« Les épreuves nous font mûrir, nous façonnent, et parfois nous forcent à nous découvrir. Du pire surgit le meilleur. »
D'autres oiseaux volent autour de toi, ce sont tes amis. Ils ont tous des couleurs différentes, comme un arc-en-ciel, y en a même un qui transporte un enfant, un minuscule enfant bleu avec des ailes dans le dos.
Les bras en croix, nous dévalons la pente en riant comme des baleines. Essoufflés, les joues rouges, nous nous laissons tomber dans les hautes herbes. Le sol est doux et humide, imprégné de la fraîcheur de l'automne. Quelques feuilles mortes dansent dans le vent. Le ciel est d'un bleu profond et clair, le soleil bas colore les prairies d'une teinte dorée. Je ferme les yeux avec le sentiment que de grandes joies nous attendent.
L'air est frais et humide, chargé des senteurs terreuses des marais et de l'odeur saline de la mer toute proche. Il règne un calme absolu, rompu seulement par les sons discrets de la nature qui s'éveille. Le coassement lointain d'une grenouille, le frou-frou des roseaux, et surtout, les chants des oiseaux.
Oui, c’est une longue histoire. Une histoire d’amour. Celle d’un vieil homme qui attend le retour d’un oiseau.
L'enfance, ce territoire étrange où les années passent plus vite que les jours.
« Les vieux, c’est comme les horloges », a dit mon père. « Elles donnent l’heure jusqu’à ce qu’un jour elles se mettent à retarder un peu. » Je n’ai pas compris tout de suite ce qu’il voulait dire par là. Après tout, les vieilles horloges donnent encore l’heure deux fois par jour.
Ne vous laissez pas abuser par mes bottes en caoutchouc et mon tablier usé. J'ai dans mon placard quelques costumes bien coupés, des richelieus vernis et même un nœud papillon. Fut un temps où je tutoyais les sommets et où je drapais mon ego dans le velours grenat des rideaux. Un temps où je faisais vibrer les hommes et pleurer leur femme en imitant des oiseaux.
Pour que vous compreniez, il faudrait trouver les mots.
Savoir dire l'enfance, l'amitié et les lumières de l'automne.
Les vivats de la foule et le vertige de la scène. Le voyage des âmes, la folie des grandeurs et la magie des nuits indiennes. Il faudrait aussi remettre mes souvenirs en ordre. À mon âge, ils se confondent. Il m'arrive même de me demander si je n'ai pas tout inventé.
Pour participer, il me faudra imiter trois chants d'oiseaux. Bien sûr, comme tous les gamins d'ici, j'en connais quelques-uns. Le goéland cendré (« keeah-keeah-
keeah-kau-kau »), l'oie sauvage (« aahng-ahng-ung ») et la mouette rieuse (« karr-kreeay »). Je me débrouille avec le canard siffleur (« whut-whittoo»), mais ma spécialité c'est le courlis corlieu avec ses dididididididi, ses pububuhuhuhuhuhu et ses curlii. Le problème c'est que tout le monde sait imiter le courlis. Dans la baie, les enfants connaissent le cri du limicole avant même de savoir marcher. Pour gagner, il ne suffit pas d'être bon.
Il faut être le meilleur.