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Critique de ODP31


ODP31
30 septembre 2023
Fenêtre sur cour à tous les étages.
Hitchcock peut ranger sa caméra. En 2049, terminées les cachotteries et les petites manies honteuses. Les familles vivront dans des vivariums exposés à l'oeil curieux des passants et des voisins chargés de s'assurer qu'aucune violence agite le cocon familial. Vivons heureux, vivons exposé ! c'est le paradis des voyeurs. Il ne restera plus que la voiture pour se curer le nez.
Plus la peine de se planquer derrière les rideaux ou de sortir les jumelles pour espionner en cachette les moeurs et les fréquentations du type louche d'en face ou les formes de la blonde du troisième.
Pavillons en verre sans aucun angle mort pour préserver un peu d'intimité. Juste quelques vitres fumées seront autorisées dans l'espace douche et pour les toilettes.
S'agissant du devoir conjugal hebdomadaire, pour éviter le lèche vitrine, un sarcophage romantique sera dédié à la discipline pour s'isoler avec bouton d'urgence relié au commissariat en cas de migraine soudaine, d'humeurs moins badines, si Monsieur a oublié d'enlever ses chaussettes ou si finalement il y a un match à la télé.
La transparence a remplacé la liberté dans la devise nationale pour garantir la sécurité de tous. Impossible de laisser tomber un emballage dans le mauvais bac sans risquer une dénonciation, impensable de punir la marmaille sans voir débarquer les services sociaux, inutile d'essayer de se gaver de mal bouffe en cachette sur son canapé ou d'allumer un cigare sans avoir un rappel à l'ordre du Ministère de la Santé. Qui a dit on dirait des vacances en Suisse ? Attention, on vous a à l'oeil. L'intimité est sacrifiée à la sécurité et une forte présomption de culpabilité pèse sur les derniers réfractaires au naturisme des moeurs.
Comme si cette vie de cobaye ne suffisait pas, la justice se rend à la majorité de clics sur les réseaux sociaux. Pour perpète, tapez 3. Pour la relaxe, tapez sur qui vous voulez. Tous les avis sont autorisés.
Ce modèle de société sous surveillance permanente résulte d'une révolution survenue en 2029 lors de la « Revenge Week », semaine du Talion durant laquelle toutes les victimes de crimes prescrits ou impunis s'étaient faits justice eux-mêmes.
Dans cette ère de la Transpa rance qui n'a fait que succéder à la religion du selfie, à la sacralisation du moi, à la dictature du paraître et à la petite musique solo du « on ne s'occupe pas assez de soi » alors que l'on ne fait plus que cela, la disparition inexplicable d'une famille dans un quartier ultra sécurisé va rappeler que derrière les apparences d'une société parfaite, bien peignée qui sait recevoir à défaut de savoir donner, la nature humaine porte toujours le gène de la violence, quelques atomes de fureurs et des cellules dormantes de pulsions invisibles. Un peu longue cette phrase, vous pouvez souffler.
Le roman de Lilia Hassaine avait donc tout pour me passionner mais je n'ai pas trouvé l'histoire à la hauteur du propos. Les quelques pages contextuelles qui décrivent le basculement de la société dans le règne de la transparence sont plus intéressantes que l'intrigue banale et bancale qui décore le récit pendant 200 pages. J'ai presque eu l'impression que le roman commençait à la fin de l'histoire, que je suivais une course après la ligne d'arrivée, quand les athlètes en sueur n'ont plus rien à donner à part leur odeur. le devenir de cette famille m'a autant passionné que la météo de la semaine dernière.
C'est vraiment dommage car le style épuré et froid comme le salon d'une maison témoin, parfait pour épater des convives lors d'un diner, mais débarrassé de toute forme de vie, colle très bien à la description d'une époque aseptisée.
Une approche plus américaine du récit, qui raconte plus qu'elle ne suggère, aurait à mon sens offert davantage de saveur à cette dystopie du lendemain qui déchante. Je le dis rarement et pas trop fort, mais je pense qu'il manque une bonne centaine de pages à ce roman pour répondre à l'ambition du propos. Les limites du pouvoir de suggestion.
« Panorama » propose un joli point de vue. Il lui manque juste la vision périphérique d'une Lionel Shriver ou d'une Emily St.John Mandel.
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