D'entre les morts

- Moi, je veux que mes équipes se sentent sur la brèche. Les flics, plus on leur gueule dessus, plus ils sont bons.

- Les vôtres doivent être super performants, marmonna-t-elle.

- Qu'est-ce que vous dites?

- Rien, rien.

- Vous savez à quoi ça correspond ?
- Oui et non.
- Il y a un moment où vous vous êtes dit que je pourrais me satisfaire d'une réponse comme ça ?

Avez-vous vu rôder quelqu'un dans l'immeuble ?
Quelqu'un que vous n'aviez pas vu auparavant ?
Votre collègue nous a déjà posé la question.
Je sais, mais dans la police on aime entendre les histoires plusieurs fois c'est maladif.

Le Cow-Boy se leva d'un coup, râla le temps d'arriver à la porte qu'il ouvrit brutalement.
[...]
- J’espère que c'est le ministre en personne qui vous envoie, sinon je vous jure que je vais vous raccompagner à coups de pompe dans le cul.

- Oui

Elle se trouva figée dans l'espace et le temps, flottant au ralenti au milieu des débris en apesanteur.
Soudain, tout se joua en accéléré. Elle se sentit tourner en tous sens. Avec une violence inouïe.
La goutte de sang qui s'écrasait sur le carrelage. Près du corps de Philippe.
Sol et ciel s'inversèrent. Encore, et encore.
La douleur de la chair meurtrie.
La mort en embuscade.
Et le néant.

La terre brune, tapissée d'épines et de pommes de pin fit place à un sol craquelé et recouvert de cendres. Elle eut l'impression d'entrer en enfer. Elle ignorait encore que chacun de ses pas la rapprochait effectivement de l'enfer, le vrai. Celui des hommes.

Comme tout le monde, Esther était incapable de déceler le danger dans les choses anodines. Elle croyait que le mal ne se tapissait que dans l'ombre. Elle avait peur des nuits d'orage, des ruelles sombres, des insectes hideux. Aussi, par cette radieuse journée d'été, alors qu'elle s'apprêtait à investir la maison familiale, se sentait-elle confiante.
Elle avait tort.
Le mal surgissait toujours par surprise, frappait quand on s'y attendait le moins.
Dans son rétroviseur, il y avait bien une voiture.
Toujours la même.
Depuis si longtemps...

Après avoir raté sa carrière, il ratait son suicide. On pouvait louer une certaine constance dans la médiocrité. Depuis, ses idées suicidaires s'étaient envolées, et avec elles ses scrupules.

Vous avez le droit de pleurer.Être humain,ce n'est pas une faiblesse.

- Vous n’aimez pas ma façon de conduire? S’agaça-t-elle.
- Si. Vous conduisez très bien.
- « Pour une femme », c’est ça ?
- J’ai rien dit.
- J’ai bien vu que vous me regardiez de travers. Qu’est-ce qui ne va pas ?
- Rien.
- Allez, lâchez le morceau.
- Tout va bien. Vous conduisez… très prudemment…
- Et ?
- Faut pas être pressé, c’est tout.
- Ah, voilà ! Je l’attendais, celle-là. La remarque du mec qui roule vite avec sa grosse bagnole. Je vois. Vous savez que sur le plan psychologique, ce genre de comportement est très révélateur ? La virilité, la compensation… Je pourrais vous en parler pendant des heures et des heures.
- À la vitesse où vous roulez, je pense qu’on a largement le temps.
- Je vous signale que c’est vous qui avez insisté pour qu’on prenne ma voiture.
- Je me suis dit que cela me changerait. Remarquez, question changement, je suis servi. J’ai l’impression d’être en calèche.