AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,03

sur 1646 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Une lecture comme je les aime, riche, puissante, émotionnellement chargée, avec un vrai souffle romanesque qui court de page en page.
La salle de bal, c'est celle de l'asile Sharston, une transposition littéraire de celui de Menston dans le Yorkshire qui a définitivement fermée en 2003. C'est là que l'arrière arrière grand-père de l'auteure a été interné, de 1909 à 1818, un homme déprimé qui « a du travailler très dur et s'est fait beaucoup de souci pour son travail. » Autant dire que c'est d'un sujet sensible que s'est emparé Anna Hope, un sujet qui résonne fort en elle.

1911. La salle de bal, c'est comme une parenthèse incongrue dans la vie des patients de l'asile. Une fois par semaine, pour ceux qui ont été « sages », la possibilité de s'évader dans la danse et la rencontre avec l'autre sexe. C'est là qu'Ella, internée pour avoir cassé une vitre dans sa filature, rencontre John, brisé par un malheur familial. Mais c'est aussi là que le docteur Fuller les observe et cherche à expérimenter ces théories scientifiques.

Ces trois personnages sont magnifiquement incarnés. Pas seulement le couple d'amoureux qu'on aime forcément d'emblée, mais aussi le docteur, mal aimable lui mais si complexe. C'est lui qui permet de faire entrer le roman dans une histoire peu connue et perturbante de l'histoire britannique : la notoriété de l'eugénisme qui s'étend, au début du XXème siècle, bien au-delà de la sphère scientifique pour toucher l'intelligentsia politique. Ou comment le ministre de l'intérieur Winston Chruchill s'est enthousiasmé un temps pour l'idée de stériliser les « inaptes » au système dans le but d'améliorer la « race » ( la loi de 1913 sur la déficience mentale a jusqu'au dernier moment inclus une clause sur la stérilisation forcée ).

La Salle de bal est une oeuvre âpre sur la folie, qu'elle soit visible, attribuée ou cachée. Dans cet asile de Sharston, on peut se retrouver enfermé à vie parce qu'on est fou, mais aussi indigent, déprimé ou juste rebelle à la société. le destin d'Ella et de John est bouleversant, leur histoire d'amour contrariée somptueuse. Tout est subtil et intense dans ce roman, des premières lignes jusqu'à l'épilogue qui m'a profondément émue aux larmes.
Commenter  J’apprécie          14121
« La salle de bal » révèle des vérités honteuses et effrayantes ; ce genre de vérités que l'on repousse vite du pied pour les cacher dans un coin d'ombre. Dans ce livre, Hanna Hope les a exhumées de la poussière et de l'oubli.
Une bien vilaine flétrissure que porte l'Europe du XIXème siècle finissant ! On y enfermait pour un rien, ou tout simplement pour s'en débarrasser, des femmes dans des asiles d'aliénés. Au nom de la lutte contre une prétendue « détérioration nationale », on théorisait, voire on légiférait, sur la manière de restreindre la fécondité des classes populaires ou des « anormaux ». J'en reste sans voix.

Considérée par ses juges comme asociale et folle pour un simple mouvement d'humeur, Ella est l'une de ces femmes qui se retrouve enfermée dans un asile d'aliénés. Broyée par un système aveugle et impitoyable, son impuissance, son sentiment d'horreur et d'injustice quand elle comprend ce qui lui arrive vous froisse le coeur.

Nous la voyons mener dans l'asile une vie de labeur et d'humiliation. Ballotée entre ses rêves de fuite et son épouvante de ne jamais pouvoir sortir ce cet enfer, Ella est un personnage absolument bouleversant.

L'intrigue est haletante, et ne laisse aucun temps mort. Elle tourne autour de cinq personnages aux personnalités fortes et complexes, et du bal du vendredi, unique moment de bonheur offert aux pensionnaires méritants.
Que de violence, de désespoir, de peurs, de vilénie dans cette histoire ! Mais aussi que d'amour, de passion avec ces mains grandes ouvertes, ces bras tendus, et ces rêves de ciel bleu…
John, l'homme de l'ombre ! La métamorphose d'Ella ! Les arbres, et les champs, et le ciel uniques témoins d'un grand amour ! le docteur Fuller, homme de pouvoir aux multiples facettes qui fait tant grincer des dents ! La cruauté des gardes et le dédain des médecins ! Clem, la princesse déchue ! Tous ces corps, toutes ces âmes qui se cherchent au bal du vendredi ! Et Dan aux milles vies !
Je ne suis pas prêt de les oublier !

Le livre n'est pas exempt de défauts. La fin m'a notamment paru trop facile. Mais peu importe ! La lecture fut émouvante, ponctuée d'espoirs, de rebondissements, et d'inquiétudes.

Ce fut une lecture commune avec mes amies Cricri124 et Siabelle. Ensemble, nous sommes passés par tous les états. Incompréhension, révolte, compassion, et admiration pour ces excommuniés, ces déchus qui ont su garder la tête haute. Je vous invite à lire leurs billets.

Commenter  J’apprécie          1198
ll faut empêcher les gens pauvres de se reproduire. Et les aliénés.
Nous voici en plein dans la théorie de l'eugénisme, qui se développait en 1911, bien avant qui nous savons.

Ce roman historique retrace avec précision, franchise, rudesse, humanité et poésie le destin de trois personnes en l'espace de quelques mois : un jeune médecin pétri d'idéal, un homme encore jeune muet et mystérieux, et une jeune femme pauvre. Leurs vies vont s'entrelacer à la faveur d'une théorie exécrable mais aussi d'un amour ardent.

Nous sommes dans un asile, en pleine campagne anglaise. A cette époque, le moindre manquement à l'ordre social était sanctionné par une relégation à l'asile. Qu'on soit sain d'esprit ou non. Il faut dire que la frontière est bien ténue entre la raison et la folie, à cette époque ! Pour un oui ou pour un non, les jeunes filles riches mais désobéissantes y sont reléguées loin de leur famille, les pauvres qui se rebellent d'un sort épouvantable itou…
S'y côtoient donc des malades au vrai profil psychiatrique, des hommes révoltés, des femmes rétives, qu'elles soient riches ou pauvres.
La pauvreté…une vraie tare pour les hommes politiques de cette époque ! Nous y croisons Churchill, notamment, qui doit dur comme fer que la stérilisation ne peut être que la solution à ce mal nuisant à l'économie de la société.

Parallèlement à ces idées, se déploie une tendre histoire de rencontre et d'amour, racontée avec psychologie ; mais aussi une histoire d'ambition mâtinée de tendances honteuses.
La nature est omniprésente et offre un contrepied bienfaisant à la cruauté des traitements auxquels sont soumis les « aliénés » et principalement les femmes.

J'ai vraiment adoré crouler de fatigue dans les champs avec les hommes, suer dans la salle de la blanchisserie avec les femmes, accompagner le docteur Fuller dans ses égarements, danser avec John et Ella dans la salle de bal.
Commenter  J’apprécie          7312
1911, dans le Yorkshire. Ella Faye, issue d'un milieu pauvre travaille depuis son plus jeune âge dans une filature. Lassée d'étouffer dans l'usine sans jamais voir le soleil, son besoin de liberté la pousse à briser une fenêtre. Ce geste la conduit à l'enfermement puisqu'on l'envoie à l'asile de Sharston. Elle espère d'abord être rapidement libérée puis finit par s'habituer à la routine de l'institution.

Le livre voit se croiser les destinées des patients Ella Faye et John Mulligan, un Irlandais qui a atterri à l'asile suite à un drame personnel, ainsi que celle d'un médecin de l'asile, Charles Fuller, homme à la personnalité complexe qui semble avoir de bonnes intentions, mais on comprend assez vite que ses patients ne sont pour lui que des sujets d'étude pouvant l'aider à atteindre ses ambitions. Rapidement, celui-ci montre un grand intérêt pour les recherches scientifiques sur l'eugénisme et la stérilisation des aliénés pour obtenir un monde meilleur.

Ella découvre un monde à part fait de brutalité et de répression. Hommes et femmes sont enfermés et travaillent séparément ; les malades « sages » ont le privilège de pouvoir se retrouver une fois par semaine, les vendredis, lors d'un bal organisé par le docteur Fuller. Ce bal est pour celui-ci l'occasion d'observer ses patients danser, et surtout d'étudier les vertus de la musique sur les « esprits faibles » ; mais c'est également la seule opportunité pour les hommes et les femmes de se rencontrer. Ella y fait la connaissance de John…

Anna Hope rappelle des faits historiques douloureux de l'Angleterre du début du 20ème siècle, pays qui fut un des tous premiers à réfléchir sur « l'amélioration de la race » avec la Société d'éducation eugénique fondée au début du siècle. Elle relate habilement le regard implacable porté à l'époque sur les malades mentaux, ou abusivement considérés comme tels, et évoque la notion d'eugénisme, sans la définir, mais en donnant vie à des faits tels qu'ils auraient pu être décrits à cette époque.

Anna Hope a un grand talent pour nous entraîner dans les détours de l'histoire au coeur d'un récit émouvant et passionnant, en dressant le portrait de personnages captivants. Un superbe roman sur un thème original et dérangeant.
Commenter  J’apprécie          721
Asile de Sharston en 1911 dans le Yorkshire, un lieu imaginaire qui fait référence à un autre asile bien réel celui-là.
Ce qui surprend dès le début, ce sont les descriptions des lieux presque luxueux avec des parquets, des carrelages sophistiqués mais aussi des doubles portes bien cadenassées pour éviter les fugues des malades.
Ella est envoyée dans ces lieux car elle vivait dans une grande misère, travaillait dans une filature où elle ne voyait pas l'extérieur. Elle casse une fenêtre, devient violente et la voilà à Sharston;
John Mulligan est irlandais. Il a vécu un drame personnel avec sa femme et sa fille qu'il a perdue. Il est complètement renfermé en lui-même. A Sharston, il creuse des tombes profondes en compagnie de Dan. Ensuite, il s'occupera de jardinage.
Charles est un médecin qui n'a pas su terminer entièrement ses études. Il travaille à Sharston comme médecin, joue du violon et monte un petit orchestre qui anime un bal dans la grande salle de bal pour les patients qui se sont montrés calmes pendant la semaine.
Il est passionné par l'eugénisme issu des théories de Darwin. Améliorer la race fera surtout des dégâts dans l'Allemagne nazie des décennies plus tard. Néanmoins, la vasectomie va déjà se pratiquer à cette date et pas seulement à bon escient.
A l'époque du roman, Churchill est déjà ministre de l'Intérieur. Charles rêve de le rencontrer. Il devient malade à cause de ses ambitions.
Pendant ce temps, au bal, John et Ella font connaissance et arrivent à se rencontrer.
Une mystérieuse personne rencontrée au début et à la fin du livre nous donne la clé de l'issue de leur amour.
Le roman d'Anna Hope est très bien construit avec une écriture très sensible où les chapitres parlent de nos trois personnages cités plus haut, à la troisième personne et chacun leur tour : Ella, John et Charles .
La traduction par Elodie Leplat est de grande qualité.
En lisant, j'ai été aussi fascinée que pendant ma lecture de certains livres de Tracy Chevalier.
Commenter  J’apprécie          6814
Il était dit qu'Anna Hope me réservait encore des surprises,  des délices...et des émotions

 En fait, par le plus grand des hasards, après Nos Espérances suivi de près par le Chagrin des vivants, j'ai voulu retrouver mon plaisir de lire -  momentanément perdu entre deux vidages de cartons  et une expédition punitive à la déchetterie :  j'ai donc sauté sur cette Salle de bal, à qui je demandais rien moins qu'une extase littéraire, espérant que ce tour de valse me fasse revenir au délicieux vertige de sombrer corps et bien dans un livre et d'oublier toutes les autres contingences.. .

 Bien m'en a pris: non seulement ce troisième Anna Hope m'a fait franchir un nouveau cran dans l'appréciation positive que j'avais de cette auteure, mais le plaisir de lire, vrai viatique de mon existence,  est revenu dès les premières lignes, intact, grisant!

Pourtant il s'agit d'une salle de bal bien particulière et les tours de valse qu'on y faisait  ont de quoi inquiéter.

Le roman a pour cadre un lieu réel, l'asile de Menston dans le Yorkshire, le fameux West Riding Pauper Lunatic -  à peine dissimulé dans le récit sous le nom d'asile de  Sharston - , il  s'inspire  même de l'internement  du  grand père de la romancière, "soigné"  là en 1909, et qui ne s'en remit jamais.  L'asile,   sous des avatars et des remaniements successifs,  ne fermera ses portes qu'en 2003...

Ici, dans le cadre d'une expérience thérapeutique aux prémisses douteuses, l'asile de   Sharston    "accorde" ou non à quelques élus et quelques élues une séance de bal hebdomadaire où les pensionnaires- constitués d'un public allant des pauvres sans ressources aux vrais "lunatiques" , voire aux fous furieux - s'abandonnent, l'espace de quelques heures,  aux valses, aux gigues et aux mazurkas jouées par un orchestre de soignants mélomanes, sous la houlette de Charles, un médecin chef lui-même pas très bien dans ses baskets...

 En dehors de cette séance récréative et sous haute surveillance : travail non rétribué dans les champs pour les hommes. .. quand ils ne creusent pas des fosses pour les très nombreux internés qui décèdent , séances de soin éprouvantes pour les "agités ", punitions arbitraires et cruelles pour les rétifs,  séjours en cachot pour les rebelles ,et, pour tous,  hygiène,  buanderie et réfectoire en autonomie...

Rien ne filtre donc  de ce lieu clos présenté comme "modèle " puisque son autonomie de fonctionnement ne coûte pas un sou au contribuable anglais.

Pourtant tous les internés sont loin d'être fous.

John est seulement brisé par la pauvreté et la mort de son enfant, Ella,  elle,   révoltée par sa condition d'ouvrière analphabète,  travaillant depuis l'âge de 8 ans,  a ete internée pour avoir osé briser un carreau à la filature qui l'exploite...  Quant à Clémentine, issue de la "upper class", elle s'est réfugiée  à l'asile par simulation et par choix avec ses chers livres  pour fuir un frère prédateur  et maltraitant.

Le roman, choral (comme il se doit chez Anna Hope qui semble affectionner cette forme de recit), suit les péripéties qui mêlent et intriquent entre elles ces quatre existences, mais une véritable émotion, une tendresse perce si bien de tous ces personnages qu'on est littéralement happé,  bouleversé par le sort des protagonistes- même le médecin a son talon d'Achille, ses failles, et c'est en n'y cédant pas, précisément, qu'il devient un monstre- .

John, inspiré du grand père d'Anna Hope est particulièrement touchant. Sa neurasthénie intelligente et sa désespérance lucide m'ont rappelé celles d'une grand'mère tant aimée, internée elle aussi par intermittence, selon les hauts et les bas de sa bipolarité,  qui me disait avec un petit sourire:  "Ils sont tous fous, ici, ma chérie, eh bien ça me réconforte de me sentir moins folle qu'eux!"

Bien émue par ma lecture, je vous la recommande chaudement, ne serait-ce que pour un tour de piste  avec Ella et John,et  pour sentir ces deux victimes d'une psychiatrie erratique retrouver, malgré elle, leur coeur, leur force et leur envie de vivre!
Commenter  J’apprécie          6218
Qu' ajouter après tant de critiques et tant d'émotions ?

Voilà un récit bouleversant, une narration troublante alternant une réalité terrifiante , le témoignage d'internements abusifs au sein de l'asile de Sharston, qui relate les conditions de vie des pensionnaires, en ce début de siècle, (1911 ) un univers gris et clos, carcéral, absolument mortifère inspiré d'une réalité sociale et historique, ( l'arrière-grand-père de l'auteure y a été interné ) et la puissante émotion emportant le lecteur ,lorsqu' Ella et John ces êtres humiliés ——-leurs deux destins tragiques restitués avec pudeur, attention et délicatesse—— vont nouer un amour très fort d'une beauté à part , tout a fait singulière ......


La voix d'un médecin fou , dont on lit les théories balbutiantes de l'eugénisme , adepte de grands projets pour guérir les malades ....


La-salle de bal somptueuse où Ella retrouvera John , chaque vendredi soir....pour les malades «  sages ».....

Une oeuvre pure, puissante , âpre , virtuose , pétrie de souffrance et de lumière, profonde et bouleversante , dramatique, déchirante qui restera longtemps dans l'esprit du lecteur, inoubliable, pétrie d'amour et de musique......
Elle explore avec une virtuosité sans pareille les travers de notre condition humaine.

«  Le regard de John glissa de nouveau vers les femmes: avec un sursaut , il la vit face à lui, en lisière de la foule , son pâle visage calme et concentré .Son coeur se serra devant cette image, il n'arrivait pas à croire qu'il avait jamais pu la trouver quelconque. Elle était magnifique. Elle rayonnait . Il aurait voulu la rejoindre, passer par - dessus cette corde et traverser la pelouse, pendant que ces imbéciles paradaient dans leurs costumes ... »
Je lirai « Le chagrin des vivants "de la même auteure avec plaisir ....

Commenter  J’apprécie          6012
Voilà un roman virtuose où souffle un grand vent romanesque. Laissez-vous emporter par les personnages d'Anna Hope et vous serez conquis comme je l'ai été.
Le roman est dense, il court sur plusieurs décennies, de 1911 à 1934. L'intrigue se déroule dans le Yorkshire à Sharston, cet imposant asile d‘aliénés où sont internés des hommes et femmes malades ou tout simplement asociaux, pauvres ou victimes d'un drame familial. La salle de bal, c'est cette pièce immense où chaque vendredi, les aliénés choisis par le médecin, peuvent se rencontrer et danser. C'est ainsi qu'Ella, internée après s'être rebellée dans la filature qui l'employait, et John, un irlandais taiseux qu'un drame familial a brisé vont se rencontrer et s'aimer.
Leur idylle serait sans nuages s'ils ne se trouvaient séparés et prisonniers d'un asile où règne un médecin tout puissant. le Dr Fuller, musicien amateur en charge de l'orchestre, est aussi un homme frustré et ambitieux. Il s'intéresse aux travaux de certains scientifiques qui prônent l'eugénisme en stérilisant les déficients mentaux., inaptes d'après eux à élever une famille.

On suit avec intérêt et passion le destin de ces trois personnages. Ils suscitent notre émotion grâce au talent de l'auteur. Mais la prouesse d'Anna Hope, c'est d'avoir entremêlé la fiction romanesque à l'histoire. Elle a puisé dans sa propre histoire familiale pour décrire avec réalisme les conditions d'internement de cette époque, elle nous parle des théories eugéniques qui ont séduit nombre de personnalités y compris dans la sphère politique comme Winston Churchill.

J'ai pris grand plaisir à la lecture de ce roman bouleversant à l'écriture subtile et séduisante.

Commenter  J’apprécie          586
Une 373ème critique aura-t-elle l'ambition d'ajouter quelque chose à toutes celles qui l'ont précédées, dont certaines vraiment talentueuses ? Et encore, je ne les ai pas toutes lues, loin de là ! Mais j'ai quand même très envie d'exprimer les émotions que ce roman a suscité en moi, et pour une fois je vais le faire "à chaud", négligeant la pile sur ma table de salon qui me supplie : "et nous, c'est quand qu'on a droit à notre billet ? Tu nous as lus avant, c'est de la triche !" "Ne vous en faites pas, votre tour viendra bientôt (ou pas)" je leur réponds, me sentant un peu coupable... Mais je m'égare.

En juillet 2020, j'ai lu "Le bal des folles" de Victoria Mas", et j'en avais retiré un sentiment un peu mitigé, frustration, envie d'en savoir plus. Et parmi mes ami(e)s babeliotes, vous avez été plusieurs à me conseiller cette Salle de bal, dont je ne connaissais pas l'existence ni l'auteure avant. Je vais commencer par vous remercier de ce conseil, même si j'ai finalement mis près de deux ans à le suivre. Vous aviez raison, pour moi il n'y a pas photo, celui-ci est nettement plus approfondi, et mieux documenté. Mais l'objet de ce billet n'est pas de comparer les deux romans, dont chacun a ses qualités propres.

Anna Hope a voulu à travers ce roman évoquer la mémoire d'un de ses ascendant qui a été interné dans l'établissement où se déroule le récit. Elle en a changé le nom, il est devenu "Sharston", mais il se situe au même endroit, dans le Yorkshire, et à la même époque. Nous sommes en 1911, et une nouvelle théorie se répand dans les hautes sphères : pour limiter les effets délétères de la paupérisation qui s'accentue à cette époque, il serait bon de contrôler les effectifs des pauvres, et l'un des moyens envisagés pourrait être radical : il s'agit tout simplement de stériliser ceux qui sont considérés comme "faibles", c'est-à-dire en gros ceux qui ne correspondent pas aux critères déterminés pour faire partie d'une race "supérieure". Ca ne vous évoque pas quelque chose ? Ce sont les prémisses de l'eugénisme, en vue de "l'amélioration" des humains, théorie soutenue entre autres par Léonard Darwin (fils de Charles), et par Winston Churchill, alors Ministre de l'Intérieur. J'avoue avoir été très surprise, voire choquée, que ce dernier ait pu adhérer à ces théories, alors même qu'il allait combattre ceux qui avaient mis la théorie en pratique quelques décennies plus tard.
Pour se retrouver à l'asile, il suffisait de pas grand-chose à cette époque ; être un peu rebelle comme Clem, une jeune bourgeoise qui a refusé d'épouser l'homme choisi par sa famille ; avoir un "coup de mou" comme John taxé de "mélancolie" après un drame familial ; ou avoir momentanément "pété un plomb" (et une vitre) comme Ella qui n'en pouvait plus des conditions de travail à la filature. Et pour certains, on ne sait pas exactement pourquoi ils sont arrivés là, c'est le cas de Dan, un peu trublion et ami de John qu'il appelle Mio capitane.
Ella qui vient d'arriver se retrouve à travailler avec Clem à la blanchisserie et elles vont nouer des liens tout en dénouant les draps dans cette atmosphère moite et brûlante. de leur côté, John et Dan creusent des tombes dans lesquelles seront enterrés de façon anonyme et par paquets de six ceux qui ne ressortiront de l'asile que les pieds devant, les "chroniques". Hommes et femmes sont séparés et ne se retrouvent pour les plus chanceux, ceux qui sont choisis parce que bien sages, que les vendredis, jour de bal. Ce bal est l'une des innovations instaurées dans l'établissement, car certains pensent que la musique et la danse peuvent contribuer à la guérison des patients. le docteur Charles Fuller est de ceux-ci, même s'il est très intéressé par la théorie de l'eugénisme dans ses aspects les plus modérés. Il songe d'ailleurs à faire part de ses convictions lors d'une intervention au congrès de la Eugenics Education Society qui doit se tenir prochainement à Londres. Il y voit l'occasion de mettre en valeur son rôle dans l'asile, où il est non seulement médecin adjoint, mais aussi chef d'orchestre lors des bals.

Nous suivrons John, Ella et Charles alternativement durant l'année 1911, où leurs destins vont se lier de plus en plus étroitement. On s'en doute, John et Ella vont se croiser et se plaire, et l'un des axes du roman va être l'évolution de leur idylle, contrariée par la difficulté de se voir et se connaître en-dehors des rares moments institutionnalisés comme le bal du vendredi et les quelques fêtes qui rythment l'année des pensionnaires. Une histoire d'amour qui m'a touchée, évidemment, parce que les deux protagonistes sont attachants et qu'on a envie d'une issue heureuse. Mais j'ai trouvé le personnage de Charles bien plus complexe, et partant, plus intéressant. Au départ, c'est plutôt un bon bougre, on sent qu'il s'intéresse au bien-être des pensionnaires et cherche plus les réinsérer qu'à les contraindre. [D'ailleurs, j'ouvre une courte parenthèse pour souligner que l'asile dépeint dans ces pages est plutôt "évolué" par rapport à d'autres descriptions que j'ai pu lire. Les hommes travaillent à l'extérieur, notamment pour les fermiers du coin, on y produit en grande partie la nourriture (ce qui permet aux "patients" d'être mieux nourris que de nombreux anglais à cette époque), et on s'efforce de subvenir correctement aux besoins vitaux. Ce n'est pas toujours le cas ailleurs. Bien sûr on croise aussi des surveillants brutaux, et certains "traitements" laissent perplexes, comme le nourrissage forcé de Clem, mais dans l'ensemble l'établissement m'a semblé disons un peu moins inhumain que d'autres.]
Mais revenons à Charles. C'est une sorte de médecin de seconde zone, d'ailleurs il est embauché comme auxiliaire au début. En 1911 il a réussi à être promu médecin adjoint et à se voir confier la direction de l'orchestre. Peu à peu son ambition grandit, et ses idéaux vont glisser parallèlement vers des objectifs nettement moins nobles que le bien-être des patients. On sent une grande ambigüité en lui, notamment en rapport avec ses inclinations sexuelles, même si ce n'est que suggéré. Il ne supportera jamais ses penchants, et cela va contribuer à la déviation de ses mobiles. J'ai trouvé très intéressant le mécanisme par lequel une personne animée de bonnes intentions au départ va se transformer jusqu'à devenir capable des pires exactions.

Venons-en maintenant aux petits détails qui m'ont empêchée d'aller jusqu'au coup de coeur. Et en premier lieu, la dernière partie du récit, décevante pour moi, mais qui a plu et plaira sans doute à bien d'autres. Je suis sans doute un peu tordue. D'ailleurs si j'avais été jeune en 1911, nul doute que j'aurai terminé à l'asile ! Ouf ! Et ensuite, j'aurais préféré que la narration soit faite à la première personne pour chacun des trois personnages principaux, je trouve que cela aurait permis de mieux les caractériser en donnant un phrasé propre à chacun par exemple.
Mais ce ne sont que des détails qui n'ont pas du tout nui à l'intérêt de ma lecture. Lecture que je recommande bien sûr à tou(te)s celles et ceux que le sujet de la folie interpelle. "La folie qui m'accompagne, et jamais ne m'a trahie...Champagne !" (Jacques Higelin, qui me manque...)
Commenter  J’apprécie          5771
Quel roman émouvant et bouleversant nous donne à lire Anna Hope avec la salle de bal !
Nous sommes en 1911, en Angleterre, dans ce début de siècle industriel où des enfants de huit ans sont asservis dans des filatures.
Au milieu d'une nature verdoyante, l'asile de Sharston où sont internés des aliénés mais pas seulement, des " indigents", des gens dont on ne sait que faire...
. Ella, notre héroïne,
se retrouve enfermée là pour avoir brisé une vitre dans la filature où elle travaillait.
Étrangement, dans ce lieu hostile où l'on ne songe guère à soigner, il y a une très belle salle de bal. C'est là que se retrouve les " patients méritants" pour danser une fois par semaine. C'est le seul lieu où les hommes et les femmes se croisent. C'est là qu'elle rencontre John, un meurtri de la vie. Naîtra une histoire d'amour entre ses deux êtres.
Le roman s''inscrit dans une toile de fond historique portant sur l'eugénisme et un projet de loi sur le contrôle des faibles d'esprit. Et, oui, que doit-on faire d'eux ? La thèse effroyable de les stériliser pour qu'ils ne puissent se reproduire ?
Des idées, malheureusement qui feront leur chemin dans des cerveaux de" médecins " qui conduiront notre humanité vers la non- humanité totale.
C'est un livre fort, qui vous arrache le coeur, des vies brisées, j'ai parfois pensé au film: Les soeurs, Magdalena, un autre hospice où des vies ont été broyées.
Anna Hope dans la noirceur du monde nous offre au final l'histoire d'un amour, d'un bel amour qui survivra au temps.
Quel roman, que de questionnements il nous laisse ! .
Commenter  J’apprécie          5510




Lecteurs (3383) Voir plus



Quiz Voir plus

Quelle guerre ?

Autant en emporte le vent, de Margaret Mitchell

la guerre hispano américaine
la guerre d'indépendance américaine
la guerre de sécession
la guerre des pâtissiers

12 questions
3229 lecteurs ont répondu
Thèmes : guerre , histoire militaire , histoireCréer un quiz sur ce livre

{* *}