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3,3

sur 863 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
"Boussole" est un roman français publié par Actes Sud en 2015 et couronné du Prix Goncourt. Il a donc eu une large médiatisation, comme on le voit aux nombreuses critiques et citations sur Babelio.


Comme tel, ce bon livre présente quelques tares qui l'ont rendu acceptable au public contemporain : passages de poésie facile en phrases nominales, récit invariablement à la première personne subjective, plein de "ressentis", clichés décoloniaux bien-pensants (relevés et copiés sur ce site par des lecteurs au flair infaillible) avec les personnages mythologiques habituels : tirailleurs sénégalais, bons musulmans, méchants occidentaux colonialistes, islamistes dont les atrocités sont de notre faute, etc. Bruno Lafourcade appelle drôlement ces manies culturelles "l'altérophilie", ou amour de l'Autre au détriment de soi. Comment entrer autrement chez Actes Sud (éditeur qui a donné à la France une ministre de la culture corrompue mais de gauche) et plaire aux têtes conformistes du jury Goncourt ?


"Boussole", cependant, c'est un peu plus que cela. C'est la lecture de certaines chroniques assassines de Babelio qui m'a mis sur la voie. On reproche à Mathias Enard son "étalage prétentieux de culture", et même tel-le qui n'a jamais ouvert de thèse de sa vie, l'accuse d'en avoir écrit une, et non un roman. Ce qui déplaît tant ici ne peut pas manquer d'intérêt.


En gros, ce roman raconte la nuit d'insomnie d'un orientaliste, Franz Ritter ("chevalier" en allemand) qui craint pour sa santé et ressasse son amour malheureux pour une autre orientaliste, Sarah. Il revit pendant cette longue mille deuxième nuit ses rencontres et cet amour malheureux à travers le souvenir des multiples voyages, rencontres, colloques, lectures, stages et études, qui rythment la vie d'un grand chercheur universitaire, pour qui la culture n'est pas un objet d'étalage, mais la vie même. Comme Sarah (qui est bien plus engagée dans les sottises décoloniales que lui), il vit avec les auteurs et les musiciens, avec Goethe, Hafez, Beethoven, Omar Khayyam, Pessoa et tant d'autres. Il ne les "connaît" pas, ils forment la trame même de sa vie. Ce genre de personnage (et de personne) ne s'irrite pas de ses ignorances (comme sur Babelio), mais s'en réjouit : une ignorance est l'occasion d'une nouvelle découverte (et un motif de gratitude envers celui qui a ouvert cette nouvelle porte). Les malentendus de lecture que j'ai constatés s'enracinent dans la relation au savoir des lecteurs : pour les uns, ignorer est une humiliation, la perspective d'un pénible effort de prise de connaissance, et on a de la rancune envers le "prétentieux" qui en est cause ; pour les autres, ignorer est la promesse de nouveaux horizons, peut-être exaltants, une raison d'espérer.


Justement, comme le métier des personnages consiste à penser, chercher, découvrir, apprendre, bref à sortir de soi, le roman qui les décrit en action nous invite à la même démarche. "Boussole" n'est pas fait pour ceux qui n'attendent de la lecture que la confirmation de leurs idées reçues et la reconnaissance de leurs clichés (même si, par ailleurs, on en trouve à foison), pas plus que Sarah ou même Franz Ritter ne s'en contentent. Finalement, c'est un bon roman sur l'orientalisme, dans lequel personnages et lecteurs sont appelés à se dépasser et, même, qui sait, à se poser des questions sur leur repentance hypocrite. Franz Ritter (qui fait penser au chevalier de Dürer en compagnie de la Mort et du Diable) et Sarah ne sont orientalistes que pour cela : leur Orient est la chance de sortir de soi sans se haïr et d'aller au-devant de l'autre sans en faire un ange, en évitant ces pièges contemporains.
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Passées les injonctions médiatiques des prix et de la rentrée littéraire, et après avoir lu le très beau "Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants", j'ai voulu découvrir un peu plus de l'écriture de Mathias Enard. Je me décidais pour "Boussole ".

Franz Ritter vit à Vienne, il est musicologue et passionné par l'Orient musical. Une nuit dans sa chambre, se sachant atteint d'une maladie grave et en proie à l'angoisse, il va passer une nuit d'insomnie. Les heures passant, son esprit va se délester de souvenirs épars, réminiscences de lectures, de voyages, de destins de femmes et d'hommes partis à la découverte de l'Orient et au travers de celui-ci, d'une grande part d'eux-mêmes.
Et puis, il y a la belle Sarah, éprise elle aussi d'Orient, compagne érudite de ses voyages, de ses rêves...

Difficile de rendre tout à fait compte de ce livre de Mathias Enard.
"Boussole" est un roman dense, plein d'une érudition remarquable, imprégné de l'orientalisme, ce courant littéraire et artistique né en occident à la fin du XIXème siècle.
De là, les lieux aussi réels qu'imaginés : Istanbul, Damas, Téhéran, Palmyre, Alep,... Les très nombreux personnages, fictifs et réels, attirés, avec des fortunes diverses, par cet ailleurs, par cet orient idéalisé, empli de promesses et plus tard de désillusions : le diplomate autrichien Joseph von Hammer-Purgstall, Franz Liszt, Eugène Fromentin, Margar d'Andurain, Anne-Marie Schwarzenbach,...
Si la lecture de "Boussole" est par moments quelque peu ardue (les arguments suppléent parfois le rythme et l'intrigue souvent se perd dans le propos), elle n'en demeure pas moins foisonnante, vraiment passionnante.
Cette lecture agit comme un opium doux, des saveurs et un climat dans lequel l'esprit aime se retrouver.
"Boussole" est un roman ambitieux, un roman d'amour, humaniste, qui réaffirme, dans notre époque heurtée où les civilisations d'Orient et d'Occident sont tentées par le repli identitaire et religieux, que l'altérité, est le plus sûr chemin vers soi-même.
Une belle lecture .
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Ecrire un livre sur l'Orientalisme, au moment où le Proche Orient sombre dans la barbarie et où notre vision de ces pays proches géographiquement mais éloignés culturellement est distordue par l'avalanche d'horreurs balancées par les médias, est un acte de résistance éminemment salutaire. Au cours d'une insomnie, le narrateur, universitaire, spécialiste en musicologie, évoque son histoire d'amour avec Sarah, brillante orientaliste, qui ne cesse de lui échapper. de Vienne à Téhéran, en passant par Istanbul et Damas, celui-ci n'aura de cesse de rejoindre son aimée dans sa quête d'absolu.
Cette histoire d'amour aux multiples facettes, ponctuée de savantes digressions, est prétexte à nous rappeler que l'Occident a toujours été fasciné par l'Orient, son exotisme et son mysticisme. Enfermé dans un rationalisme déshumanisant, l'Occident a cherché dans ces pays lointains un supplément d'âme, projetant parfois sur l'Orient ses propres fantasmes. Certains y ont trouvé la lumière de l'âme, d'autres la folie ou un impossible amour. Tout l'art du 19ème siècle porte les traces de cette fascination qui tend à l'Orient une image parfois déformée de sa grandeur. Avec une immense érudition, qui parfois réduit les personnages à des archétypes, Mathias Enard nous rappelle que l'Orient est une source de richesse culturelle et que face à la violence, la recherche de la beauté en l'Autre, celui qui nous est étranger, est source de dialogue fécond.
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Au cours d'une nuit d'insomnie, un musicologue (spécialiste des musiques orientales) érudit soliloque en se remémorant son amour lointain pour la flamboyante Sarah, l'orientaliste.
Ils sont tous deux au mitant de leur vie, si la maladie ne s'en mêle pas.
J'ai surtout admiré la grande culture de l'auteur et apprécié de lire ce roman avant de m'endormir...d'un sommeil de plomb.
J'ai été vite agacée par Sarah et par l'amour que son collègue lui voue.
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Boussole est un très bel hymne à l'orient : l'Iran, l'Irak et la Syrie. Il est un roman unique et différent, plein d'essais historiques, musicales, religieux, géopolitiques — tous entouré par une histoire d'amour. Parfois, la lecture était difficile, voire pénible : un tas de noms et détails sur l'autre. Au fait, j'ai pensé à abandonner le livre et l'oublier plusieurs fois. Mais la plume d'Énard m'a empêchée de la laisser. Au fil de la lecture, on trouve des phrases émouvantes et magnifiques. L'histoire principale est tellement belle et touchante, même si (ou, peut-être, puisque) les événements de l'histoire eux-mêmes sont banals et familiers mais sont écrits et décrits dans une manière exceptionnelle, qu'on ne peut pas se laisser passer à côté.

N'attendez pas une lecture facile et fluide, n'attendez pas du suspense ou des surprises dramatiques. Pourtant, attendez une lecture lente, minutieuse et enrichissante.
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Il y a déjà un nombre important de billet pour ce roman de Mathias Enard, le second que je lis de cet auteur. Il se dégage de ce roman de nombreuses références à la musique classique (Liszt, Wagner entre autre), à la littérature européenne surtout française, allemande et autrichienne. Des noms de théoricien, chercheurs, d'intellectuels émaillent l'ensemble du roman. Toutes ces figures illustres, certains malheureux nous font découvrir un Orient souvent déformé par les représentations des occidentaux autocentrés.
La durée de temps du roman est une nuit dans la vie de Franz Ritter, musicologue vivant à Vienne - la porte de l'Orient - après avoir séjourné en Turquie, en Syrie, en Iran. C'est une nuit d'insomnies où les souvenirs et les rêves se mêlent. On y découvre les liens culturels entre l'Orient et l'occident.
Le titre "Boussole", je le pensais lier à un navire, une caravelle ou autre transport maritime. A un moment dans le roman, Mathias Enard discourt sur la boussole de Beethoven ; il évoque le passé et le présent de l'Orient à travers le regard d'européens souvent conquérants, méprisants et pour certains opiomanes. Mathias Enard, aime l'Orient, sa sensualité, sa violence, son exotisme, sa culture, son histoire. C'est sa boussole. Un Orient entre réel et mysticisme. Son érudition en témoigne.
En filigrane, l'auteur raconte une histoire d'amour impossible entre Franz et Sarah. Ils se rencontrent lors d'un colloque sur l'orientalisme. Sarah, une belle femme attachée aux femmes exploratrices, aux poètes persans, passionnée de monstruosités et de crimes.
Pendant sa nuit d'insomnie où la maladie lui confisque le sommeil, il lit les lettres, messages échangés.
C'est un roman dense, savant, un peu long. Mais je m'y suis instruite.
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Prix Goncourt 2015, ce long roman risque de déstabiliser ceux qui ne lisent qu'un livre par an. Si ce n'est pas votre cas, cela reste un livre déroutant, qui s'apparente un peu à un hymne à l'Orient et à l'orientalisme du XIXè siècle. L'histoire est un prétexte à une rêverie, des souvenirs et des références qui parfois m'ont totalement dépassées. Je reste mi-figue mi-raisin par rapport à ce livre, dont les intentions me plaisent (il est dédié aux Syriens), mais dont l'érudition me laisse à quai.
L'écriture de Mathias Enard est sublime.
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S'engager dans la lecture de « Boussole » c'est accepter de s'immerger dans la nuit d'un musicologue qui sait qu'il est très malade et que sa vie arrive à son terme. C'est aussi — et surtout — s'immerger dans cet Orient mythique qui fait tant rêver les Occidentaux depuis le XIXe siècle, Orient auquel s'attachent toutes les exaspérations sensitives, toutes les langueurs, tous les érotismes et tous les vertiges poétiques. Les plus grands noms de l'orientalisme émaillent ce livre et il faut, sous peine de n'en tirer qu'un bien faible profit intellectuel, il faut aller chercher les musiques, les tableaux, les poèmes, les récits de voyages qui se sont nourris des merveilles de l'Orient.

Lire ce roman qui n'en est pas un vraiment, c'est plutôt accompagner la dérive des sensations, des souvenirs, des chagrins et des troubles d'un musicologue qui a vécu en Iran, en Syrie, au Liban, dans son coeur et dans sa chair, qui y a trouvé l'amour fou pour Sarah et les inoubliables paysages du désert. Tout est référence, tout est culture, histoires, Histoire. Franz Ritter s'éteint et avec lui, une certaine idée de l'Orient car, en contrepoint, surgissent les horribles images de DAESH.

On peut s'agacer de la luxuriance intellectuelle de ce livre qui par moments prend des allures de thèse, sans apporter les éléments narratifs propres au roman, mais surtout on peut s'y enfouir comme dans une mine de minuscules et foisonnantes notations qui se répondent et nous livrent, un peu, de la magie de ces régions devenues vraisemblablement inaccessibles pour plusieurs générations.

La langue de Mathias Enard est certes savante, travaillée, ciselée autant qu'une miniature persane mais il suffit de se laisser doucement porter par les mots et les images pour en jouir avec douceur. Quitte à se lancer ensuite dans quelques recherches pour en apprécier le fond autant que la forme.

Une lecture dense (il faut des heures et des heures pour lire un tel livre!) et exigeante mais dont on est grandement récompensé.


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Autant le dire tout de suite, Mathias Enard nous livre avec Boussole un monstre de littérature et de lecture. A la fois expérience de lecture car c'est un véritable défi que de comprendre le style d'Enard, de saisir ses références, de ne pas se perdre dans ses digressions, de ne pas se laisser impressionner par un livre qui nous dépasse ; et expérience de littérature car énormément de questions sont soulevées, la matière romanesque amène un réflexion constante extrêmement poussée.

Mais ce qui frappe dès les premières pages, c'est le style déroutant, magnifique, dense et très poétique. La puissance évocatrice d'Enard est impressionnante : il peut parler du désir sur une ou deux lignes mais parvient quand même à rendre la toute puissance aux mots. Sa narration est constamment enveloppée d'un mysticisme et d'un romantisme. C'est un chef-d'oeuvre stylistique. D'autant plus que cela part d'une véritable ambition littéraire : raconter la nuit d'un homme, seul dans sa chambre, souffrant, de manière introspective. Voyager de souvenir en digression, de l'Occident à l'Orient. C'est une écriture spontanée mais extrêmement travaillée ; et ce qui prodigieux c'est que ce n'est pas le narrateur-personnage principal qui prend toute la scène romanesque, ce sont les personnages issus de ses digressions qui sont projetés en premier plan. La prose d'Enard est multiple et invoque en même temps l'unicité. de part les nombreux genres textuels qu'elle utilise (poème, extrait de texte scientifique, image…), cette structure narrative semble manquer de cohérence. Elle est en réalité une structure tissée au millimètre. Boussole n'est pas une structure en deux dimensions, ni même en trois ; les différents fils narratifs forment une toile d'araignée qui se soulève, se met en mouvement, puis se repose quelque instant, en attendant la prochaine impulsion. le narrateur essaie à la fois de cerner Sarah et sa narration. Mais les deux lui échappent. Quand il a l'impression de mettre la main sur Sarah, elle disparaît en une pirouette, l'obligeant à passer à une autre réminiscence, un autre lieu.

C'est également un roman de l'altérité : à travers Sarah il cherche sa propre destinée, sa réussite. Lorsqu'il fume de l'opium, c'est dans l'unique but d'observer ses propres changements, de se considérer comme « l'Autre ». La société également est « autre ». Enard construit son image actuelle par résonnance face au passé : en invoquant Goethe, Schubert et autres, il crée des parallèles avec le quotidien. C'est une construction d'une image fictive en utilisant la conscience collective, car ce sont tous des « bases » de l'inconscient. Même chose pour l'Orient qui est doublé : Enard nous donne l'image de l'Orient lui-même, que le narrateur fréquente et décrit. Mais aussi l'image d'un Orient représenté, à travers les discours de différents protagonistes. Par exemple lorsque Sarah observe les orientalistes à Damas.

Quand on se retrouve face à la prose d'Enard, c'est comme face au bon vin. On ne peut dire qu'une chose. « C'en est ».
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Foisonnant ? C'est peu dire. Jusqu'à l'étourdissement, non par asphyxie mais par ivresse. L'auteur le sait qui désamorce la critique à venir en laissant Sarah reprocher au narrateur : « Franz, tu me soûles. Mon Dieu ce que tu peux être bavard ! » le cas d'Enard avec ce millefeuille de savoirs, de connaissances, de détails, d'intuitions, de rappels, de découvertes, parfois on ne sait plus où on en est au juste mais qui s'en plaindrait lorsqu'il s'agit de raconter des histoires. Erudit ? Référencé ? Touffu ? Documenté ? Pour le moins.
Ce n'est pas un soliloque dans la mesure où il s'adresse en permanence à l'absente, son élue, à qui la mystique associée aux voyages permet de dominer ses excès de bile noire, une certaine Sarah, spécialiste, elle, de la mystérieuse attraction que le grand Est a exercé sur nombre d'écrivains, de peintres et de savants. Mais, qu'il s'agisse de l'Orient comme de l'Occident, les deux pôles entre lesquels tout oscille, les villes sont souvent les personnages principaux. manière pour l'auteur de rappeler en permanence ce que chacun doit à l'autre .
Ce qui confère à son roman une indéniable dimension politique.
Ca se passe en une nuit d'insomnie dans un appartement viennois d'un fondu d'Orient, qui écoute et écrit sur ce qu'il vient d'écouter entre deux pipes d'opium. A défaut de dormir, il se laisse envahir par ses rêves éveillés, et la reconstruction de ses souvenirs, il se raconte les histoires de sa vie, revisite ses lieux, refait son chemin de Damas, Istanbul, Alep, Palmyre, Téhéran....que du beau, un sacré livre!!
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