A la suite de l'immense succès de la série Nicolas le Floc'h de
Jean-François Parrot, ont fleuri quantités de concurrents, du mauvais (Chevalier de Volnay, Commissaire aux morts étranges - O. Barbe-Cabuçon) au médiocre (Victor Dauterive, gendarme de la Révolution - J.-Ch. Portes - et Donatien
Lachance, détective de Napoléon -
L. Joffrin), qui ne peuvent rivaliser avec l'original !
Voici un nouveau candidat : Valentin Verne, policier sous la monarchie de Juillet. Évidemment, impossible d'échapper à la comparaison, et le couperet tombe inévitablement. Cependant, la lecture de ce premier tome des aventures de ce jeune inspecteur n'est pas sans intérêt, certaines qualités palliant des défauts inacceptables. Développons :
Les bons points.
L'auteur semble s'être documenté sérieusement pour décrire le Paris de la Restauration, installer son intrigue dans une société instable gouvernée par un régime balbutiant et controversé, et utiliser les avancées scientifiques de cette période. L'effort de recherche de mots, notamment argotiques, de l'époque est louable et participe à la richesse du vocabulaire de ce roman. Tout ceci permet une excellente reconstitution de la société de ce début dix-neuvième.
Le personnage principal, Valentin Verne, jeune homme solitaire, taciturne, cultivé, policier de génie, féru de sciences, notamment chimie et pharmacie, est plutôt bien appréhendé. Bonne idée également d'insérer dans le récit des personnages historiques réels à côté des protagonistes de fiction.
L'intrigue est assez originale et prenante, soutenue par un style simple, fluide, et agréable. le roman se lit facilement.
Les moins bons points.
De nombreux rebondissements viennent épicer l'intrigue, malheureusement la plupart sont de véritables tours de passe-passe et des pirouettes abracadabrantesques nouées de ficelles bien trop grossières (dommage). La série de morts occultes aboutit à une résolution policière légèrement tirée par les cheveux (les enquêtes de Nicolas le Floc'h ne sont pas non plus des parangons de polar, mais elles sont plutôt solides et surtout la truculence et la perfection du verbe de J.-F. Parrot, sa connaissance du siècle des Lumières, lissent cette légèreté de l'intrigue). Ici, la narration est émaillée de trop nombreux poncifs et de remplissages qui ne servent en rien le récit (à lire en diagonale) et nuisent gravement au rythme de l'histoire.
De plus, malgré la richesse de vocabulaire déjà soulignée, de nombreuses fautes* de Français (mésusages de mots, psittacismes du moment, approximations lexicales) perturbent la lecture.
Espérons que l'auteur biffera ces quelques défauts pour produire un deuxième tome plus rythmé, parfaitement écrit, et une intrigue plus solide, la traque du Vicaire promettant d'être intéressante !
* Quand on utilise à bon escient "étrécir" et "emplir" au lieu des erronés "rétrécir" et "remplir", pourquoi "retrouver", "rapprocher", "repousser", "rajouter" plutôt que les verbes sans "re", plus judicieux dans le contexte !?!
Quand on se lance dans une recherche de mots d'époque pourquoi utiliser les psittaciques "clôturer" pour clore, "échanger" pour discuter, et de trop nombreux "faire" pour dire !
Pourquoi "truster", mot Anglais, inusité en Français de l'époque, et non "accaparer, accumuler, monopoliser" ?
Et enfin quelques petites erreurs :
J'ai cru déceler quelques incongruités dans la reconstitution du Paris de l'époque (par ex., pourquoi passer par la rue Saint-Honoré pour rejoindre la rue de Rivoli et se rendre place de la Concorde quand on vient de la rive gauche et qu'on a longé le Louvre par les quais ?) ;
Une lettre fermée à la cire est forcément cachetée, même si le cachet ne porte pas d'empreinte de sceau ! ;
Un gentilhomme évoluant dans le grand monde ne devrait pas baiser la main d'une demoiselle !