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Critique de Marple


Ayant une expérience limitée de Dennis Lehane (le 1er Kenzie-Gennaro et c'est tout), je m'attendais à un polar du même type, avec le même style impayable, mais situé dans la Boston des années 1918-1920 et prenant comme héros les grands-parents des détectives de la tour d'église. Un pays à l'aube, ce n'est pas ça du tout... et c'est probablement tant mieux pour nous !

Pour commencer, ce n'est pas un thriller à proprement parler, plutôt un roman historique sombre autour de 2 thèmes importants : le syndicalisme et le racisme (j'oubliais, ça parle aussi d'un 3ème thème important de temps en temps : le baseball). le livre apporte certes son lot de morts violentes, d'agressions et d'injustices, mais sans qu'il y ait enquête ou qu'on s'interroge sur les auteurs et les mobiles. Non, ce sont simplement des événements de la vie courante pour ceux qui ne se trouvent pas du bon côté de la barrière en cette période troublée (et ils sont nombreux, que la barrière vienne du statut social, de la couleur de peau ou simplement d'une histoire personnelle malheureuse).

Ensuite, les personnages sont plus nombreux, plus complexes, et on fait connaissance avec eux plus en profondeur (alors que dans un polar ''classique'', l'intrigue policière occupe presque toute la place). Évidemment, on s'attache à Danny, flic qui suit au départ les traces de son père le capitaine, jusqu'à ce que sa conscience s'éveille au fil de ses missions d'infiltration, de l'aggravation des terribles conditions de travail de ses collègues et des injustices faites aux Noirs. À Luther aussi, qui personnalise les impasses auxquelles un Noir se trouvait confronté à cette époque-là, aussi doué, idéaliste et malin soit-il. À Nora enfin, dans une certaine mesure la femme fatale de l'histoire, embourbée dans ses souhaits paradoxaux de liberté et de respectabilité. J'aurais aimé les connaitre, tous les trois, partager un verre de vin avec eux sur le toit, plaisanter et refaire le monde. Les portraits des personnages secondaires sont très réussis aussi : de Babe Ruth qui aimerait être un grand homme mais ne parvient qu'à être un grand joueur de baseball (assez sympathique, malgré tout) au lieutenant Eddie, le gentil parrain de Danny qui bascule parfois dans les préjugés et la haine (nettement moins sympathique, pour le coup). Puis toute la famille Coughlin, Lila, les Gidreaux, les communistes, les anarchistes, les policiers, les syndicalistes...

Parce que c'est ça, la dernière particularité de ce roman : il est basé sur un fait réel méconnu, la grève de la police de Boston en 1919, et nous apprend énormément de choses sur la période, les mentalités et les événements. Cela se traduit dans le style, plus sérieux et moins percutant, mais toujours fin et agréable. On se sent (un peu) plus intelligent après la lecture, je me suis même surprise à reconsidérer ma position sur les syndicats (ou à tout le moins à me dire que je devrais me documenter plus sur la question).

Bref, une lecture tout à fait passionnante (mais je me réjouis quand même de retrouver le Lehanne de Kenzie-Gennaro dont j'avais vraiment adoré l'humour, par ex 'Gina-du-bain-moussant' qui est devenu culte pour moi).
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