaque » (Extrait du témoignage de Hassan Shalabi rapporté dans le JDD du 1er octobre 2015). Il y avait deux centres de tortures à Damas et sa région. Au total, 54 000 clichés de 11 000 détenus morts sous la torture et les privations. Elles ont été rendues publiques pour abonder les rédactions et l'O.N.U.

Récit et documentaire, à la fois
Gwenaëlle Lenoir est un grand reporter indépendant spécialiste du Proche et Moyen-Orient. Elle choisit le roman pour raconter le quotidien de cet homme, de sa découverte des premiers corps suppliciés à sa prise de conscience, puis le choix de trahir pour dénoncer et rendre compte de l'horreur.

Évidemment, ce personnage reçoit toute l'empathie du lecteur, appréhendant un régime politique habitué à gérer le pays de façon musclée et autoritaire depuis de si nombreuses années. le silence devient, alors, une survie avec la délation comme arme.

La lecture du récit que propose Gwenaëlle Lenoir m'a permis de comprendre la nature de la réaction du pouvoir syrien au moment des Printemps Arabes. Cette répression fut si terrible que les contestataires se sont armés. La guerre civile qui s'ensuivit fut si sanglante qu'elle permit aux mouvements extrémistes, comme l'Etat Islamique, de s'implanter.

Mais, le talent de Gwenaëlle Lenoir projette son lecteur dans l'incertitude de sa propre faculté de résistance. Car, selon le narrateur, rien ne le destinait à devenir un héros, à devoir s'exiler et à vivre caché tel le véritable Cesar.

En conclusion,
Pendant cinq ans, Gwenaëlle Lenoir imagine les réflexions, les ressentis et l'évolution de son personnage ce que la journaliste ne pouvait faire. Souvent percutant, quelquefois dérangeant, le récit énonce les peurs et les reculs qui font aussi la nature du courage.

À partir du récit d'un photographe légiste amené à agir contre le gouvernement de son pays Gwenaëlle Lenoir propose un hommage à l'audace et à la ténacité. le combat pour la liberté y est décortiqué du point de vue d'un homme qui aurait pu rester tranquille et soumis, mais qui a choisi de se mettre en danger pour défendre la liberté.
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Gwenaëlle Lenoir s'est inspirée du parcours du photographe syrien César pour l'écriture de ce livre percutant.
César (un pseudo, on comprend aisément pourquoi) est aujourd'hui connu pour avoir dénoncé la violence du régime de Bachar Al-Assad à travers ses photos de corps martyrisés par la police militaire syrienne.
En tant que photographe légiste, il était en effet aux "premières loges" de cette violence inouïe puisqu'il était chargé de photographier les corps mutilés dans la morgue de l'hôpital militaire où il travaillait.
Pour garder une trace des atrocités, il a enregistré des copies de ses clichés sur clés USB (des dizaines de milliers de photos insoutenables) qui lui ont ensuite permis, une fois exfiltré du pays, de rendre compte des atrocités commises auprès des instances de justice internationale. Son témoignage est évidemment capital pour, d'une part, rendre justice et, d'autre part, permettre aux familles de retrouver un proche disparu…
Gwenaëlle Lenoir remonte ici le fil de l'horreur et nous décrit le parcours d'un homme de courage et de résistance qui a bravé les interdits au péril de sa vie et de celle de sa famille (cela ne se fait pas non plus sans peur, ni doute…).
C'est aussi une description terrible de l'enrôlement d'une population et de la méfiance qui s'installe entre les personnes car bien sûr, il est à tout moment susceptible d'être dénoncé.
Un roman glaçant dont il est difficile de s'extraire lorsqu'on pense avec effroi à toutes ces vies perdues (et dans quelles terribles circonstances).
Une écriture limpide pour dire l'innommable et s'y immerger avec une tension absolument terrible de bout en bout.
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Nous sommes au Proche-Orient, dans un pays, jamais nommé, que l'on devine assez rapidement être la Syrie. Notre narrateur est photographe légiste. Un emploi routinier qui consiste à prendre les clichés réglementaires des corps qui transitent par la morgue de l'hôpital. Cet emploi, c'est son beau-père qui lui a procuré, une aubaine pour ce père de famille soucieux d'offrir le meilleur à Ania, son épouse et à Najma et Jamil, ses enfants qu'il aime plus que tout. Loin des intrigues du régime, ni partisan, ni opposant, c'est un homme prudent qui a à coeur d'être irréprochable dans ce pays où chacun peut être dénoncé, et il s'acquitte de sa tâche avec application et méthode. Mais un jour quatre corps attirent son attention. Des morts en apparence comme les autres, mais ses supérieurs sont sur les dents, il se sent surveillé, et il ressent le besoin impérieux d'en garder la trace. Alors, dans un geste inconsidéré, il décide de prendre des clichés supplémentaires et de les conserver, contrevenant ainsi à toutes les procédures. Des corps qui en précèderont d'autres, chaque jour plus nombreux. Des morts qu'il va faire parler, en les glissant dans une carte mémoire cachée dans un biscuit à la fleur d'oranger. Acte de résistance insensé et éveil de sa conscience.
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Ce roman est une grosse claque! le genre de roman que j'ai envie de recommander à tout le monde et dont je rage de voir qu'on en entend si peu parler.
C'est le récit du cheminement d'un homme vers la résistance, dans un pays où le moindre mot peut conduire à la mort. Un pays où le président a interdit de parler, « où il a cousu les lèvres et arraché les langues », « ou nos parents nous ont fait taire et où on fait taire nos enfants ». Un pays où les hommes du président se reconnaissent à leur cheveux gominés et à leur pantalon de tergal, à leur zèle infatigable et à leur cruauté absolue. Et cet homme aura le courage incroyable de documenter les atrocités de ce régime pour «  faire voyager les morts jusqu'aux vivants qui reconnaîtraient leurs souffrances, jusqu'aux justes qui s'agenouilleraient devant eux ».
Au fil des pages on le suit dans cette prise de conscience, en apnée devant les risques qu'il encourt, la gorge nouée par l'emotion au fil des révélations qu'il découvre, en admiration devant le courage qu'il déploie. Et lorsque l'on sait que cet homme a existé, que grâce à lui le monde a découvert la barbarie de ce président, on se prend d'une reconnaissance infinie et d'une gratitude immense pour cet homme dont on ne connaît que le nom de code: Cesar.
Un roman bouleversant à lire sans tarder. Un livre fort et percutant sur la puissance des actes face à l'ignominie
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Gwenaëlle Lenoir est journaliste indépendante et spécialiste du monde arabe et de l'Afrique de l'Est. En introduction à ce livre, elle précise que le personnage principal est réel, il vit caché quelque part en Europe. En lui prêtant sa voix dans ce récit, elle met en lumière son courage et celui de milliers d'hommes qui osent se rebeller contre un régime tyrannique qui ne supporte aucune dissidence.

César est employé d'un hôpital militaire en tant que photographe. Il ne pose jamais de question, photographie ses « clients » à la morgue pour que les familles puissent identifier les corps. Lorsqu'un matin ensoleillé de printemps arrivent les corps torturés de quatre jeunes hommes, on attribue étrangement leurs morts à des « accidents » : accident de la route pour les uns, rixe ou chute d'un balcon pour les autres. Puis ce sont seize jeunes gens dont les certifcats de décès officiels ont été falsifiés. Là encore on veut faire croire à une mort accidentelle mais ils ont bel et bien été torturés par le régime en place. 

César exerce son métier avec professionnalisme et respect pour les morts qu'il côtoie quotidiennement, il a toujours une pensée pour leurs familles lorsqu'il les photographie. Quatre à cinq clichés qu'il remet à son chef de service. Son métier lui assure un salaire confortable mais il n'est pas sans risque, et César a une famille à protéger auquel il tient plus que tout. Mais se taire lorsque l'on est confronté à l'impensable remet en cause l'idéal de loyauté envers le gouvernement établi. César a reçu une éducation telle que l'on doit le respect au gouvernement, on le vénère tel un dieu, et c'est ainsi que sont éduqués ses propres enfants. Mais son innocence et cette loyauté naïve sont balayées par les actes barbares commis par ses collègues de travail et par le régime en place. César n'a plus le choix, il ne peut pas laisser libre cours à cette barbarie. Avec courage et abnégation, il fait le choix de rejoindre un mouvement réactionnaire qui s'élève contre la tyrannie du gouvernement.
Le pays dans lequel vit César n'est pas nommé mais l'on comprend au fil des pages qu'il s'agit de la Syrie sous le régime de Bachir El-Assad. Le fait qu'il ne soit pas nommé peut être interprêté par le fait que ce genre de situations existent bien évidemment dans d'autres pays. César exerce son métier de photographe militaire, alliant technique et sensibilité. Ses gestes sont accomplis de façon mécanique, machinalement, parce que c'est son rôle, sa fonction. mais sa sensibilité l'emporte, les morts ont été vivants avant d'être morts. Il vit parmi eux, « les ramène à la maison », le comportement effarant de certains de ses collégues attisent sa colère. le ton est âpre et sec de ceux qui en ont trop vus. Il n'est pas difficile de s'attacher à ce personnage dans un contexte si éloquent. Ce livre tient plus du récit que du roman, il est presque un témoignage tant on perçoit la réalité derrière la fiction. Gwenaëlle Lenoir nous offre un récit percutant, qui éveille la prise de conscience et bouleverse d'une façon essentielle notre perception d'une guerre pas si lointaine,

Je remercie les Editions Julliard ainsi que Babelio pour l'envoi de ce livre obtenu dans le cadre d'une Masse Critique Littératures.


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Ce roman est une claque immense, une déflagration. Tout ce qui se dit, bien entendu, nous le savions. La violence du régime, la Syrie plongée dans le chaos, le tyran, la torture, les traitres, les victimes, le deuil impossible, l'exil. Rien de bien nouveau sinon une actualité impitoyable et douloureuse qui se rappelle à nous aux quatre coins du monde. Hélas !
Gwenaëlle Lenoir rend hommage à César, un photographe qui a documenté les massacres du régime de Bachar al-Assad. C'est fort, poignant, bouleversant. La révolution d'un peuple est là sous nos yeux, sa répression brutale, un massacre, et nous aimerions que cela ne soit que de la fiction.
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