Je ne suis pas née à la campagne, je vis dans un autre siècle que celui de
Marguerite Gurgand, mais le "décor" n'a pas d'importance en comparaison de ses réflexions, éternelles. Celles d'une femme née en 1919, dans une famille qui avait accédé à l'éducation, et qui, bien que profondément attachée à son coin de terre, était partie assez rapidement s'établir à la ville, laissant ses biens en métayage.
Le livre s'ouvre lorsque
Marguerite Gurgand choisit de retourner dans la campagne de son enfance, pour y "finir ses jours". Rien de triste, ni même de mélancolique, ou si peu, dans les dernières pages. Elle choisit plutôt de rechercher dans sa mémoire les moments heureux, et de profiter des années qui lui restent.
Cela nous apporte de délicieuses descriptions d'un temps qui n'est plus, ni pour elle, ni, encore moins, pour nous. Et c'est un plaisir de découvrir comment se passaient les veillées, comment on faisait le pain, comment on faisait la lessive, comment les jeunes se courtisaient, d'abord de vive-voix, puis, plus tard, en s'envoyant des cartes postales, "pour bien montrer son degré de culture". Je vous en livre un petit extrait :
"On commençait à comprendre le besoin d'instruction. le garçon qui désirait fréquenter sérieusement une fille en vue de mariage devait lui en faire la demande écrite, pour bien marquer son degré de culture. L'intéressée répondait de même d'une belle écriture moulée et, si elle acceptait, le promis entreprenait dès le dimanche son "champ aux bergères", comme les aînés." (la jeune fille gardant le plus souvent les animaux au champ).
"Ma mère conserva longtemps dans un coffre à coiffes désaffecté une pile imposante de demandes pour le "champ aux bergère", en général écrites sur du papier dentelle à bouquets fleuris ou à colombes se becquetant - il y en avait de splendides."
Marguerite Gurgand était une femme intelligente et de caractère, qui, lorsqu'elle souhaitait quelque chose, tentait de l'obtenir, de différentes façons, suivant les cas. On retrouve très bien là les ruses féminines ! Elle fait revivre autour d'elle tout un groupe de voisins hauts en couleurs. Je les ai quittés ce soir, je rouvrirait certainement le livre de temps en temps afin de les retrouver. Ils semblent tout droit sortis de "contes drôlatiques".