[Ce roman a été réédité dans l'intégrale
La Loi du Désert paru aux éditions Critic dans une version revue et augmentée)
Comme nous l'avions déjà dit avec la critique du Chant Mortel du Soleil et, plus récemment, de
la Loi du Désert,
Franck Ferric compte parmi les auteurs d'imaginaires trop méconnus et pourtant insolemment talentueux.
En plus d'une réédition de
la Loi du Désert, les éditions Critic nous offrent également un autre roman de l'auteur français dans leur intégrale avec
Retour à Silence qui prend place dans le même univers post-apocalyptique mais qui explore cette fois une autre histoire, celle d'Alej, un pistolero en deuil.
« Que savent les jeunes du monde de leurs pères, sinon qu'ils le rejettent ? »
Dans la poussière…
Retour à Silence est bien différent de son illustre grand frère,
La Loi du Désert. Si les deux romans partagent le même univers désertique où l'humanité a fini par saccager le climat et la terre pour n'en laisser qu'un immense désert appelé le Reg, si la loi des bandes et des cités dites « républicaines » reste la norme et si les blafards, ces étranges créatures humanoïdes venues de sous la terre, continuent de terrifier les humains qui leur livrent une guerre implacable, c'est par un récit plus intimiste encore que
Franck Ferric choisit de nous emmener dans son univers impitoyable.
Alej est un porte-flingue d'une bande criminelle de la cité de Puerto Azul appelée « Les Raffineurs ». Ou du moins était.
Car aujourd'hui, Alej vit en reclus loin de ce qu'il reste du monde dans un endroit qu'il a lui-même choisi d'appeler Silence, lieu de repos éternel pour sa défunte amante, Ana. Un jour, sur le pas de sa porte se présente un autre porte-flingue venu pour sa tête et envoyé par le boss des Raffineurs, Delmar. Celui-ci n'a jamais avalé la fuite (et la perte) de sa fille dont Alej était tombé follement amoureux. Bien décidé à mettre un terme à ce contrat, Alej décide de partir régler ses comptes avec Delmar. Ce qu'il ne sait pas, c'est que d'autres pisteurs sont sur ses traces dont le vieux Loudon Trampero, ancien mentor et véritable serpent prêt à tout pour empocher la mise.
Avec ce second roman,
Franck Ferric accentue l'effet « western » de son univers en focalisant son histoire sur une traque entre des porte-flingues et autres pisteurs agrémentée de duels au soleil et autres courses-poursuites effrénées.
Retour à Silence sent la poudre et le soleil, et le français développe le côté pictural de son oeuvre avec des visions saisissantes comme celle de ce port déserté par la mer et où les bateaux rouillés servent de demeures aux pauvres et aux orphelins. L'univers développé par
Franck Ferric a une vraie personnalité, une vraie marque de fabrique, quelque part entre le pur western américain, le roman post-apocalyptique à la Mad Max et le zeste de bandits mexicains à qui on ne la fait pas.
« Les mauvais souvenirs, on les cadenasse dans une boîte et puis on les enterre pour ne plus avoir à les endurer. Mais les souvenirs qu'on enfouit, c'est la graine qui germe en cauchemars. Et un matin, ils frappent à la porte. »
Demi-sang pour une histoire d'amour
Comme toujours, l'auteur français ne peut se contenter d'un simple divertissement et il pousse son histoire de revanche au-delà de la simple pétarade dans le désert. Rares mais percutantes, les scènes d'actions laissent souvent la place à l'introspection des personnages et, notamment, d'Alej.
C'est aussi l'occasion pour
Franck Ferric se revenir sur cette étrange espèce que forment les « blafards », êtres énigmatiques et anciens aux moeurs incompréhensibles pour l'homme. Filant toujours la métaphore avec les peuples autochtones américains, le français imagine cette fois un héros bâtard, un sang-mêlé dont l'apparence hybride s'explique par des origines qu'il n'apprend que sur le tard.
La tolérance de la société est bien entendue mis à l'épreuve mais c'est surtout la quête intime d'Alej pour comprendre qui il est et d'où il vient qui sert de fil rouge à cette cavalcade dans le désert brûlant. Plein de regrets et de remords, Alej décide d'en finir avec cette vie qui lui a tout pris, s'interrogeant sur ses propres fautes et ses propres démons.
Là où le roman de
Franck Ferric se distingue, c'est encore une fois par sa plume élégante et poétique qui parvient à saisir de façon redoutable les sentiments ambivalents de son héros, la mélancolie du monde qui l'entoure et les minces lueurs d'espoirs qui s'y figent parfois.
Retour à Silence est donc autant une histoire de vengeance qu'une quête de repentance, parvenant finalement à la sinistre conclusion que la vengeance, souvent, ne mène à rien, que les monstres finissent toujours pathétiques et que les morts s'entassent dans le chemin de la justice comme de l'injustice.
« Tu parles comme un rêveur. Tu imagines que c'est la volonté des hommes qui fait bouger le monde. C'est vrai : je suis vieux et presque foutu. Mais le monde est encore plus vieux et foutu que moi. Rien n'y bouge jamais vraiment. Il y a ceux qui commandent, et ceux qui obéissent. Et lorsqu'on naît dans une certaine condition, on y crève. le mieux qu'on puisse faire, c'est son possible avec les cartes qu'on a. »
Plus intimiste et certainement plus direct dans son approche,
Retour à Silence dégaine la carte du western, revisite ses poncifs et sa violence pour mettre l'ensemble au service d'un personnage hanté par son passé et par ses origines.
Franck Ferric creuse le désert pour y trouver d'autres aventures de sang et de larmes desquelles on ressort ravi et étrangement mélancolique.
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