Mila, adolescente en vacances à Lampédusa.
Mila n'écoutait plus.
La présentation de l'île par Paola soufflait dans le brouhaha des touristes qui venaient de s'installer non loin.
Mila n'était pas encore très à l'aise avec Paola, jeune nièce d'une amie de sa Grand-mère qui vécut sur la Pointe aux Orangers. Elles ne se connaissaient pas.
Paola. Belle, insouciante, épanouie dans sa robe légère, elle faisait preuve d'une grande bienveillance désintéressée qui agissait comme un aimant et attisait aussi la prudence pour tous les petits chats échaudés, les adolescentes en mal, en perte de soi.
Quelque part...A mir, 15 ans et 2 mois. Érythrée
Les contrôles lors des promenades, les contrôles d'identité de la Giffa, les possibles rafles au profit d'enrôlement pour la patrie.
Mila, adolescente en vacances, sauvage et blessée.
L'île de Lampeduse, île italienne, au sud d'Agrigente, entre l'île de Malte et la Tunisie. Les parents avaient pris le taureau par les cornes et s'était décidé à revenir sur les lieux de l'enfance du père pour conjurer le sort de la tristesse qui remonte comme une marée. La famille devait continuer ensemble, sans lui. C'était possible.
Quelque part...Saafiya, 19ans. Érythrée
Les projets d'études, l'avenir des possibles, les changements de cap, la rage d'échapper à la Giffa, aux piétinements des rêves à coups de bottes et de brutalités, l'urgence de se sauver vers un ailleurs.
Quelque part...Amanuel, 18 ans. Érythrée
Vivre et laisser, partir, une promesse de profiter d'une vie, sa vie, avec comme seul bagage la peine de ceux qui sont restés au creux du ventre et au fond du coeur. Partir.
Mila, adolescente en vacances.
S'autoriser à être légère comme les poussières, à déguster, à savourer, à rire.
Quelque part...Meron, 14 ans et 7 mois, Pietros, 20 ans et 2 mois, Meloata, 16 ans et 5 mois, entre Érythrée, ciel et la terre.
Les jeunes années d'insouciance gâchées par des parents, peu préparés, qui se laissent piégés par des passeurs sans scrupules. Souffrir de l'entassement des camions, du sable, des mésaventures, une captivité qui dure. Toujours, en cavale, toujours.
Un refuge, un jour, par la force du courage.
Mila, adolescente en vacances.
Paola. de nouveaux amis, une famille ici et la-haut, dans le coeur.
Arrivée de sa Rome, capitale agitée, soucieuse de ce que les prochains jours pourrait générer chez sa pauvre mère, cette perte, Mila reprend goût à l'adolescence.
Ce juillet ne s'avérait pas être un douloureux temps du souvenir, sa mère était debout, cuisinant, plaisantant, profitant du calme de Lampédusa. L'île était un vrai refuge.
Mila souriait, respirait, renouait avec quelque chose contre toute attente, jugée depuis son arrivée sur son petit vélo jaune et sillonnant les contours de l'île. Paola racontait que ce lieu où elles se trouvaient précisément avait accueilli aussi nombre de réfugiés venant d'Érythrée..
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Annelise Heurtier revient avec un roman ado de nouveau fort, émouvant et à la réalité percutante.
Entre fiction et état de faits, l'auteure croise adroitement les histoires, dans le temps et l'espace, Lampédusa étant le point de croisement de l'abscisse et l'ordonnée de ces récits d'adolescents en quête d'avenir et d'encore un peu d'insouciance .
Les paroles de ces jeunes d'Erythrée, passionnées, exaspérées, impatientes, craintives aussi nous permettent de nous pencher sur le cas des réfugiés échappant à la répression, à la violence et échouant sur le lieu d'accueil de Lampédusa au terme d'un périple dans des conditions effroyables. L'actualité nous racontera la suite, les vraies réalités de ces flux migratoires, pour promettre, protéger parfois aussi les familles car il n'y a plus rien à perdre, tout à gagner ailleurs.
L'auteure décrit le poids de ces décisions de survie propre, les scènes racontées sont éprouvantes, à l'intérieur et à l'extérieur. Oui, l'émotion est grande.
En regard, le récit de Mila raconte une autre réalité, un quotidien plus ordinaire et pourtant il y a un combat intérieure qui se livre pour empêcher le naufrage de sa propre famille.
Le quotidien de Mila, jeune adolescente vivant à Rome, que l'on peut juger plus léger ne l'est pas tant que cela car sa famille se redresse d'un deuil familial et l'escapade à Lampédusa représente un moyen de rebondir pour leur propre survie aussi. Les descriptions de ses escapades, de ses moments de liberté, de calme, de plaisirs retrouvés sont des souffles d'air frais et l'on retrouve ce qu'une adolescence devrait être, sans obstacles dramatiques. C'est un romans ado sur la rédemption, le courage l'amitié, la famille, l'adolescence,la liberté, la vie. Cela se lit absolument bien car
Annelise Heurtier raconte si bien et arrive à prendre des sujets très lourds et les porter aux publics ados avec une distance qui permet aux lecteurs de s'y intéresser sans déplaisir. Encore une chouette lecture qui fera réfléchir.