Ah ça, le Japon est vraiment une terre de prédilection pour la culture horrifique. Dans ce manga, Ken Kaneki était un jeune étudiant amoureux de la belle bibliophile Lise, une cliente du café L'Antique, et il est le plus heureux des hommes quand la belle gosse littéraire accepte un rendez-vous amoureux, mais celui-ci tourne au cauchemar… Tous les deux sont victimes d'un tragique accident de chantier : Lise meurt, et ses organes sont transplantés à Ken qui obtient la vie sauve pour basculer dans un autre monde, celui des goules anthropophages… Et le voici bientôt pris entre les guerres de territoires entre créatures de la nuit et les purges effectuées par les inquisiteurs-chasseurs du gouvernement ! (à moins que sa situation particulière de sang-mêlé n'en fasse le parfait médiateur pour réconcilier humains et créatures de la nuit ?)
L'ambiance sombre et malsaine est bien rendue par les dessins. Les charadesign est simple mais soigné, les arrière-plans qu'il soit détaillés ou épurés sont travaillés et pour ne rien gâcher le découpage est globalement bien réussi. Personnellement je trouve que le travaille de Sui Ishida n'est pas très soin de celui Takeshi Obata, mais en mode dark attitude ! ^^
Tout cela rappelle quand même tous trucs urban fantasy des années 1980/1990, notamment ce bon vieux "World of Darkness" pour ceux qui ont un peu roulé leur bosse dans le jeu de rôle, mais quand c'est bien fait on se souvient pourquoi tout c'était des bonnes idées à la base, en sachant que les bonnes idées sont faites pour être reprises (surtout quand Ken marche dans les pas du Shin'ichi de "Parasite" / "Kiseiju"). Tout n'est parfait pour autant :
- le coup de la transplantation au motif que deux personnes sont du même groupe sanguin AB… Il a vraiment fait médecine ce chirurgien ?
- cela aurait été tellement mieux que Ken découvre que Lise n'était pas humaine après l'accident plutôt qu'avant… Mais on tombe dans le vieux dilemme hitchcockien : vaut-il mieux 15 seconde de surprise ou 15 minutes de suspens ?
- de la même manière l'univers des goules est spoilé dès de départ du coup puisque que les conséquences de leur mode d'alimentation font jour après jour la une des médias et que le Centre de Contrôle des Goules a pignon sur rue… Comment font les gens pour ne pas flipper chaque jour que Dieu fait, et pourquoi il y a encore des gens pour se balader tout seul dans la rue à point d'heure de la nuit… Dans une telle situation c'est couvre-feu direct pour tout le monde (et cela simplifierait grandement le travail des inquisiteurs chasseurs du gouvernement). C'est peut-être une allégorie de la résilience au phénomène terroriste, mais je n'y crois pas…
- les scènes d'action dépotent grave mais sont visuellement un peu fouillies dans leur mise en scène
Ce n'est pas très grave au début vu que le manga ne mise pas dessus au début, mais ensuite il y a des tomes entiers de bastons.
Ce tome 8 est encore très baston, puisque d'un côté on suit le combat de Ken contre Ayato pour sauver Toka (avec droit de quota de flashbacks) et le combat des inspecteurs spéciaux Yukinori Shinohara et Iwao Kuroiwa contre la terrible goule SSS dénommée La Chouette (avec droit de quota de flashbacks).
C'est tellement rempli de foreshadowing, parfois complètement pompier, qu'il est impossible de savoir si c'est bien construit ou carrément improvisé… (la bataille du 11e arrondissement ne serait qu'une opération de diversion pour camoufler un formidable gambit d'Aogiri contre le CCG, La Chouette ne serait pas un personne mais un groupe de super goules se relayant à tour de rôle, les Arata prototypes d'armures carnivores, les exploits de l'inspecteur Kotaro Amon qui ne sont montés en épingle que pour mieux préparer sa chute, Niko la goule travestie qui ferait partie du tristement célèbre groupe des Pierrots, et on tease sur la puissance des lieutenants masqués du Roi à l'oeil écarlate qui finalement SPOILERS).
On a carrément basculé du mélange Kafka /
Lovecraft au récit de super-héros… tant mieux ? tant pis ?
PS :
Les éditions Glénat jouent dangereusement avec le feu en cachant astucieusement la mention « pour public averti » en 4e de couverture en police taille 6,5 juste au-dessus de ISBN et du code barre…