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EAN : 9782253027560
283 pages
Le Livre de Poche (10/07/1987)
3.72/5   9 notes
Résumé :
Quatrième de couverture - La soixantaine venue, les enfants dispersés, Fannie et Pierre se retirent dans leur province natale, entre Poitou et Charente. Ce livre débordant d’odeurs, de bruits et de mots familiers, c’est d’abord l’histoire de leur retour au village. Pour combler le vide béant de la « retraite » ils interrogent les photos sépias des albums de famille et greffent des rosiers : mais il n’est pas facile de retrouver ses traces dans un monde qui a plus ch... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je ne suis pas née à la campagne, je vis dans un autre siècle que celui de Marguerite Gurgand, mais le "décor" n'a pas d'importance en comparaison de ses réflexions, éternelles. Celles d'une femme née en 1919, dans une famille qui avait accédé à l'éducation, et qui, bien que profondément attachée à son coin de terre, était partie assez rapidement s'établir à la ville, laissant ses biens en métayage.
Le livre s'ouvre lorsque Marguerite Gurgand choisit de retourner dans la campagne de son enfance, pour y "finir ses jours". Rien de triste, ni même de mélancolique, ou si peu, dans les dernières pages. Elle choisit plutôt de rechercher dans sa mémoire les moments heureux, et de profiter des années qui lui restent.
Cela nous apporte de délicieuses descriptions d'un temps qui n'est plus, ni pour elle, ni, encore moins, pour nous. Et c'est un plaisir de découvrir comment se passaient les veillées, comment on faisait le pain, comment on faisait la lessive, comment les jeunes se courtisaient, d'abord de vive-voix, puis, plus tard, en s'envoyant des cartes postales, "pour bien montrer son degré de culture". Je vous en livre un petit extrait :
"On commençait à comprendre le besoin d'instruction. le garçon qui désirait fréquenter sérieusement une fille en vue de mariage devait lui en faire la demande écrite, pour bien marquer son degré de culture. L'intéressée répondait de même d'une belle écriture moulée et, si elle acceptait, le promis entreprenait dès le dimanche son "champ aux bergères", comme les aînés." (la jeune fille gardant le plus souvent les animaux au champ).
"Ma mère conserva longtemps dans un coffre à coiffes désaffecté une pile imposante de demandes pour le "champ aux bergère", en général écrites sur du papier dentelle à bouquets fleuris ou à colombes se becquetant - il y en avait de splendides."
Marguerite Gurgand était une femme intelligente et de caractère, qui, lorsqu'elle souhaitait quelque chose, tentait de l'obtenir, de différentes façons, suivant les cas. On retrouve très bien là les ruses féminines ! Elle fait revivre autour d'elle tout un groupe de voisins hauts en couleurs. Je les ai quittés ce soir, je rouvrirait certainement le livre de temps en temps afin de les retrouver. Ils semblent tout droit sortis de "contes drôlatiques".
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Les frères Ferron ! Non, on ne m'en avait pas parlé souvent, mais une fois avait suffi. Avec, autour d'eux, l'odeur forte de l'aventure, ils occupaient une place à part dans ma galerie des ancêtres (...)
Au printemps et à l'automne, ils engageaient quelques valets adroits à mener les bêtes et partaient pour l'Espagne avec un troupeau de bourailloux et de mulets, une horde infernale qui remplissait les chemins de tourbillons de poussière, de jurements et de braiements.
Pour le ravitaillement, ils se faisaient suivre d'une longue charrette bâchée. Les hommes dormaient au creux des fossés, roulés dans leur limousine, cette grande cape de laine naturelle filée et tissée à la maison, dont les fibres serrées ne laissaient pas passer ni la pluie ni le vent.
Une fois hors frontière, ils vendaient leur cheptel un bon prix et achetaient un lot de chevaux qu'ils ramenaient pour les grandes foires de la Saint-Jean et de la Saint-Michel. Ce retour, mes amis, quelle fête ! Aux environs de la date prévue, le village vivait une attente fiévreuse ; puis, un jour, quelques gamins partis en éclaireurs revenaient en courant :
"Les v'là, les v'là, l'arrivont ! Garez-vous, bounes gensses, l'arrivont !"
Le temps de se bousculer sur les seuils et déjà ils étaient là, claquements de fouets, hennissements de chevaux énervés, relents de sueur et de crottin, hue-dia-hue...
Les grands gars soignaient leur entrée. Montés sur leurs plus beaux chevaux, ils galopaient, voltaient, l'oeil à tout, noirs de crasse et de soleil, rieurs et beaux comme des démons. Sans descendre de selle, sans même s'arrêter, ils commençaient tout chaud l'achalandage :
"Eh ! Jeanty ! J'ai une pouliche pour toi, un vrai bijou... Je te la garde... Mathurin, l'as-tu vu mon bel étalon noir ? Il n'y a que chez toi, au pré de la rivière, que l'herbe sera assez fine pour un racé de même... Salut ma belle Mariette ! Demande à ton homme de t'offrir le bai arabe pour ton tilbury ... Seriez superbes toi et lui, feriez la paire, m'amie..."
Hue-aïe-Hue, ils étaient déjà loin traînant derrière eux des nuages de mouches et des rêves en essaim.
Le soir, tout le monde se retrouvait devant leur enclos de Beauchamp. On regardait les bêtes. Mine de rien, on calculait, on surveillait les autres, et bien souvent on s'offrait une folie. C'est qu'il n'aurait tout de même pas fallu que les plus beaux chevaux s'en aillent tous aux maquignons pour les messieurs de la ville. A chacun son honneur. Et puis, cré Dié, les Ferron étaient du pays, ils feraient bien un prix au pauv' monde...
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François, qui coltinait des caisses avec les fiers-à-bras, m'a souri en passant :
"ça doit être formidable, maman, de finir sa vie ici..."
Finir sa vie, mon coeur ? Mon Dieu que l'enfant que vous aimez peut vous faire mal. Finir sa vie ! Mais ne le savais-je pas ? C'était cela, mon désarroi, mon refus. La boucle est nouée. Déjà la dernière tranche du gâteau - mais ai-je jamais pris le temps d'en connaître le goût ? Ai-je jamais savouré ? Ma faim était telle !
Comment cela m'est-il arrivé ? Quand ?
(...)
Et là, sur la longue pierre lisse, dans l'odeur puissante des orties foulées, oubliant d'un coup mes révoltes et mes impatiences, l'envie m'est venue de savourer la fin de mon gâteau. Miette après miette - tout comptera désormais, et tout me sera compté. Alors, comme si j'avais franchi un cap, je me suis sentie "ben benaise", comme disent les gens d'ici. Ce "benaise", c'est un accord avec soi-même et les choses, un équilibre douillet, une quiétude, presque un bonheur. Peut-être était-ce après tout ce que j'avais désiré toute ma vie, comme un assoiffé l'eau fraîche ?
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Soudain, il m'est revenu que ce banc sur lequel j'étais assise avait été une pierre tombale, récupérée dans quelque haie. Du temps où les protestants étaient interdits de cimetière par les catholiques, on leur faisait place à l'ombre des maisons parpaillottes. Chacun gardait les siens. Au Sud du Poitou, on découvre ainsi parfois au bout d'un carré de choux un tumulus décoré de verroteries funéraires, ou encore, au milieu d'un clos fleuri ou trois cyprès veillant le cimetière familial. Aujourd'hui encore, certains maintiennent la tradition, et la coutume locale abolit les décrets qui ont cours ailleurs.

376 - [p. 9]
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J'aurais aimé être de la Religion pour dormir ainsi sous les grands tilleuls de l'allée, là où le vent, coupé par le haut mur, ne sait plus que caresser. Il y fait si bon, si calme. Je me suis prise à penser que mon banc avait abrité le sommeil d'un saint, un homme tranquille et sans doutes. Et là, sur la longue pierre lisse, dans l'odeur puissante des orties foulées, oubliant d'un coup mes révoltes et mes impatiences, l'envie m'est venue de savourer la fin de mon gâteau - Miette après miette - Tout comptera désormais et tout me sera compté.
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