Ce n'est pas une guerre, Salama. C'est une révolution.
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Partir ne sera pas facile. Je sèmerai des morceaux de mon cœur brisé derrière moi sur les côtes syriennes, et les cris de mon peuple me hanteront jusqu’à la fin de mes jours.
Quand on s'entasse dans un bateau délabré, c'est qu'on n'a vraiment pas d'autres solutions. p.37
Je crois que c'est le dernier habitant de cette ville qui rêve encore la nuit.
Des enfants courent sur le trottoir et poussent des cris excités. J'entends même des rires comme un fragment d'innocence qui survit envers et contre tout, et que j'attrape au vol pour le graver dans mon cœur.
Ce n'est pas comme ça que j'imaginais mon avenir. Je voulais être pharmacienne. Pas ouvrir le ventre des enfants au milieu de leur salon.
Mes os sont faits d'acier et je dois recoller les morceaux de mon cœur pour pouvoir de nouveau affronter l'enfer demain.
C'est la benjamine de la famille. On était tous tellement heureux quand elle est née... Avec deux garçons, nos parents ne s'ennuyaient pas. Et puis ce petit ange est venu au monde. Je me souviens encore du cri de joie de Baba quand l'infirmière lui a annoncé que c'était une fille. Elle a été pourrie gâtée. Il ne fallait même pas qu'une aile de papillon lui effleure la peau. Avec mon frère, on n'aurait jamais laissé quoi que ce soit lui arriver, on était ses protecteurs. Et aujourd'hui...
la haine l'a eue.
Sa voix vibre de frustration et de colère.
- J'ai échoué. Je n'ai pas su la protéger. Yusuf ne parle plus depuis la mort de nos parents.
Tant que les citronniers fleuriront, l’espoir ne mourra pas.
Les citronniers continuent à pousser, à fleurir, à nourrir la révolution. Je me souviens de la limonade que Mama nous préparait, l’été. Je sens encore son goût sucré et acidulé sur ma langue - rien que d’y penser, j’en ai l’eau à la bouche. Que ne donnerais-je pas pour une gorgée de citron fraîchement pressé, pour revoir le regard aimant de ma mère lorsqu’elle me tendait mon verre…