La Plaine du Kantô, tome 1

La jeune Tsuru, dans « L'apprenti Geisha » de Kamimura, devait survivre à la guerre. Elle réapparaît dans cette Bd sous le nom de Ginko, comme l'arbre ginkgo biloba qui *« fut la première espèce d'arbre à repousser après l'explosion de la bombe atomique à Hiroshima ».(* source Wikipédia).
Avec sa mère elles ont fait l'essentiel en fuyant Tokyo en flamme. Mais les stigmates invisibles de la guerre sont là, irréversibles pour la mère de Ginko, comme le suggèrent ces scènes masochistes dans des pages très dures, où elle trouve la mort presque sous les yeux de sa fille.
Pour la jeune génération, il faut vivre maintenant, en attendant de résoudre cette formule énigmatique déposée dans l'acte de capitulation : «l'éducation démocratique».
C'est ce que fait Ginko, jusqu'à son moment de vérité, où, interpelant les élèves de sa classe sous la forme d'un vote, ils sont sommés de répondre ce qu'ils croient : Ginko est une fille. Alors elle répond en soulevant sa jupe et en montrant son zizi : « Alors, est ce que c'est démocratique que tout le monde se trompe dans son vote ?! ».
Tous les personnages manifestent à leur manière cette ambiguïté de l'après-guerre, mais la vie continue. Parmi eux le maître-dessinateur (l'auteur) apparaît avec son grand manteau noir : « Je préfère de loin ces femmes au rouge à lèvre indécent se baladant au bras d'un soldat américain que celles en bleu de travail qui faisaient la chaîne pour transporter les seaux d'eau ».

Né en 1940, Kazuo Kamimura doit son succès à son trait élégant, aux lignes courbes, proches des estampes japonaises classiques. « La plaine du Kanto : images flottantes de la jeunesse » s'inspire du vécu du petit Kazuo dans le Japon de l'après-guerre, un pays en pleine mutation et en confrontation avec l'Occident. Quand on lui demande pourquoi il écrit des gekigas (nouvelle forme de manga pour jeunes adultes), il répond : « Parce que j'ai envie de peindre des paysages, parce que je suis persuadé que ce qui marque le plus une personne, ce ne sont pas tant ses expériences passées que les paysages dans lesquels elle a vécu. ».

J'ai aimé l'alternance de gravité et d'humour, une scène typique est celle où l'on voit les jeunes élèves systématiquement aspergés de DDT en poudre à la sortie des classes pour lutter contre le paludisme et le typhus ! La découverte de la sexualité et certaines formes de sexualité alternatives sont abordées plusieurs fois dans le récit, ce qui détonne dans un récit par d'autres aspects très naïf.

Kazuo Kamimura est décédé en 1986, il avait 46 ans.

"La Plaine du Kantô", est un récit qui raconte le parcours initiatique de Kinta un jeune garçon élevé par son grand-père, dans le Japon d'après guerre, un pays déboussolés devant se reconstruire.
L'arrivée de Ginko, une petite fille, vat bousculer la vie de Kinta. Ensemble, ils découvrent la mort et l'éveil à la sexualité, présenté sans tabous, ni racolage, puisque l'ambiguïté est profonde autour de la petite Ginko, son visage a beau être celui d'une petite fille, elle a le corps d'un garçon.
Kinta et Ginko vont faire l'expérience de la vie, et le regard qu'ils portent dessus peut être dérangeant, mais il offre par ce biais un angle de vue qui n'est pas commun et sans doute pas si neutre et enfantin que l'on veut bien le laisser paraitre.
Le mangaka s'appuie sur un trait fin et élégant, évoquant le style des estampes, et de grandes pages laissant apparaître des paysages calmes de toute beauté qui apaise le propos, la plaine du Kantô, étant le cadre où Kamimura a passé son enfance. Les évènements qu'il présente, on devine qu'il les a connus, et que l'on peut le retrouver en Kinta.
Ce premier tome de la plaine du Kantô, parvient à nous captiver grâce à une construction habile et à la densité de son récit, une amusante et désarçonnante leçon de vie. le mérite réside dans la manière dont Kamimura représente les réactions de l'enfant confronté au monde adulte et surtout grâce à l'authenticité qui se dégage de ce récit.

Avec le premier tome de cette trilogie publiée en 1976 au Japon, Kana ajoute un nouvel album de Kazuo Kamimura à sa collection Sensei.

Le récit débute le 15 août 1945, lorsque l'empereur Hirohito annonce la capitulation sans conditions du Japon. C'est dans ce Japon d'après-guerre, encore incrédule face à l'inconcevable défaite, que l'auteur se concentre sur la plaine du Kantô, une région rurale qui a réussie à tenir grâce à son activité agricole. Mais, même si cette partie du Japon s'en sort plutôt bien, les familles sont décimées par la guerre et la reconstruction et la réorganisation prendront encore beaucoup de temps. Si les traces de la guerre sont bien présentes, celles-ci semblent apaisées par la beauté des décors et des paysages dans lesquels le mangaka a vécu et qu'il restitue ici avec soin.

Cette fois , l'auteur de « Lady Snowblood » et de « L'Apprentie Geisha » ne place plus la femme au centre de son oeuvre, mais un jeune garçon de sept ans. le fait de relater cette période en suivant le quotidien d'un enfant, permet également une approche plus naïve des méfaits de la guerre et de cette époque de renaissance et de liberté. L'histoire est basée sur une série de rencontres intéressantes qui permettent de confronter l'innocence du jeune Kinta aux réalités du monde des adultes, dont les faiblesses et les déviances semblent encore accentuées en cette période d'après-guerre. de la sagesse du grand-père au courage de cette petite débrouillarde accompagnée de sa mère, en passant par un illustrateur de renom, un voisin abject et un pilote américain, l'auteur parsème son récit de personnages surprenants.

Outre le contexte historique intéressant et le témoignage d'une région que l'auteur tient à coeur, ce récit non dénué d'humour propose également un graphisme élégant et lisible, qui a plutôt bien supporté le poids des années. Malgré des parties génitales souvent gommées, certaines réalités et certains thèmes (inceste, bondage, …) pourront néanmoins choquer le lecteur non-averti.
Lien : http://brusselsboy.wordpress..