Holt, Colorado. Les turpitudes et l'agitation de la grande ville -Denver- semblent à des années-lumière de ce bled où tout le monde se connaît. Mais comme partout, il suffit de passer la porte de de ses foyers -fermes, masures ou coquets pavillons- pour être témoin des drames, des violences, des détresses qui empoisonnent le cours de certaines existences, mais aussi assister aux combats et aux résistances qu'ils suscitent.
Chez les Guthrie, Tom, enseignant, doit faire face à la dépression persistante de sa femme, qui la garde alitée et l'a transformée en être revêche et absent, puis provoque son départ. Elle le laisse ainsi seul avec leurs deux garçons Ike et Bobby, âgés de dix et neuf ans, qui affrontent cet incompréhensible "abandon" en renforçant les liens déjà puissants qui les unissent.
Victoria Roubideaux, lycéenne de dix-sept ans, est mise à la porte par sa mère lorsque cette dernière apprend qu'elle est enceinte. La jeune fille est prise en charge par Maggie Jones, collègue de Tom, et beau personnage de femme forte, dotée d'un humanisme rare mais aussi d'un solide sens de l'humour et de la répartie.
Cette jolie galerie de personnages est complétée par un autre duo de frères, ceux-là vieillissants, les McPheron, vieux garçons fermiers qui se soumettent avec leur aimable placidité à la routine d'un quotidien rythmé, depuis des années, par le travail de la ferme. L'installation de Victoria, que leur confie Maggie, à la ferme, vient rompre leur solitude taiseuse et monotone. Tous trois s'apprivoisent, les deux célibataires sont bougons mais sensibles, et révèlent sous leur maladresse -il faut dire que la cohabitation avec une jeune fille est une expérience inédite et déroutante !- une sincère délicatesse.
J'ai aimé les héros que
Kent Haruf met en scène, et sa capacité à mettre en évidence la grâce tapie sous leur apparente banalité en créant des interactions insolites (quelle belle idée que d'associer la jeune Victoria et ces deux rustres de McPheron !).
Mais (car, malheureusement il y a un "mais") je dois avouer qu'à peine le roman fini, il ne m'en est quasiment rien resté. D'ailleurs, au cours même de ma lecture (dont j'attendais peut-être trop ?), j'ai parfois dû me faire violence pour rester concentrée…
"
Le chant des plaines" se présente comme la chronique d'anonymes dont
Kent Haruf décrit, avec une grande sobriété, le quotidien, se focalisant en alternance sur les personnages précités. Et si la partie concernant Victoria et les McPheron m'a plu, j'ai trouvé l'ensemble un peu décousu et la structure de l'intrigue un peu grossière, comme si l'auteur s'était contenté d'en tracer les grandes lignes, sans affiner son schéma de départ. du coup j'ai eu l'impression que certains pans de son histoire étaient survolés, et que tous les personnages ne bénéficiaient pas du même traitement, ce qu'a accentué le fait que l'auteur s'attarde parfois sur des descriptions très factuelles du quotidien sans en choisir les moments significatifs, ce qui réduit la portée émotionnelle du récit (décrire le simple détail des gestes consistant à remplir un bol de céréales, par exemple, présente en soi peu d'intérêt…).
Aussi, malgré l'humour et la tendresse avec lesquels
Kent Haruf évoque ses sympathiques héros, il m'a manqué de la densité, de l'intensité, pour que je garde de cette lecture plus que le vague souvenir d'un moment agréable.
Lien :
https://bookin-ingannmic.blo..