Les femmes font de grands efforts pour sortir des images d'elles-mêmes qu'on leur a imposées. Le problème est qu'il y a dans ces images suffisamment de vérité pour que les répudier entraîne aussi la répudiation d'une partie de ce qu'on est réellement.
Mamans : vous êtes censées ne pas ressentir ce que vous ressentez, afin de pouvoir être un perpétuel bandage pour quiconque.
Mais, en réalité, Norm n'était pas assez souvent avec Mira pour la protéger des hommes. Elle s'en chargeait elle-même, en s'enfermant à clé, en ne les regardant pas, en ne pensant pas à eux. Elle en était capable parce qu'elle était une femme mariée.
On demande à la femme de « suivre » son mari, peu importe les conditions dans lesquelles il choisit de vivre, comme si un homme pouvait à lui seul remplir une vie.
L'entreprise de charpenterie pour laquelle elle travaillait n'aimait pas avoir des femmes enceintes dans ses bureaux : la grossesse était quelque chose d'obscène et devait être dissimulée, comme une serviette hygiénique usagée.
Il y a des moyens bien plus faciles de détruire une femme. Inutile de la violer ou de la tuer : inutile même de la battre. Il suffit de l'épouser. Et même ça aussi, c'est inutile. Il suffit de la faire travailler dans un bureau pour trente-cinq dollars la semaine.
Elle vit clairement qu'elle avait le choix entre le sexe et l'indépendance, et cela la paralysa. À cause du risque constant de tomber enceinte, et donc de devenir dépendante, une femme qui avait des rapports sexuels avait en permanence l'épée de Damoclès au-dessus de la tête. Sexe voulait dire soumission à l'homme.
Si Mira voulait une vie indépendante, elle devait se soustraire à la sexualité. Cette situation était une terrible incarnation de ses fantasmes masochistes. Les femmes étaient bel et bien des victimes par nature.