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EAN : 9782226460981
256 pages
Albin Michel (18/08/2021)
3.3/5   53 notes
Résumé :
« L’amour est une emprise réciproque qui fait s’envoler la liberté. Donc, n’en parlons plus. »

Louise et Guillaume ne parlent plus d’amour, ils le font.
Pourtant, Louise doit épouser dans quelques mois un homme riche qu’elle méprise, quand Guillaume tente de se relever d’un chagrin où il a cru mourir.
Leur passion bouleverse tout dans cette petite villégiature de Bretagne où s’agite une société qui ne croit qu’au champagne, aux régates, ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (24) Voir plus Ajouter une critique
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«Le mariage vient de l'amour comme le vinaigre du vin» (Lord Byron)

L'ironie mordante de Stéphane Hoffmann fait merveille dans ce roman où, du côté de la Bretagne, les représentants de la «bonne société» vont se heurter à une jeune fille rebelle. Quel régal!

«Chef d'oeuvre de finesse, d'effronterie, de classe et d'insolence, que je vous conseille». Si Stéphane Hoffmann parle ici d'un discours de réception à l'Académie française, cette phrase résume comme un gant son nouveau roman, grand bonheur de lecture. S'il reste fidèle à la haute-bourgeoisie, il choisit cette fois les hobereaux de province et les paysages déchirés de la Bretagne pour planter son décor.
En arrivant au port de le Guénic-sur-Vilaine, Louise Lemarié (un patronyme qui ne lui va pas forcément comme un gant) est un peu contrariée. Elle n'aime pas trop les mondanités et doit faire contre mauvaise fortune bon coeur. Car elle vient assister à la remise de l'Ordre national du mérite, décerné à son père Olivier, Président du Yacht-club. le ministre chargé de lui remettre sa breloque est suivi comme son ombre par Armand-Pierre Foucher. le jeune homme n'est autre que le futur mari de Louise, même s'il ne fait pas précisément bondir le coeur de sa promise, mais comme l'union semble réjouir les deux familles…
En attendant de passer la bague au doigt, elle se divertit. Par exemple en prenant la défense d'un jeune homme qui entend se mêler aux invités et dont le visage ne lui semble pas inconnu. Car quelques mois plus tôt, Guillaume du Guénic a aidé Louise qui tentait de sauver un oiseau blessé, en lui prêtant son écharpe. Lorsqu'elle était venue lui rendre son bien, il sortait de son bain et l'avait accueillie dans le plus simple appareil. Une aisance et une spontanéité qui l'avaient bien davantage séduites que les ronds-de-jambe d'Armand-Pierre. Comme dans sa famille, le respect des conventions semble devoir être placé au-dessus de tout, elle s'amuse en peu. «Le bonheur n'a jamais été prévu. Il est même mauvais genre. Là où vit Louise, il faut être élégant, prospère et puissant, mais il est superflu d'être heureux. On tient à distance l'amour, ses désordres comme ses éblouissements. On peut coucher à discrétion, on ne doit pas se laisser aller à aimer.»
Un principe que Guillaume et Louise, à force de se jauger, de se rapprocher et se frotter, vont mettre en pratique avec un plaisir renouvelé, passant d'un lit à l'autre dans la belle demeure familiale. Une récréation qui, contrairement à ce qu'ils croient, va finir par bouleverser l'ordre établi. Les yeux de Louise se dessillent, tout comme ceux de Guillaume, désormais rival d'Armand-Pierre.
Comme dans ses précédents romans, Un enfant plein d'angoisse et très sage et surtout Les belles ambitieuses, Stéphane Hoffmann laisse aux hommes le soin de s'étriper, d'étaler leur ambitions, leur couardise et leur immaturité et donne la part belle aux femmes. Qui réussissent parce qu'elles changent. Si on ne parle plus d'amour quand on parle de mariage, on en parle beaucoup dans ce roman. Pour le rapprocher des mots liberté et bonheur. Avouez qu'il serait bien dommage de le laisser filer…


Lien : https://collectiondelivres.w..
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Louise a vingt ans et a toujours été ballotée par les événements sans jamais choisir ou se poser de questions. Elle doit dans quelques semaines épouser un homme qu'elle n'aime pas, choisi par son père car il va sauver l'entreprise familiale. Lorsque son chemin croise celui de Guillaume…

Après avoir lu le résumé, on pourrait croire à un nouvel Harlequin. Ce serait faire fausse route. Ce roman ressemble à s'y méprendre à une pièce de théâtre proche du vaudeville, certaines scènes sont pleines de dérision. Louise et Guillaume ne parlent pas d'amour mais vont vivre intensément une passion amoureuse. Tous les personnages sont bien définis, en particulier les rôles secondaires. On lit avec amusement les plans du futur époux carriériste, les ronds de jambe du père de Louise (un éternel enfant menteur et roublard), l'application méticuleuse du comptable ou le ‘professionnalisme' du banquier.

Avec humour, ce roman fait la part belle au paraître et offre un sympathique moment de lecture.



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J'aime beaucoup les romans de cet auteur mais j'avoue que celui-ci ressemble beaucoup à son précédent : même milieu bourgeois, même dérision. Pourtant j'ai adoré lire l'histoire de Louise bientôt mariée (mariage arrangée) à un homme de son milieu qui reprendra les rennes de l'entreprise du père de la promise. Ce père étant assez magouilleur sur les finances et manipulateurs envers son petit monde. Alors quand le fils de l'ennemi se rapproche de Louise, la comédie peut commencer.
Un régal même si assez caricatural.
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Louise, âgée de vingt ans, doit épouser, dans quelques mois, Armand-Pierre Foucher, un homme plus âgé qu'elle. Elle ne l'aime pas et elle sait qu'elle divorcera. Ce mariage de convenance apportera des fonds à l'entreprise de son père, un homme talentueux, mais incapable de s'occuper de gestion : l'argent lui file entre les doigts. le futur époux n'a pas de sentiment pour sa fiancée. Il recherche un statut marital pour appuyer sa carrière. Cependant, il désire que Louise respecte mieux les codes de leur monde. Les fiancés se méprisent et leurs échanges sont teintés d'ironie. Lors d'une réception en l'honneur d'Olivier Lemarié, le père de Louise, un jeune homme bouleverse le protocole. Il ne porte pas la tenue du club et n'est pas le bienvenu. La jeune fille ne reconnaît pas immédiatement celui qui l'a aidée à sauver un oiseau, quelques mois plus tôt. Il s'appelle Guillaume, il est le fils du baron de Guénic. Il a rejoint le domaine breton de sa famille pour oublier un chagrin d'amour.


Comme l'indique la quatrième de couverture : « Louise et Guillaume ne parlent plus d'amour, ils le font. » Les sentiments ne sont pas exprimés, mais leurs actes laissent penser qu'ils existent. L'amour est libre et il est celui qui permet d'analyser les envies, les désirs, les projets et les refus. Il est celui qui fait naître. Il est sans chaînes. Son pouvoir est-il suffisant pour briser celles des convenances ?


Dans ce roman, Stéphane Hoffmann égratigne la bourgeoisie et la noblesse. Les apparences et les apparats dominent, le mensonge est le langage, la pseudo-supériorité s'affiche, aussi la désinvolture et la simplicité des deux tourtereaux soufflent un vent de fraîcheur. Certaines scènes évoquent le vaudeville et la cocasserie des situations amuse.


Hélas, je ne suis pas parvenue à m'attacher aux personnages. Je pense que ma première prise de distance avec Louise a été provoquée par son amour de la chasse. Son discours m'a bloquée, en raison de mes convictions. Je crois, également, que mon attirance pour la couverture et ce que j'avais imaginé de l'histoire, en fonction de son résumé, ont tronqué mes attentes. J'avais anticipé une passion dévorante, un amour puissant et magnifique, or la caricature assumée et l'analyse des apparences sont le centre de l'intrigue. C'est une photographie sociologique du milieu bourgeois, que l'auteur décrypte avec humour. Malheureusement, même si j'ai aimé la plume emplie de finesse de l'auteur, la rencontre entre ce roman et moi n'a pas été entière.


Lien : https://valmyvoyoulit.com/20..
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Stéphane Hoffman, écrit depuis plus de trente ans ; il est également journaliste et critique littéraire et il organise des salons littéraires. Son dernier livre, On ne parle plus d'amour, a été publié par les éditions Albin Michel.

Voici ce qu'on peut lire sur la quatrième de couverture :
« L'amour est une emprise réciproque qui fait s'envoler la liberté. Donc, n'en parlons plus.»
Louise et Guillaume ne parlent plus d'amour, ils le font.
Pourtant, Louise doit épouser dans quelques mois un homme riche qu'elle méprise, quand Guillaume tente de se relever d'un chagrin où il a cru mourir.
Leur passion bouleverse tout dans cette petite villégiature de Bretagne où s'agite une société qui ne croit qu'au champagne, aux régates, aux jardins, aux bains de mer et autres plaisirs de l'été.
Dans On ne parle plus d'amour, il n'est question que d'amour. Il blesse, distrait, porte, détruit, réconforte et s'impose à la dizaine de personnages qu'il mène dans ce roman vibrant et léger comme une flèche, et qui frappe en plein coeur. »

L'action se déroule en Bretagne, à Guénic-sur-Vilaine où Olivier Lemarié est président du yacht-club. Mais Olivier a un gros défaut, il vit bien au-dessus de ses moyens. Et pour s'en sortir financièrement, il compte sur sa fille Louise qu'il va marier à Armand-Pierre Foucher, un homme riche qu'elle n'aime pas et qu'elle va épouser par devoir. Car Louise est soumise, sans idéal ni volonté propre. Jusqu'au jour où elle rencontre Guillaume de Guénic. Et ces deux-là vont être emportés par une véritable passion. Mais attention, pas question de parler d'amour !

Un livre drôle, bien enlevé, dans lequel l'auteur de sa plume acide va gratter la bourgeoisie de province et les snobs avec humour et légèreté. Un livre où l'amour est bien présent : le mariage heureux entre Olivier Lemarié et sa femme Suzanne qui s'aiment depuis trente ans, et la naissance d'un attachement très fort entre Louise et Guillaume qui vont se découvrir avant de découvrir leurs sentiments réciproques. Une sorte de vaudeville dans lequel les rebondissements se succèdent. Un très bon moment de lecture.
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critiques presse (3)
LeFigaro
07 septembre 2021
Dans son nouveau livre, le romancier observe les ambitions, les petits calculs, les vanités, et les épingle. Mais il a l’élégance d’écrire sans méchanceté.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
LeFigaro
01 septembre 2021
Dans son nouveau roman plein de fantaisie, d’insolence et de style, l’écrivain prône la liberté face aux injonctions de la vie sociale. Salutaire.
Lire la critique sur le site : LeFigaro
Lexpress
18 août 2021
Ce livre, qui rend discrètement hommage à Béatrix de Balzac, a la modestie de se présenter comme un simple vaudeville. Il prend une autre dimension grâce à son humour anglais et à l'élégance qui va avec. Plus d'une fois, on se croirait chez Wodehouse. C'est un roman de Sagan écrit par Julian Fellowes. Cela change des laborieuses tartines sociologisantes que nous sert si souvent la littérature française contemporaine.
Lire la critique sur le site : Lexpress
Citations et extraits (14) Voir plus Ajouter une citation
(Les premières pages du livre)
« On manquerait de champagne pour la réception de vendredi. Louise Lemarié est chargée par son père de passer chez le caviste en prendre trois ou quatre cartons.
– Trois ou quatre ? lui demande-t-elle.
– Quatre. Ça fera de la réserve. Tu diras que je passerai payer.
Ce qui fait tiquer le gars :
– Demandez à votre patron…
Louise a un petit rire :
– C’est mon père.
L’air navré du caviste. Il hausse les épaules et poursuit :
– Eh bien, demandez à votre père de passer me voir assez vite. La note s’allonge. Ça fait un bout de temps. Mon comptable râle. Je vous donne deux cartons. Plus, je ne peux pas. Il n’a qu’à venir chercher les deux autres. Avec son carnet de chèques. Non, plutôt sa carte bleue. Vous le lui direz ?
– Je le lui dirai.
– Promis ?
Le sourire de Louise.
– Promis !
Les deux cartons sont dans sa voiture. Louise a souri, promis, oublié. Avant La Roche-Bernard, elle a quitté la route de Nantes pour descendre vers Le Guénic-sur-Vilaine et se rappelle soudain son engagement envers le caviste.
Elle éteint la radio. Elle aimait pourtant cette chanson. Il faudra qu’elle y pense pour la playlist de son mariage, début septembre, dans un peu plus de quatre mois.
Ne devrait-elle pas, à cette idée, tressaillir de joie ? Or, Louise s’en fiche un peu. Son mariage l’ennuie. Personne autour d’elle ne semble d’ailleurs vraiment s’en soucier. Là encore, une ombre passe : celle, pesante, de son père.
C’est lui qui a tout manigancé.
D’habitude, la route qui descend vers Le Guénic met Louise de bonne humeur, sans qu’elle comprenne pourquoi.
C’est un chemin en lacets, à peine carrossable, goudronné depuis peu, et qui serpente depuis le plateau jusqu’au fleuve parmi ajoncs, genêts, bruyère, chênes verts et fougères, le tout surplombé de pins maritimes.
Mais aujourd’hui, l’humeur de Louise est affectée par cette histoire de champagne. Ce que lui a dit le caviste. Les ardoises que son père semble laisser un peu partout. Grand train de vie, factures impayées et, de temps en temps, des coups de fil, messages, huissiers qui passent : « Vous remettrez ceci à votre père, on ne le fait pas pour le plaisir, vous savez, ça devient urgent. »
Au début, ces visites angoissent Louise. Elle en parle à sa mère, qui hausse les épaules :
– Il a toujours été comme ça, que veux-tu ? La folie des grandeurs. C’est de famille, son père était pareil. Il ne changera plus, maintenant. Ou alors, en pire. Et puis, ajoute-t-elle, je suis là. Il me reste encore un peu d’argent. En vingt-cinq ans de mariage, ton père m’a coûté cher, tu sais. Il m’a déjà fait les poches. J’ai dû apprendre à me défendre. J’ai appris. Ne t’inquiète pas.
Petit sourire de Louise.
– Je ne m’inquiète pas, murmure-t-elle.
Mais elle esquive la caresse de sa mère. Ces confidences la gênent et, comme les catastrophes annoncées n’arrivent pas, Louise finit par se dire que les affaires de son père ne sont pas les siennes. Sa mère n’est pas sans fortune. Son sang-froid achève de la tranquilliser et de lui rappeler la bonne vieille règle : parler d’argent, c’est plouc.
Plus Louise descend, plus la Vilaine semble lui souffler au visage une haleine fade de vase tiède et de sel. Le barrage d’Arzal n’y peut rien : quand la force des marées se ligue à une sécheresse qui fait baisser le niveau du fleuve, l’eau salée remonte jusqu’à La Roche-Bernard et arrose, rive droite, le petit port du Guénic dont les installations apparaissent, de virage en virage, dans un désordre devenu insupportable au père de Louise depuis qu’il a pris la présidence du yacht-club : stères de bois mal alignés, coques de voiliers retournées en attendant d’être réparées, tas de sable et de gravier, rouleaux de câbles et monceaux d’une ferraille mal identifiée mais dont on se dit que, peut-être, ça pourra servir. Moyennant quoi, l’herbe pousse, que les aiguilles de pin recouvrent peu à peu.
Plus elle approche du fleuve, plus l’humeur de Louise, malgré tout, se fait légère, et c’est presque en chantonnant qu’elle se gare près d’un hangar où s’activent quelques jeunes gars qu’elle connaît.
Pourtant, en descendant de voiture, Louise a comme un coup. « La barbe ! » Et de se demander ce qu’elle fiche là, devant l’enfilade des installations du club, le long du fleuve. Elle a rangé sa voiture près du garage à bateaux que prolongent, le long d’un quai de granit, un hangar de tôle, un atelier, une petite pelouse plantée de pommiers où l’on met à sécher les voiles qu’on vient de rincer et, au bout, à une bonne centaine de mètres, la villa où est installé le club-house.
Louise est en train de réaliser qu’elle devra porter jusque là-bas les deux cartons de champagne. Elle en a la force, ce n’est pas la question, mais elle n’en a pas l’envie.

2
Quelques minutes plus tard, Olivier Lemarié gare en klaxonnant, près de la voiture de sa fille, sa nouvelle Range Rover dont les deux derniers loyers ont été rejetés par la banque. Dans le coffre ouvert de Louise, il remarque deux cartons de champagne.
– Hé, toi !
– Monsieur ?
Olivier Lemarié tique. Il préfère qu’on l’appelle « Président », surtout aujourd’hui, mais il trouve élégant de se montrer accessible. La tête du jeune homme lui dit bien quelque chose : un de ces crève-la-faim traînant toujours au club, rêvant d’être en mer sans se donner les moyens d’un bateau – il les méprise un peu pour cela –, mais il est incapable de se rappeler son prénom.
– Prends ces bouteilles et porte-les avec les autres !
– Les autres ? Où ça ?
Le président Lemarié ne répond pas. « Quel con ! » se dit-il, et il se dirige vers le club-house. Il aurait pu prendre un carton, mais est-ce son travail ? Est-ce de son âge ? Peut-il prendre le risque de se salir, un jour comme aujourd’hui ?
Sur les cent mètres qui le conduisent au club-house, Olivier Lemarié croise quelques-uns des bénévoles du yacht-club du Guénic-sur-Vilaine, marins sans bateaux qui s’attardent sur les pontons devant les bateaux sans marins. Confondant les prénoms, il la joue à la camarade et se glorifie de se montrer si simple, si aimable et si drôle.
– Alors, les gars, dit-il au hasard, on embarque pour le Rhum, cette année ?
– Ah ça, Président, on aimerait bien. On a tout ce qu’il faut, dit l’un d’eux en montrant ses mains. Oui, on a tout ce qu’il faut. Il nous manque juste l’argent et le bateau.
– Bah ! ça se trouve, tout ça, ça se trouve. Faites comme moi, ha ! ha ! ha ! Épousez une femme riche !
Les gars prolongeraient bien la discussion, mais le Président a déjà filé, content de s’être montré si abordable, pense-t-il, « ils sont comme mes ouvriers, je les impressionne, sans doute, mais c’est la noble solitude de ma fonction. Il faudra que j’y pense pour mon livre ».
En fait, Olivier Lemarié est mal à son aise avec ces jeunes passionnés loqueteux, trop exaltés pour avoir déjà l’élégance qu’il veut donner à son club. Ainsi avait-il dû un jour remettre à sa place un matelot traînant en survêtement sur les pontons :
– Hé ! tu te crois où, toi ? Dans un gymnase ? Au bataillon de Joinville ? On ne fait pas son service militaire, ici. Va t’habiller correctement.
S’habiller correctement, au yacht-club du Guénic-sur-Vilaine c’est connaître, sans les avoir appris, les codes pour les dépasser, être usé mais pas trop, se sentir à l’aise avec des fautes de goût qu’on fait exprès, un négligé chic, bref : bien élevé depuis plusieurs générations.
Aussi le président Lemarié a-t-il pris l’habitude, lorsqu’il croise quelqu’un, de le toiser de haut en bas, puis de bas en haut, pour voir si sa dégaine le rend digne ou non de son club.
En attendant son mari, Suzanne Lemarié virevolte dans le club-house, mot bien pompeux pour cette vieille, petite, triste et solide bicoque de granit aux murs épais, aux ouvertures minuscules, que le président Lemarié a fait acheter par un consortium d’entreprises morbihannaises pour y installer ses assises.
Malgré l’importance de la cérémonie d’aujourd’hui, dont son mari parle depuis des semaines, Suzanne n’est pas allée chez le coiffeur, mais elle porte une robe neuve, assez évasée, resserrée à la taille et dans laquelle elle peut tournoyer plus encore. Jouant des hanches, elle ne s’en prive pas. Elle sent sur ses cuisses l’air frais et déjà léger de cette mi-avril, rit toute seule, ça la rend heureuse.
– Nous n’aurons jamais assez de champagne ! dit-elle soudain à Louise, qui hausse les épaules.
Elle a raconté à sa mère son entrevue avec le caviste.
Un instant, Suzanne se dit que, voici quelques années encore, elle aurait elle-même réglé l’ardoise (« Mon mari est tellement tête en l’air ! » aurait-elle gloussé) et pris autant de cartons que nécessaire, sinon qu’auraient dit les gens ?
Mais aujourd’hui, comme sa fille, elle aussi hausse les épaules :
– Qu’il assume ! murmure-t-elle en passant dans le bureau du Président, que ce dernier a fait aménager dans un style qu’il imagine être celui de la Nouvelle-Angleterre, tout laqué blanc, avec de profonds fauteuils de cuir vert et un bureau en acajou derrière lequel il a pris l’habitude de fumer en feuilletant des revues nautiques, seule activité marine qu’on lui connaisse, car le président du yacht-club du Guénic-sur-Vilaine ne met jamais les pieds sur un bateau.
Suzanne Lemarié ouvre le coffret à cigares, y prend la clé du cagibi où, pense-t-elle, se trouvent d’autres bouteilles. Elle en ressort bredouille et se cogne à son mari, qu’elle n’a pas le réflexe de complimenter – il en est un peu piqué – pour sa cravate :
– Nous n’aurons pas assez de champagne, Olivier.
– Louise est partie en chercher. Il arrive. Tout est prêt ? Eh bien, Louise, tu n’es pas encore habillée ? poursuit-il en se tournant vers sa fille. Est-ce une tenue pour recevoir un ministre ? Où est ton petit fiancé Armand-Pierre ? « Petit », façon de parler, hein ! Allons, dépêchez-vous. Dis-moi, Suzanne, a-t-on renouvelé les cigares ? Il en restait peu, la dernière fois, je me demande s’il n’y a pas
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- Ce que vous ne voulez pas nommer, Louise, je vais vous le dire, moi qui suis un lourdaud. Ce qui est en train de naître entre nous, ne riez pas, ne criez pas, c'est de l'amour. De l'amour, parfaitement. Je me demande d'ailleurs si cela n'est pas inapproprié, sexiste et tout le tintouin. L'amour n'est-il pas vu comme une agression, de nos jours ? Sous sa forme la plus visible - le désir - il l'est, en tout cas. N'en faisons pas toute une histoire. Mais sachons au moins que l'amour est une anomalie. Une maladie. Une fièvre. Débarrassons-nous-en, si vous voulez. Ensuite, vous serez tranquille. Comment se défait-on d'une fièvre ? En restant au lit. Alors, Louise, restez au lit avec moi, voulez-vous ?
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Louise est née d'une de ces familles où, depuis des générations, cette façon de voir est un credo. Qu'elle n'y soit pas heureuse est sans importance: le bonheur n’a jamais été prévu. Il est même mauvais genre. Là où vit Louise, il faut être élégant, prospère et puissant, mais il est superflu d’être heureux. On tient à distance l'amour, ses désordres comme ses éblouissements. On peut coucher à discrétion, on ne doit pas se laisser aller à aimer.
Voilà pourquoi Louise ne peut nommer ce qui lui fait, en cachette de tout le monde, rechercher la compagnie de Guillaume du Guénic.
Et pourquoi devrait-elle mettre des mots sur les sentiments légers, instables et puissants que provoque en elle la seule évocation de Guillaume? Elle soupçonne que, né de la présence du jeune homme, cet élan survivrait à un départ qu'elle s'est mise à redouter. p. 66-67
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Voici donc, dans la foule mouvante, deux êtres soudain frappés d’immobilité : d’abord, venu d’on ne sait où, un jeune homme qui fixe Louise de ses yeux brillants, et Louise, un peu gourde, incapable de bouger, de voir ou d’entendre le léger mouvement des invités qui vont et viennent autour d’elle et dont certains la saluent sans qu’elle songe même à leur répondre.
Enfin, le jeune homme s’avance à vive allure sans cesser de regarder Louise, de sourire et de s’incliner encore :
– Pardonnez-moi, lui dit-il enfin, vous êtes la seule personne que je connaisse ici, le seul visage familier, et je suis incapable de dire votre nom.
Ce que Louise trouve très lourd :
– Vous pourriez peut-être commencer par me dire le vôtre, répond-elle un peu précipitamment.
Il hausse les épaules et, d’un air amusé, lui tend le carton d’invitation de son père. À voir le nom calligraphié, elle se sent rougir.
Elle répond :
– Et alors ? Vous vous croyez donc tout permis. Si je vous connaissais, je le saurais, non ? Je connais votre nom, bien sûr. Mais c’est tout. Vous, je ne vous connais pas.
Parce qu’elle est troublée, Louise a parlé d’une manière brutale. Elle s’apprête à lui tourner le dos. Il la retient par le bras :
– La jeune fille à l’oiseau, murmure-t-il. Ça y est, j’ai trouvé. Vous êtes la jeune fille à l’oiseau.
Elle le regarde comme s’il était dingue. Il se rapproche, souriant toujours, puis devient grave et, lui prenant la main :
– Mais oui, souvenez-vous l’autre matin. Oh ! il y a des semaines de cela, c’était au début du printemps. Avec mon chien Ursule. Il a grandi, vous savez ! Heureusement, d’ailleurs.
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Lorsqu’elle voit son fiancé, qu’elle épousera le 2 septembre, Louise a l’impression, rassurante et un peu ennuyeuse, d’entendre sonner la cloche du pensionnat. Elle se rend à ses rendez-vous comme elle rentrait en classe, il n’y a pas si longtemps. Elle se tient droite, se contrôle. Son futur mari représente la norme à laquelle obéir pour ne pas faire honte à son entourage qui a confiance en elle. Interdiction de se relâcher. On laisse la passion aux comédiennes, rockeuses et autres gourgandines : ici, seuls comptent le mariage et la famille, personnifiés par Armand-Pierre Foucher. P67
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Vidéo de Stéphane Hoffmann
Stéphanie Janicot, Emilie Papatheodorou, Céline Laurens, Éric Garandeau, Clélia Renucci, Matthieu Falcone et Stephane Hoffmann vous racontent comment ils sont devenus écrivains, ce qu'ils ont ressenti lorsqu'ils on été publiés pour la première fois, ou encore leurs rituels d'écriture...
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