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Citations sur Tu montreras ma tête au peuple (31)

Cinq charrettes les attendaient devant la Conciergerie. [...]
Dans la rue Saint-Honoré, à hauteur des Tuileries tous entonnèrent La Marseillaise. Vingt voix fortes qui, à l'unisson, couvrirent le bruit de la foule. Ces hommes qui allaient vers leur mort en chantant la gloire de la Patrie intimaient le respect à ceux qui se trouvèrent sur leur chemin ce jour-là.
Quand ils arrivèrent au pied de l'échafaud, sur cette place dont le nom change au gré des régimes politiques [...] il était onze heures du matin. Le brouillard voilait le soleil ; il pleuvait. Jamais l'hymne composé par Rouget de Lisle n'avait résonné avec auteur de ferveur.
C'est Sillery qui, le premier, arriva sur la plate-forme. Le député de la Somme, doyen des condamnés, salua la foule, à droite, à gauche, tel l'artiste qui s'apprête à quitter la scène de sa vie.
Fauchet, Carre, Lesterpt-Beauvais, Duperret furent les suivants. Le sang giclait, débordait du panier, des caillots se formaient ; l'échafaudage s'imprégnait de la couleur écarlate, de telle sorte qu'il fallut, après que la lame du bourreau se fut abattue sur la nuque de Lacaze, le nettoyer à grand renfort de seaux d'eau.
Le chœur diminuait à mesure que le sacrifice continuait. Boileau, Antiboul, Gardien, Lasource, Brissot, Lehardy, Duprat furent sacrifiés.
Ducos était assis à côté de Fonfrède. Quand ce fut à son tour, il embrassa son ami une dernière fois : 'Mon frère, c'est moi qui t'ai conduit à la mort !" lui dit-il. Et ce frère d'alliance, qui bientôt le rejoindrait dans l'autre monde, tentait de le consoler : "Au moins, nous mourons ensemble !".
Le chant funèbre perdait son intensité, pas sa vigueur. Ils n'étaient plus que six - Gensonné, Mainvielle, Fonfrède, Duchastel, Vergniaud et Vigée. Et les six usaient leurs dernières forces dans les paroles de La Marseillaise, paroles somptueuses desquelles ils puisaient l'énergie d'aller mourir. Gensonné, au moment de monter sur l'échafaud, me chercha du regard. Il ne trouva que mes yeux rougis de larmes.
Bientôt, il n'en resta plus que deux. On a souvent affirmé que Vergniaud eut l'honneur de passer sur la planche en dernier. [...] Et pourtant, ce jour-là, c'est avec Vigée, et non Vergniaud que le sacrifice allait s'achever. Il fut le vingtième à passer sur la planche. Il chantait encore sur la bascule. "Contre nous de la tyrannie, l'étendard sanglant est levé !" Le couteau tomba ; le silence aussi.
[...] C'était le 31 octobre 1793, dixième jour du deuxième mois de l'an II de la République. Il était onze heures et demie. En un demi-tour de cadran, la Révolution avait achevé de dévorer ses propres enfants.
[...] Dix fois j'ai porté les yeux sur l'échafaudage de la guillotine, cent fois j'ai entendu le fracas de la lame libérée par le bourreau, mille fois j'ai humé l'odeur du sang fraîchement versé. Mais jamais plus, Monsieur, jamais plus je n'ai vu des hommes braver la mort avec autant de courage.
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Et s'il fallait recommencer l'exercice pour la mort de celui qui fut incontestablement le plus grand esprit français du siècle dernier - inutile de prononcer son nom, vous savez de qui je parle, c'est le plus grand esprit français du siècle dernier ! - alors, d'emblée, un mot s'impose : Élégance.
Car l'élégance, justement, se passe de mots ; un geste suffit.

[...] Lagrange ne s'y trompa guère, qui plus tard dit à Delambre :
"Il ne leur a fallu qu'un moment pour faire tomber cette tête. Cent années, peut-être, ne suffiront pas pour en reproduire une semblable."

[...] Car depuis qu'on lui avait ôté sa liberté, le plus grand esprit français du siècle dernier passait son temps à lire, et semblait résigné à continuer ainsi jusqu'à ce qu'on lui ôtât enfin la vie.
À l'abbaye de Port-Royal, transformée en maison d'arrêt pendant la Révolution, il lisait. Dans l'hôtel des Fermes, reconverti en prison à l'usage des fermiers généraux, il lisait. Quand on vint le chercher à la Conciergerie, un quinquet fuligineux éclairait à peine la cellule assombrie, et le plus grand esprit français du siècle dernier, tapi dans la pénombre, lisait.
Alors, que croyez-vous qu'il fit sur la sinistre charrette ? Le plus souvent, les condamnés criaient, pleuraient, priaient, haranguaient le peuple ou le maudissaient. Le plus grand esprit français du siècle dernier ? Il lisait.

Étrangement, on ne lui avait pas lié les mains. Ultime faveur concédée par le bourreau ? Peut-être Sanson, fût-ce par respect, pitié ou admiration, s'était-il accommodé d'une entorse au règlement pour permettre à son hôte le plus prestigieux de terminer sa lecture. Il était donc écrit que le plus grand esprit français du siècle dernier, dont la vie avait été entièrement vouée au culte de l'esprit, devait poursuivre sa quête de savoir jusqu'au dernier soupir, jusqu'à l'ultime répit.
Devant l'échafaud, le plus grand esprit français du siècle dernier continua de lire jusqu'à ce que son nom fût appelé. Alors il sortit de sa poche un signet, le plaça à la page où il avait arrêté sa lecture et, sans prononcer une seule parole, posa sa tête sur le billot.

Voilà, Monsieur, comment on meurt avec élégance.
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La justice révolutionnaire était révolutionnaire avant d'être justice. Les audiences étaient de simples formalités, l'accusateur public redoutait que le glaive de la loi ne rouille entre ses mains, les avocats, quand il y en avait, se gardaient de prendre la défense de leurs clients, de peur qu'on ne leur reprochât un manque de zèle républicain, et les jurés eux-mêmes n'étaient là que pour la forme, terrifiés, s'ils faisaient preuve d'indulgence, de comparaître à leur tour sur le banc des accusés. Il n'y avait ni appel en cassation ni recours en grâce, il n'y avait que la guillotine et la terreur. La guillotine qui chaque jour coupait plus de têtes, la terreur qui frappait au hasard.
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Citoyen, écrivis-je, avoir des opinions différentes de ceux qui gouvernent est peut-être un malheur; les publier est peut-être une imprudence: mais pourquoi serait-ce une folie absolue de ne pas ressembler tout à fait à tout le monde?
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Tu verras, Henri-Clément, il n'y a que deux choses qui font tourner le monde : le travail et l'amour. Le travail parce qu'il nous permet de vivre, l'amour parce qu'il nous donne une raison de vivre.
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Appelez-moi fou, mais le peuple ne veut ni la liberté ni la République. Il veut du pain. Ce n'est pas la lecture du Contrat social ou de L'Esprit des lois qui l'a fait prendre les armes et la Bastille, abolir les privilèges, décapiter le roi. Ce sont les borborygmes du ventre vide, les lèvres sèches qui, la nuit, mastiquent une nourriture n'existant qu'en rêve, le tintement de la fourchette sur l'assiette à peine commencée et déjà terminée. Vient un jour où le vieux paysan, lampant bruyamment chaque cuillerée de sa soupe brûlante, où la mère, les yeux écarquillés sur la faim de ses enfants, où les fils, qui vont faucher à jeun les blés que la taille, la gabelle et le dîme leur prendront, s'unissent pour crier ensemble leur misère. Alors plus rien ne peut leur résister. C'est ainsi, Monsieur, que naissent les révolutions.
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C'est à tort et à travers que le terme est employé aujourd'hui : un écrivaillon se pique de littérature, il fait quelques vers ou monte une piece, obtient un petit succès, et bientôt on accole à son nom les cinq lettres g-é-n-i-e, brevet si facilement accordé que le mot tout entier s'en trouve déprécié.
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L'Histoire, balbutie, tâtonne et parfois, c'est la légende qui finit par l'emporter. Elle se nourrit de ses lacunes et c'est très bien comme ça.
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"Comme il tentait de dégrafer les jarretières de sa culotte, un homme l'y aida, et Robespierre, comme si la Révolution se finissait avec lui, le remercia comme en remerciait sous l'Ancien Régime : " Monsieur, je vous remercie ", dit-il. Il n'y avait plus ni tutoiement ni citoyen.
Puis il endura son supplice comme Jésus couronné d'épines, sans qu'un Simon de Cyrène vint l'aider à porter sa croix, sous les railleries d'une foule qu'on n'avait jamais vue si nombreuse, une foule fiévreuse qui regardait les charrettes cahoter, écoutait le grincement des roues sur les pavés, applaudissait à tout rompre. Devant la maison Duplay, où Robespierre, avait passé les dernières années de sa vie, le convoi fut arrêté. Un enfant de dix ans, peut-être douze, trempa un balai dans un seau rempli de sang de bœuf et aspergea la porte du logis. Et Robespierre, déjà pâle, devint blême, ferma les yeux et baissa la tête, pour dérober à la foule des larmes qu'il essayait de contenir." [page 185]
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"Elle [Charlotte Corday] regardait les gens aux fenêtre. Peut-être aperçut-elle, à l'une d'entre elles, Danton, Robespierre et Desmoulins, sans savoir que c'était eux. Je les vis, moi, observer la marche funèbre. L'Incorruptible paraissait agité, il parlait sans cesse, enlevait ses lunettes, les remettait, remuait nerveusement. Mais les deux autres, fascinés, ne l'écoutaient pas." [page 71]
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