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Citations sur Plus grands que le monde (46)

Pour dire ce que signifie être de nouveau ici, je suis obligée d’expliciter, au moins pour moi-même, d’où je reviens. Où suis-je allée ? Je n’ai pas encore de réponses. Toutes condamnent cette mère. J4ai perdu un enfant. Je connais son sang et sa chair déchirée. Et pourtant, je suis incapable de trouver une quelconque explication qui m’excuserait de ne pas être restée ici, mère de mes autres enfants. Epouse de mon mari. J’ai toujours cru que j’étais forte, endurante. Dans ce cas, comment ai-je permis cette absence ? Cette abdication ? Les mots évoquent le voyage – je suis partie, je me suis repliée en moi, j’ai disparu, j’étais perdue. Des mots aussi petits qu’insignifiants pour faire le récit de mon long voyage. Une mère n’explique pas en ces termes-là à ses enfants qu’elle les a abandonnés. Et s’il n’y avait jamais d’explication plus appropriée ?
Je veux écrire cette lettre à Beston, lui rendre compte. Je veux la lire à voix haute à Tup et à Dodie, je veux que tous m’entendent dire que jamais je n’aurais dû m’autoriser à partir comme je l’ai fait. Que j’en mesure maintenant le coût pour eux tous. Que j’ai honte. Mais il ne semble pas y avoir de mots. Abandonnée. J’ai été abandonnée. J’ai abandonné. J’espère parvenir à une meilleure compréhension. J’espère trouver le pardon.
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Autrefois, je croyais au bonheur. Je n’avais pas compris que nous ne parvenons jamais totalement jusqu’à cet univers-là. Nous le visitons lors de moments miraculeux, puis nous voyageons dans d’autres univers et, si nous avons un tant soit peu de sagesse, nous refusons l’amertume ou le regret quand le bonheur s’en va. Cette sagesse-là, j’ai mis du temps à l’acquérir. J’avais imaginé des vies de bonheur pour mes enfants, des vies dépourvues de toute appréhension de chagrin. Les leur avais-je promises ? J’espère que non. Petits, ils ont connu le bonheur, le vrai bonheur. La joie au quotidien. Ont-ils mal compris, pensant que cette joie les accompagnerait toute leur vie ? Voici ce que j’ai envie de dire à Dodie et à Beston : Je suis désolée si je vous ai fait croire à la pérennité de la grâce que nous avions créée ici pour vous. Elle ne dure pas.
Mais ce n’est pas vraiment ce que j’ai besoin de dire à mes enfants.
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Personne ne prétend que Daniel sert de remplaçant. Mais c’est un garçon gentil et affectueux, très intelligent, aux yeux gris, doux et attentifs. Il était l’ami de Sonny, et sur certains plans il lui ressemble. Les jours où il se joint à nous à table, Beston et moi sommes entraînés dans des conversations avec mon père. L’atmosphère se détend. Il nous aide, Beston et moi, à laver la vaisselle, et ces soirs-là, ma mère ne sort pas, elle reste assisse sur sa chaise, nous écoute parler, et mon père reste boire son café.
Daniel est un garçon très sérieux. Nous n’avons jamais reparlé une seule fois de ce jour-là. Mais il lui arrive parfois de prononcer le nom de Sonny, lorsqu’il évoque une histoire ou un souvenir. Au début, nous nous raidissions sous l’effet de … quoi ? La peur ? La honte ? D’un chagrin si vaste qu’aucun mot ne peut le circonscrire ? Mais Daniel avait persisté, factuel, et peu à peu, nous nous étions habitués à ce que notre fils, notre frère, vive de nouveau dans notre mémoire partagée.
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Je suis en colère. Je suis une jeune fille en colère, je le sais. En colère contre ma mère et mon père, et contre ce que mon père nomme Dieu. En colère contre moi-même. Surtout contre moi-même. Jamais de toute ma vie je n’ai voulu faire de mal. J’en suis sûre. Mon père dit que chaque minute de chaque jour, nous choisissons de faire le bien ou le mal. J’ignorais que je choisissais quelque chose dans la chaleur de cette pièce pleine de rires d’enfants un jour de grésil, alors que j’avais tout juste douze ans.
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Tup dit que je ne vas pas bien. Que je suis malade et qu’il faudrait que je voie un médecin à Portland. Je ne me sens pas malade. J’ai juste besoin de temps pour me retrouver. Tup dit que ce temps, je l’ai eu, et que j’ai besoin d’aide. Je suis sûre que personne d’autre que moi ne peut régler cela.
Si je me souviens ? Je flotte au milieu de nous. Nous sommes petits et éloignés, un tableau de famille que j’observe depuis le coin du plafond. Je nous aime et ne peux pas parler. Ramène-moi chez nous, ramène-moi chez nous.
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Maman continue de cuisiner et ne cesse de ranger les placards et les tiroirs. Elle est là quelque part, Doris Senter. Ma mère. Il m’est difficile maintenant de m’en souvenir. Parfois, je lui en veux terriblement, puis je comprends qu’elle doit éprouver une colère plus grande encore contre moi, qu’elle doit savoir ce qu’il s’est passé dans cette pièce. Je crois que c’est ce qui explique qu’elle reste si distante. J’aimerais poser la question à Papa, lui demander comment faire pour être pardonnée. J’ignore même si je pourrais l’être un jour.
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Maintenant, personne ne prend de photos. Si on en prenait, si on demandait à ma mère de poser devant un appareil dans son manteau, elle aurait l’air d’une femme abandonnée. Elle regarde vers l’intérieur. Elle ne peut pas me voir.
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Se levant du lit, elle a demandé en criant :
« Mon fils ! Où crois-tu qu’il soit ? »
La saisissant avec force par les bras, je l’ai attirée vers moi : « Et tu veux le rejoindre, c’est ça ? Qu’à cela ne tienne, tu n’as qu’à le faire, je m’en fiche. Fais-le. De toute façon, tu n’es qu’une morte-vivante dans cette maison. Tu veux aller rejoindre Sonny sur cette colline ? Eh bien, vas-y. Je m’en fiche. J’élèverai moi-même tes deux autres enfants. Ce sera toujours plus facile que ce qu’on vit tous en ce moment. »
Je me souviens de l’avoir dit. D’avoir dit cela à ma femme. Mes enfants l’ont entendu. Notre maison a tremblé dans le calme de la nuit d’été. Nos actes et nos paroles demeurent.
[…] Lentement, j’ai retrouvé mon calme, puis la peur et la honte sont arrivées. J’ignorais que j’étais capable de faire autant de mal.
[…] Doris m’attendait à la porte de la cuisine, sa chemise de nuit et ses pieds nus comme des rappels d’une autre vie. Elle m’a tendu les bras et nous nous sommes étreints dans la lumière fragile. Doris. Tup. Les mots que j’ai prononcés resteront pour toujours entre nous, je le sais. Nous nous aimons. Nous souffrons. Il n’y a qu’une seule et unique route, et nous ne faisons que l’entamer.
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Il n’y a pas d’échappatoire. Ce que nous faisons reste dans le monde. Alors nous espérons être pardonné. A qui demandé-je ce pardon ? Au fils que j’ai autorisé à jouer avec un vieux pistolet ? A Dieu ? A Doris ? A Dodie et à Beston ? Et quelle différence cela fait-il, maintenant, s’ils me pardonnent ? Nous vivons notre vie en espérant ne pas causer de mal, puis nous nous retrouvons à devoir faire face à nous-mêmes.
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Maman dit : « Dieu nous a abandonnés. » Abandonnés. Dieu nous a abandonnés. Mais je doute que Dieu sache quoi que ce soit sur un vieux pistolet détraqué avec lequel nous avons joué une centaine de fois, ou sur ce qui pourrait bien arriver ensuite.
Est-ce cela, être abandonnés ?
Je me souviens du tintement léger du grésil contre les grandes fenêtres. Maman avait allumé les lampes pour nous. La pièce chaude et lumineuse nous protégeait du froid et du mauvais temps. Nous étions heureux des enfants pris par leurs jeux. Nous n’avions pas besoin de croire que le mal ne pouvait pas nous atteindre. Nous n’avions pas compris qu’il était près de nous à chaque instant.
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