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Il y a quelques écrivains qui ne sont connus pratiquement que pour un seul livre. Soit qu'ils n'en aient écrit qu'un, soit qu'il s'agisse du seul trait de génie d'une carrière sans autre relief. Avec Falkner c'est un peu des deux : il n'a pas écrit beaucoup, et sur ses trois livres un seul fut promis à une grande renommée : ‘Moonfleet'. Il sera même adapté par Fritz Lang, même si l'histoire du film n'a qu'un lointain rapport avec le livre.

Première particularité, rare pour un livre de la fin du XIXème, il peut être lu aussi bien par les enfants que par les adultes. Car le héros est un enfant, mais il grandit en compagnie d'adultes. Quand l'histoire commence, John Tranchard est orphelin et a treize ou quatorze ans. Dans le petit village anglais où il vit, tout le monde ou presque tire sa subsistance de la contrebande. Depuis sont auberge à l'apparence innocente, l'homme qui l'a recueilli, Elzevir Block dirige le trafic. C'est un homme d'honneur, droit et juste.

Le problème c'est que dans le « presque », il y a la jeune fille que John aime, Grace, intelligente et douce. Son père, le magistrat local, est l'homme le plus haï du pays : il a juré de venir à bout des trafics. Au cours d'une rencontre, il a de sa propre main tué le fils adolescent d'Elzevir Block, qui depuis attend l'heure de sa vengeance… Qui finit par arriver un jour. Mais, alors que lui et John sont poursuivis et traqués dans tout le compté, un hasard les mets sur la piste d'un ancien trésor maudit, une perle de grande valeur volé au roi Charles Ier…

Le style, vif et cru, rend bien les pensées d'un adolescent éveillé et habitué à se débrouiller par lui-même. L'écriture de Falkner est belle, puissante et évocatrice. Certaines scènes sont véritablement magnifiques, notamment l'enterrement du père de Grace. L'homme avec lequel elle a toujours vécu, son unique famille, est mort. Seule devant l'église avec le cercueil, elle réalise que les villageois qui l'entourent ne sont pas venus pour l'accompagner à sa dernière demeure, mais pour se moquer de celui qu'ils haïssaient…

Les aventures de John et de son père adoptif sont prenantes et riches en rebondissements. Mais le ton est réaliste, et même les passages les plus durs sonnent vrais. Pendant des années ils devront errer, loin des rivages de la belle Angleterre…

Je regrette que Falkner n'ait pas écrit plus… Mais je n'ai jamais osé lire ses deux autres livres, de peur d'être déçu après ‘Moonfleet' !
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SI D'AVENTURE EN AVENTURE...

MOONFLEET !!!

Voilà bien un nom qui claque comme un drapeau hissé en plein vent, comme un cri de guerre ou encore comme une vergue qui claque tandis que les marins hissent la grand voile !

Mais, Moonfleet, c'est quoi, précisément ? Ou bien qui, peut-être ? Ou encore, où est-ce ? Car ce nom autour duquel se rattache tout un roman est, assurément, le principal personnage de ce beau, très beau roman d'aventure. Et pour autant, Moonfleet est bien un lieu, non un être humain -mais comme il est cependant vivant, ce lieu, et hypnotique, comme il se demeure aussi tel une ancre posé en pleine terre, vers où tout semble devoir se tendre, agir, vivre, naître ou renaître. Aimer...

Moonfleet est donc un simple village, un village en souffrance, même, meurtri par une malédiction vieille d'un siècle, son nom même étant irrémédiablement lié à la famille noble, ainsi que nous l'explique dès la première page le narrateur :

"Quand j'étais petit, je croyais qu'on appelait ce lieu Moonfleet parce que, au plus beau de l'été comme pendant les gelées d'hiver, lorsque la nuit était tranquille, la lagune étincelait au clair de lune ; mais je devais apprendre par la suite que ce nom était en réalité une abréviation de «Mohune-Fleet », du nom de Mohune, qui avaient été jadis seigneurs de toutes ces terres."

Et notre narrateur de poursuivre immédiatement, afin que l'essentiel des présentations soient faites :

" Je m'appelle John Trenchard, et j'avais quinze ans lorsque débuta cette histoire."

Rapide, efficace, sans littérature ni digression inutiles ! C'est ainsi que le jeune John Trenchard,- même si c'est au crépuscule de son existence qu'il couche les souvenirs que nous découvrons, émerveillés comme un gosse devant la devanture des Galeries Lafayette en pleines fêtes de Noël -, nous entraîne dans des aventures toutes plus énergiques, rocambolesques, incroyables, enivrantes (etc) les unes que les autres ! Car tout y est de ce qui se doit de composer un récit d'aventure, plus ou moins maritime puisque la majeure partie de l'ouvrage se déroule à terre, dans les environs proches de ce minuscule village, peu à peu en train de péricliter.

Jugez-en un peu : Des contrebandiers trafiquant essentiellement de l'alcool et du bon, un bourgeois, juge de paix impitoyable et intransigeant, nouvellement installé dans l'ancien manoir, aussi riche et avare qu'il est le diable en personne. Cet homme, semblable à un monstre sous couvert du droit, est cependant le père d'une jeune fille adorable, généreuse et douce -dont notre jeune héros ne manque évidemment pas d'être amoureux -. D'ailleurs, ce jeune homme est, comme il se doit, orphelin, pauvre et élevé par une tante acariâtre, cagote et sans la moindre douceur. On y croise un sacristain aussi débrouillard que délicieusement pêcheur (mais toujours du côté de la cause juste à défaut de celle de l'implacable Justice), un fier tavernier, taiseux mais brave et bon, venant de perdre son fils unique sous les balles du richard déjà décrit. Il ne manque évidemment une histoire de malédiction - celle pesant sur la famille Mohune, depuis que son dernier représentant a trahi tout sens de l'honneur en retournant sa veste à plusieurs reprises -. En sus de cette malédiction, il ne pouvait manquer la présence d'un fantôme - celui de cet homme, mort un siècle auparavant, le Colonel John Mohune, au terrible surnom de Barbe Noire ! -, même si l'on se demande parfois si ce fantôme ne sert pas invariablement les intérêts des contrebandiers...

... Sans oublier, bien sur, l'incroyable trésor ! Lui-même maudit, puisque viscéralement lié à l'histoire du fameux Colonel Mohune, il sera une sorte de fil rouge tout au long de cette aventureuse histoire. C'est pour lui que notre jeune intrépide bâtira l'essentiel de son existence, c'est à cause de lui qu'il se retrouvera à maintes reprises dans des postures allant du plus fâcheux au franchement dramatique, qu'il sera à deux doigts d'y laisser sa santé et qu'il y laissera même certaines des plus belles années de sa jeune existence...

Tout ces éléments, constitutifs d'un grand roman d'aventure et de quête, se trouvent dans ces quelques deux-cent soixante-dix pages. Trop, penserez-vous ? Non pas ! Car c'est bien là le génie de cet auteur méconnu chez nous, ce John Meade Falkner à qui la destinée ne permis pas d'écrire plus de trois romans, les deux précédents étant dans une veine plus fantastique, le quatrième qu'il était sur le point d'achever s'étant perdu dans un train... Oui, c'est son génie que d'avoir pu à se point faire siennes les théories romanesques du grand Robert-Louis Stevenson et de son Île au trésor, car bien loin de sembler redondant ou par trop attendu, les pages défilent au rythme des aventures, on vibre pour ce jeune homme qui, plus que d'être un insupportable garnement, semble le jouet d'un destin aussi contraire qu'injuste. Et il serait par ailleurs bien inopportun de songer que la leçon qui nous est donnée là est celle, factice, du droit et de l'ordre - après tout, on sent bien que l'auteur se place délibérément du côté des contrebandiers contre la loi d'airain de la Justice du Roi et de ses représentants, et même s'il fait payer très cher leur liberté presque anarchisante à ces hommes de rien et de beaucoup à la fois - mais, sans y inscrire une morale absolument chrétienne, la bonté, la générosité et l'amour y sont mis en exergue, de même qu'est régulièrement rappelé, en prenant pour source le Y du blason des infortunés et maudits Mohune, que le choix peut toujours se faire entre la voie courte, faible et facile de l'existence - mais que ce choix se paie toujours tôt ou tard au centuple - et la voie plus longue, plus aride, difficultueuse qui mène à la véritable estime de soi et, partant, à l'amour des autres.

Une belle, très belle leçon de vie, contée magistralement et, pour cette fois, pour un public jeune ou moins jeune, un fabuleux récit d'aventure dans lequel on se plonge comme dans une sorte de félicité enfantine retrouvée. Un peu comme s'il nous était donné de redécouvrir, avec ce regard de nos sept ou huit ans et pour la première fois, ces bons vieux films d'aventure et de chasse au trésor dont le cinéma américain des années 50 fut si prodigue, ou, pour les plus jeunes, de se souvenir de la première de "Pirates des Caraïbes"... Ces instants sont rares, gardons-les précautionneusement, ceux-là sont nos vrais trésors.
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John Trenchard un jeune orphelin de 15 ans vit dans le petit village de Moonfleet, dans le Dorset du 18ème siècle, en compagnie de sa tante sévère, peu encline à l'affection.

L'endroit est renommé pour les nombreux naufrages lors des fortes tempêtes qui ravagent la côté. le jeune garçon est fasciné par la légende de Barbe-Noire dont le vrai nom était Mohune, appartenant aux fondateurs de Moonfleet. le pirate y aurait caché un trésor que John aimerait retrouver…

Un vieux pêcheur ayant perdu son fils se prend d'affection pour le garçon et l'introduit dans la bande des contrebandiers du village. Trenchard et Elzevir Block deviennent une famille l'un pour l'autre et cette affection entraînera de terribles répercussions…

Bien que destiné à la jeunesse, ce roman, dans lequel flotte un parfum de mystère, n'est pas sans rappeler les éléments classiques du 19° siècle. Une époque où les écrivains accordaient un grande importance aux orphelins, ceux-ci semblant prédisposés à être des héros littéraires (Oliver Twist, David Copperfield, Jim Hawkins dans l'Ile au Trésor,… )

J.M. Falkner nous propose dans ce roman, à la fois de l'aventure, mais aussi des sentiments et exploits virils, tels que l'amitié, l'amour filial, l'honneur, le courage, le sens du sacrifice.
Un roman d'aventure à la fois entraînant, inquiétant et dépaysant.

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Ayant précédemment tiré une salve d'honneur pour l'île au trésor, je me devais de recharger mes canons pour saluer un autre monument de la littérature "pirate", injustement méconnu celui-ci. Moonfleet mérite en effet sa place au panthéon des livres d'Aventure. Là aussi, le personnage sur lequel est axé l'histoire, est un jeune garçon, vivant sur la côte sauvage du Dorset. Ici aussi, à l'instar de l'île au trésor, il est question d'une quête, celle du fabuleux diamant de Barbe-Noire (capitaine Teach), dont l'aura hante le cimetière de Moonfleet. Brume anglaise et flots déchaînés, contrebandiers, trahisons, galère et odeurs de poudre, John Meade Falkner nous offre un très beau roman d'aventure pirate, ce genre si propice à enflammer notre imagination, à nous replonger dans les éveils de notre prime jeunesse, une époque au cours de laquelle on aspire à "larguer les amarres". Il est à noter que ce livre inspira Fritz Lang, qui réalisa les Contrebandiers de Moonfleet (1955). J'achèverai cette courte apologie -non pas de la piraterie -mais de ceux qui ont su planter le drapeau pirate dans notre imaginaire collectif, par un joli mot d'esprit d'Emil Cioran (artiste,écrivain, philosophe):
"Les Anglais sont un peuple de pirates qui, après avoir pillé le monde, ont commencé à s'ennuyer."

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Ce roman d'aventures, s'inscrit dans la droite ligne des petits chefs d'oeuvre des récits de pirates. Mais à une exception près, c'est qu'il est teinté d'un gothique exacerbé, le faisant entrer dans le genre du romantisme noir.
Je m'explique, si l'intrigue demeure la plupart du temps dans le monde fermé des pirates et contrebandiers, nos redoutables amis "frères de la côte" n'agissent qu'à la nuit tombée ou quand la brume cache l'horizon dans des lieux lugubres à l'abri des regards indiscrets, évidence de mise lorsqu'on s'adonne à son sport favori : la contrebande. Ce livre s'adresse aussi bien aux enfants épris d'évasion et qui veulent s'identifier au jeune héros pris dans la tourmente, qu'aux adultes amoureux de mystère, d'ambiance étrange, cimetières macabres et de méchants à souhait.
Ce petit bijou, reste un must pour son côté baroque avec un mélange des genres extrêmement réussi et aussi pour avoir eu la chance d'être adapté avec brio au cinéma en 1955 sous le titre : les contrebandiers de Moonfleet, opus cinématographique restituant d'une façon magistrale l'impression gothique et noir du roman.
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Je pensais lire une histoire de pirates et finalement nous restons sur terre parmi les contrebandiers, mais je ne suis pas déçue pour autant. le récit offre de multiples aventures rocambolesques, des légendes et des sentiments divers. On ne s'ennuie pas une minute dans ce récit de soi (à la première personne) au style un peu suranné.
La seule déception vient d'un défaut d'édition (chez Libretto): il manque 30 pages du récit à partir de la page 225, remplacées par les pages d'un autre livre... c'est bien la première fois que cela m'arrive et j'avoue que c'est plutot agaçant de manquer ainsi tout un épisode dans la deuxième moitié du roman.
J'ai tout de meme apprécié le personnage principal John Trenchard et la plupart des villageois.
Une belle lecture mais elle sera difficile à conseiller à des collégiens je pense. le style en est trop littéraire.
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Dans la crique embrumée de Moonfleet, où sévissait quelques décennies auparavant le terrible Barbe-Noire (aussi curieux que cela puisse sembler : aucun rapport avec le célèbre pirate du même nom), contrebandiers et agents de la Couronne se tirent mutuellement la queue. Assis sur une tombe face à l'océan, le jeune John Trenchard rêve du jour où lui aussi pourra prendre la mer, découvrir de nouveaux horizons et déterrer de mystérieux trésors. Vient le jour où ses fantasmes se réalisent enfin, mais pas tout à fait sous la forme qu'il avait imaginée. Coups de feu dans la nuit, fuite sur des falaises vertigineuses, grottes perdues, diamants enfouis, tempêtes rugissantes… Voici le jeune garçon entraîné dans la plus trépidante, et accessoirement la plus périlleuse, des aventures qui entraînera John loin, très loin, de son cher Moonfleet et de la jolie Grace Maskew qu'il rêve d'épouser un jour.

Amateurs de romans d'aventures, bousculez-vous au portillon ! Il y a tout dans « Moonfleet » pour vous plaire : des contrebandiers, de la bagarre, des morts, du sang, des trésors, des naufrages, de l'amour… Mais de l'amitié surtout ! Celle, touchante et profonde, qui lie le narrateur et Elzevir Block, un vieux contrebandier aux épaules de taureau et au coeur trop tendre, qui prend sous son aile le jeune garçon et suera sang et eau pour le protéger des multiples dangers qui croiseront leur route. C'est dans l'histoire de leur amitié que le roman prend toute son ampleur et dépasse le simple récit d'aventures pour toucher et émouvoir.

En conclusion : une très agréable lecture que je recommande chaleureusement, surtout aux amateurs d'aventures maritimes.
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Moonfleet, parution en Angleterre en 1898
John Meade Falkner

Un auteur dont on a si peu parlé en France, allez savoir pourquoi ? Parce qu'il nous vient tout droit d'Angleterre, né dans l'époque victorienne.. en tout cas à mes yeux il vaut bien une messe.

Il est parfois des écrivains dont je vois plus le roman de leur vie que le roman de leur oeuvre, c'est le cas de John Meade Falkner, non pas que l'oeuvre ne m'ait pas emballé, c'est au contraire le cas et je le place dans mon panthéon littéraire, mais j'avoue que sa vie a vraiment un côté dépassement de soi de manière vertigineuse et fascinante. Vraiment cet auteur, de son état marchand de canons sur fond de guerre de 14 mérite mille fois une biographie. Je ne vais pas lancer un appel désespéré, je crains qu'il faille encore attendre que les valeurs médiocres se renversent pour laisser place à l'écume du temps qui passe. Pour l'heure c'est plutôt d'Angleterre que nous arrivent les biographies de grands auteurs étrangers dans notre parangon vertueux à la française.

Je ne dirai pas comme Michel le Bris, le stevensonnien qui vient de nous quitter et qui nous lègue comme directeur de collection chez Phébus la remontée de ce chef d'oeuvre Moonfleet, que son auteur était romancier à ses heures perdues, j'ai même le sentiment du contraire justement. Après ses affaires rondement florissantes quand il sillonnait l'Angleterre et au delà en train par exemple, joignant sans doute l'utile à l'agréable, l'homme ne songeait qu'à se plonger dans ses passions qui furent, outre sa dévotion, pour l'essentiel de sa vie la lecture et l'écriture, la poésie. C'est un babeliote dont le nom me reviendra qui disait que le voyage en train n'a pas son pareil comme facteur d'inspiration. Et bien Falkner n'a pas manqué cela, n'a pas raté la marche d'un train pour nous produire ce fabuleux Moonfleet.

Lisons plutôt à cet instant, avant de reprendre la route de l'homme, deux, trois extraits de sa prose d'une qualité de premier ordre et d'une exceptionnelle beauté :
"Elle (tante Jane) ne faisait jamais de longs discours quand elle était en colère, mais elle avait une manière de ne rien dire qui était bien pire encore"
"(..) La rue était silencieuse comme une tombe, mais je n'en restai pas moins dans l'ombre des maisons. J'ai remarqué que lorsque la lune brille, un grand silence s'abat toujours sur la nature, comme si celle-ci s'absorbait dans la contemplation de sa propre beauté .."
"(..) Je contournai les ifs. La tombe se détachait toute blanche sur le fond d'arbres, et au pied de la dalle le trou faisait comme un morceau de velours noir étalé sur le sol. En un éclair, je songeai que Barbe Noire était peut-être là, qui me guettait du fond du trou. Fallait-il continuer, revenir sur mes pas ? J'entendais l'eau frissonner sur la grève - ce n'était pas le bruit des vagues, car de la baie lisse comme un miroir ne parvenait qu'un clapotis sur les galets. Je cherchai une excuse pour retarder ma descente. Finalement, je convins avec moi-même que je compterais vingt fois le bruit de la mer et qu'à la vingtième fois je m'engouffrerais dans le trou .."

Notre ami Jean Meade Falkner avait de qui tenir à travers la lignée des grands auteurs victoriens si admirables, ses aînés que sont Eliot, Makepeace Thackeray et Trollope. C'est Thomas Hardy qui en dira le plus grand bien, cette approbation du grand romancie vaut un brevet littéraire. Son père était pasteur anglican dans le Wiltshire. Lui va suivre une ascension sociale phénoménale et damera le pion à ses aînés qui n'avaient pas réussi à un tel niveau. Après des études à Hertford Collège et à Oxford d'où il sort avec un diplôme d'historien, il est directeur dans la prestigieuse société d'armement Armstrong Whitworth. A la mort du boss, il en prend la direction .. Bibliophile distingué, il recevra des mains du pape une médaille d'or pour ses recherches à la bibliothèque du Vatican et sera fait en 1921 bibliothécaire honoraire du doyen et du chapitre de la cathédrale de Durham (proche de Newcastle). Par ailleurs il sera un grand collectionneur de missels et auteur de guides réputés sur différents comtés de l'Angleterre profonde. Sa femme, la fille cadette du général John Miller Adye, épousée en 1899, lui survivra huit ans.

Outre Thomas Hardy qui lui témoigna sa confiance en engageant avec lui une correspondance suivie, d'autres grands noms de la littérature le saluèrent en des termes fort élogieux, comme Walpone, Forster, Golding, Betjeman ..

Notons encore dans la vie foisonnante de Falkner qu'au tournant du siècle il travaillait à la rédaction d'un nouveau roman d'aventures : il en perd le manuscrit dans un train. Curieuse ironie du sort. Ah, là, là ! que ce doit être dur de vivre pareille chose, l'anxiété que cela provoque : comme une partie de soi-même qui s'en va, le dégoût absolu ! C'est là qu'on mesure le gouffre ou le décalage entre l'intérêt majeur de l'artiste pour une chose et le désintérêt placide du préposé ou du voyageur qui passe après pour la même chose ! Il cessa alors d'écrire, bouleversé par cette malchance. Puis le sort va encore s'acharner sur lui lorsqu'il perdra ses papiers et sa correspondance dans un incendie. Il consacrera les dernières années de sa vie à des travaux d'histoire et mourra à Durham en 1932 dans un quasi oubli.

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Comme le roman de cape et d'épée dont il est un cousin assez proche, le roman maritime (marins, pirates et naufrageurs) a ses lettres de noblesses : Depuis Walter Scottle pirate » – 1821) jusqu'à Rafael Sabatini (« Capitaine Blood » – 1922) c'est un siècle de courses en mer, de chasses au trésor, de « Jolly Roger » (le fameux drapeau des pirates), de jugements expéditifs, de romances dans les îles… Avec au passage quelques belles réussites : « L'Ile au trésor » de Robert-Louis Stevenson date de 1883, « Moonfleet » de John Meade Falkner date de 1898. Encore faudrait-il pour être complet citer les oeuvres de Joseph Conrad (la quasi-totalité de son oeuvre), de C.S. Forester (« Les aventures d'Horatio Hornblower »), de Patrick O'Brian (« Les aventures de Jack Aubrey ») et sans doute des dizaines d'autres, et non des moindres.
Si le nom de Moonfleet vous dit quelque chose, c'est sans doute à cause du film « Les contrebandiers de Moonfleet » que Fritz Lang tira en 1955 du roman de falkner : excellent film, avec un impressionnant Stewart Granger, mais qui ne retient du roman que l'atmosphère générale, « sa musique et ses clairs-obscurs » (Michel le Bris, dans sa préface au roman).
Car « Moonfleet », avant d'être un roman d'aventures à péripéties multiples, c'est d'abord une ambiance : nocturne, de préférence, éclairée par un falot, le long des landes surplombant la côte, avec en contrebas la mer mugissante et des navires ballotés par les vagues…
Nous sommes en 1757, à Moonfleet, sur la côte du Dorset (sud-ouest de l'Angleterre). le jeune John Trenchard, 15 ans, embarqué dans une sombre histoire de contrebande, va se trouver au coeur d'une chasse au trésor (et pas n'importe quel trésor, une perle du roi Charles 1er, tombée dans les mains de … Barbe-Noire). L'affaire se corse quand John tombe amoureux de Grâce la jolie fille du juge impitoyable qui a juré la perte des contrebandiers….
Tout ce que vous avez aimé dans « L'Ile au trésor », vous le retrouvez ici : des personnages patibulaires et inquiétants, des aventures en mer et aventures à terre, un jeune héros qui fait son initiation, un mentor à la fois sympathique et mystérieux, et surtout, nous l'avons dit, cette atmosphère magique et tragique dans laquelle baigne toute l'oeuvre, cette atmosphère qu'on retrouvera intacte dans les romans de Pierre Mac OrlanLes Clients du Bon Chien Jaune » - 1926, « L'Ancre de miséricorde » - 1941) ou dans ceux de Daphné du Maurier (« L'Auberge de la Jamaïque » - 1936)
« Moonfleet », comme « L'Ile au trésor », se lit d'une traite, l'auteur maintient un rythme soutenu, qui empêche le lecteur de lâcher le livre ni même de faire une pause. On s'identifie à John Trenchard comme à Jim Hawkins, on tremble avec lui, on rit avec lui, on aime avec lui, on apprend la vie avec lui…C'est sans doute le but ultime du romancier : non pas que le lecteur « lise » le roman, mais qu'il « entre dedans », un peu comme ces romans « dont vous êtes le héros ». Si l'on considère que son but est également de « dépayser », de surprendre, de fasciner, d'émerveiller, on peut, sans contestation aucune, affirmer qu'il a pleinement réussi.
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Moonfleet, c'est un village de pêcheurs et de contrebandiers où vit John, un adolescent préoccupé par le souvenir de Barbe Noire, un brigand du temps passé, dont les mauvaises actions hantent encore les esprits et peut-etre le village...
Quel beau roman d'aventures. J'ai été emportée, d'abord par la beauté du texte - car la traduction semble bien rendre compte de sa forme sobre, élégante et précise -, ensuite par le récit lui même. Son cadre est somptueusement planté, très romantique - la mort, le cimetière, les falaises, les landes désertes...-, les personnages profonds, droits, mais sujets aux erreurs donc très humains (Falkner raconte comment un homme et un jeune garçon s'élisent mutuellement comme père et fils), le point de vue moral fort mais pas manichéen... et les situations inattendues, très visuelles et surprenantes.
Mais ce texte est avant toutes choses un livre d'aventures puissant, car ses éléments s'imbriquent avec évidence: ce récit est un tout qui s'impose de lui-même.
J'ai toujours eu un faibles pour les histoires de marins, mais alors là, quel bouquin.
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