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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Si plus jeune, j'ai pu dévorer les livres évoquant la Seconde Guerre mondiale, actuellement, ce n'est plus un sujet qui me passionne. Mais la sobriété de la couverture, qui arrive à faire simple mais glaçant à la fois, et le résumé m'ont donné envie de laisser une chance à ce polar mêlant fiction et réalité, qui nous plonge en plein coeur du système nazi.

Un système tentaculaire qui, comme nous le rappelle fort bien l'auteur, arrive à s'insérer dans toutes les sphères de la vie qu'elle soit publique, privée ou professionnelle. Tout est fait pour embrigader les jeunes dès leur plus tendre enfance et effrayer les adultes afin de les conditionner à obéir sans se rebeller, sous peine de condamner leurs proches à un triste sort suivant la règle du Sippenhaft. Un moyen simple et efficace de s'assurer de la docilité du plus grand nombre !

Au fil des pages, on (re)découvre les différents organes répressifs du Reich dans ce Berlin dominé par une idéologie qui écrase tout sur son passage, les Juifs bien sûr, mais aussi les homosexuels, les déficients mentaux, les personnes handicapées... L'auteur ne nous apprend rien de nouveau, mais il nous permet de réaliser de l'intérieur la machine à broyer que fut le nazisme, et le climat de terreur avec lequel les Allemands ont dû composer. Cela ne veut pas dire que certains ne partageaient pas l'idéologie de leur leader, prêts à dénoncer voisins, famille et amis par conviction et non par peur, mais on comprend comment la politique d'Hitler a réussi à museler tout sentiment de révolte chez beaucoup. Mais pas chez tout le monde heureusement !

Nous suivons ainsi Gerhard Lenz, commissaire à la KriPo à Berlin, qui ne partage nullement les idées de son employeur. Il faut dire qu'épris d'une Juive, il ne peut qu'être terrifié par le terrible danger que le nazisme fait porter sur celle-ci, mais également sur leur enfant à naître. Il va donc tout faire pour les protéger, quitte à risquer sa carrière, sa vie et celle de sa mère chez qui il cache Flora, puis leur bébé. En parallèle d'une vie personnelle compliquée, Gerhard va devoir résoudre le meurtre d'un psychiatre membre du NSDAP, tout en devant faire face à la pression de ses supérieurs et la suspicion d'un collègue rêvant de destituer de son trône ce commissaire décoré.

Dans cette enquête, Gerhard sera secondé par un jeune formaté par les jeunesses hitlériennes, mais que l'on sent différent des autres membres de la KripPo. Bien plus humain que ces derniers, il sera, comme son collègue et les lecteurs, révolté par les terribles et ignobles réalités mises à jour par leur enquête. La relation entre les deux m'a beaucoup plu, notre commissaire essayant subtilement de détourner son collègue du système pour l'en affranchir, en veillant néanmoins à ne jamais franchir la ligne rouge. du moins, pas avant d'être certain de pouvoir le faire… Cette relation de mentor/élève apporte une certaine tension, car dans cette Allemagne en proie au pire, on ne sait jamais vraiment d'où peut venir le coup fatal.

L'enquête sur la mort du psychiatre est intéressante en soi, chaque pièce se mettant petit à petit en place jusqu'à une fin que j'avais anticipée, mais qui devrait surprendre un certain nombre de lecteurs. Mais l'intérêt du roman réside, du moins pour moi, ailleurs. Il y a bien sûr la manière dont l'enquête permet de mettre à jour toute l'horreur du nazisme avec ses programmes de meurtres à grande échelle, et son cynisme allant jusqu'à faire payer la famille des victimes le coût des exécutions. Mais j'ai surtout apprécié que Régis Descott nous propose le portrait de personnes, dont notre commissaire et son frère, qui vont réussir à dépasser le stade primaire de la peur pour se rebeller et lutter, à leur niveau et avec leurs moyens, contre un système totalitaire et meurtrier.

J'ai regretté que les deux frères ne travaillent pas main dans la main, chacun gardant ses secrets, mais j'ai aimé que l'auteur nous fasse ressentir la force des initiatives individuelles et des actes de résistance civile, deux choses qu'il arrive finement à décortiquer. Devant la tension croissante et cette impression d'étau qui se ressert de toutes parts, j'ai souvent tremblé pour nos personnages, ayant parfois envie qu'ils prennent moins de risques pour rester en sécurité, mais j'ai également compris qu'à un certain stade, ne pas agir revenait à consentir. Or consentir, Gherard en est incapable, comme il est de plus en plus incapable de jouer la farce du policier décoré et fidèle à Hitler… le personnage n'est pas parfait, mais on ne peut que louer son courage et la manière dont il va en venir, comme son frère, à refuser les compromissions.

En plus d'une enquête qui nous conduit au coeur des horreurs commises par les médecins nazis, et de personnages construits avec soin, j'ai apprécié le côté très immersif du récit, Régis Descott jouant la carte du réalisme et de l'authenticité. Ainsi, plus on avance dans la lecture, plus on a l'impression de connaître personnellement le visage de ce Berlin, redessiné d'abord par les nazis, puis par les Alliés et leurs bombardements qui rythment la vie des Berlinois. Ce souci d'authenticité historique se retrouve dans le choix des personnages : les protagonistes que l'on suit sont inventés, les autres personnages ont réellement existé. J'ai ainsi retrouvé des personnes que je connaissais pour leurs innommables méfaits, mais j'ai également découvert d'autres figures historiques, comme cette femme qui n'a pas hésité à dénoncer et piéger des personnes de sa communauté. Certes, pour protéger ses parents, mais cela n'en laisse pas moins ses actes impardonnables…

Ce mélange fiction/ réalité donne une tout autre envergure à une histoire que j'ai dévorée de la première à la dernière ligne. D'ailleurs, malgré les événements évoqués, le roman ne sombre pas dans la noirceur et reste très accessible, l'auteur arrivant à utiliser un vocabulaire précis afin de nous immerger complètement dans le contexte historique et sociétal, tout en faisant preuve d'une certaine agilité dans son phrasé. Il en résulte un roman très facile et rapide à lire.

En conclusion, Topographie de la terreur plaira autant aux personnes appréciant les récits se déroulant durant la Seconde Guerre mondiale qu'aux personnes recherchant une enquête rondement menée dans un contexte historique particulier, qui ajoute une tension certaine à une enquête qui n'en manque déjà pas. Entre peur constante, lâcheté collective et courage individuel, un polar qui évoque le pire sans jamais tomber dans le pathos, grâce à une plume authentique qui joue sur la peur tout en éveillant en chacun l'envie de se révolter. Un rappel brutal à une réalité pas si lointaine en même temps qu'un récit évoquant la capacité de chacun à résister…
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Allemagne, 1943, Gherard Lenz est commissaire à la Kripo. Un psychiatre est victime d'un crime particulièrement morbide et sanglant, il est alors en charge de l'enquête. En parallèle, Flora, une jeune juive dont il est amoureux, lui donne un enfant. Il tente alors de sauver la mère de son enfant en la cachant chez sa mère. Alors qu'il enquête sur le meurtre, il découvre l'ampleur de la tuerie de masse opérée par les docteurs allemands. Cette enquête va se révéler plus périlleuse qu'il ne le croit et il devra tout faire pour protéger sa famille.
J'étais vraiment curieuse de découvrir cette histoire et je trouve qu'elle offre un point de vue original sur les nazis.
En effet, bien que Gherard soit commissaire de la Kripo et qu'il ait fait les jeunesses hitlériennes, il n'est pas d'accord sur les agissements des nazis. Il est horrifié par les euthanasies, le sort que l'on destiné à tous ceux que le régime réprouve. Il fait ce qu'il peut pour sauver les juifs qu'il croise.
Nous découvrons avec lui les horreurs des agissements des médecins. J'ai été horrifiée !
Le style est un peu froid mais reste immersif.
C'est une histoire qui est très documentée, il évoque également le destin terrible des enfants d'un parent juif et un parent allemand.
Je n'ai pas accroché à la personnalité un peu trop désinvolte de Flora, ni trop froide de Gherard mais j'avais quand même envie de savoir l'issue de cette histoire incroyable.
C'est un livre que je recommande.
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Topographie de la terreur est le premier roman de Régis Descott que je découvre. le titre m'a interpelée et le thème m'a plue, je me suis donc lancée sans grande hésitation.

Ce roman se déroule en 1943, à Berlin. La répression du régime nazi est à son apogée. Dans ce contexte, le commissaire Lenz doit enquêter sur une série de meurtres qui l'amène à découvrir l'étendue du programme d'euthanasie du régime. Sa position est vite mise en péril par sa vie privée avec le retour de Flora, son amante, une jeune femme juive, enceinte de lui, qu'il tente par tous les moyens de sauver des griffes du régime.

Topographie de la terreur porte bien son nom. Il emporte le lecteur dans les arcanes du pouvoir, dans les dédales de l'administration, il nous fait entrer dans les lieux de pouvoir, dans les lieux où sont exécutées les décisions. Nous cheminons aux côtés de Gerhard au milieu de cet univers, et comme lui, nous reconstituons le puzzle. le commissaire reconstitue peu à peu, patiemment le fil de mille et une tragédies, prend conscience progressivement du monstre tentaculaire qui s'étend, car le régime nazi est bien un monstre tentaculaire, qui cache sa barbarie derrière des faux semblants et des euphémismes. Face à l'horreur, Gerhard s'indigne, et, incrédule, essaie de lutter à sa façon. Mensonge par omission, sous-entendu, ironie, il use des maigres ressources à sa disposition pour changer les choses, à sa mesure, et ainsi, il essaye de sauver sa part d'humanité.

Ce roman nous parle en effet d'humanité. Il nous parle de justice, de la justice du coeur, de ce qui est bien. Gerhard est celui qui ne peut se résoudre à suivre les ordres, qui est horrifié du tour que prend la situation. Il est lucide sur ce qui se passe, et ce qu'il met au jour se charge de lui retirer ses dernières illusions. Dans son combat, seul contre tous, il a des alliés, des alliés inespérés, parfois improbables, surprenants. Chacun, à son, échelle, se démène, tentant de sauver sa vie et de faire le bien. Son frère, à sa manière, l'aide. Ce qui est tragique dans leur relation, c'est qu'ils ne réalisent, chacun, qui était pleinement l'autre, que lorsqu'ils se sont perdus, un peu comme si la suspicion amenait à être prudent, à masquer ses traces au maximum pour éviter des aveux compromettants en cas d'arrestation. Cela isole les dissidents mais témoigne aussi du courage et de la force des individualités.

Cet ensemble crée une atmosphère poisseuse et pesante. L'auteur parvient parfaitement à faire sentir l'oppression, la peur constante qui étreint les personnages, ce sentiment diffus d'être surveillé, de ne pas être pleinement libre. Gerhard, en tant que commissaire doit jongler entre l'apparence allégeance au régime qu'il est de bon ton d'adopter et sa conscience, son frère journaliste doit taire ce qu'il pense et ce qu'il ressent pour garder sa place. Leurs convictions se retrouvent dans des petits actes de bravoures, de petites transgressions qui apaisent le coeur et permettent de se regarder en face. Il en est de même pour certains personnages féminins : nombreux sont ceux qui jouent un double jeu dans ce roman, ce qui pimente le récit.

L'auteur a ciselé ses personnages et a réussi à montrer les turpitudes humaines autant que les rébellions grandioses. Nous trouvons ici des collaborateurs acharnés, des zélés détestables mais aussi des résistants de l'ombre, courageux, puissants dans leur refus de céder à la peur et dans leur soif de vivre. Nous trouvons aussi les désespérés – sauvés in extremis – ou contraints au pire, comme ces malheureux juifs arrêtés, torturés, qui sont devenus espions pour démasquer les Juifs clandestins, espérant monnayer ainsi la vie sauve à leur propre famille. Ce sont des choix glaçants : quand l'impensable devient réel, quand la limite de l'impardonnable est franchie pour essayer de se sauver. Cela confère au livre une véritable matière humaine, sans sombrer dans le misérabilisme ou dans des exagérations manichéennes. Cela rend aussi le roman saisissant et captivant car nous avons envie de découvrir comment les personnages évolueront, nous avons envie de découvrir leurs secrets.

Le rythme du récit est singulier. Il est à la fois lent lorsque le commissaire se débat dans les dédales de l'administration et qu'il avance à pas feutré, et rapide lorsque l'étau se resserre autour de lui, à mesure qu'il touche à la vérité. le lecteur est emporté dans une course folle, il s'attache à Gerhard, à Arnim, à Flora. Il déplore les imprudences, il croise les doigts, espérant un salut… L'alliance d'éléments historiques et d'éléments romancés contribue grandement à cette tension qui s'installe chez le lecteur. le récit est ancré dans l'histoire. Il y a sans doute eu des Gerhard, des Arnim, des Flora… autant d'êtres qui ont souffert, aimé, lutté, essayé, et cela nous touche.

Ainsi, Topographie de la terreur est une très bonne lecture. Il met en valeur la chape de plomb qui pèse sur les individualités et le poids des choix. Il laisse entendre la détresse humaine, les conflits de loyauté, des peurs, les doutes, les aspirations à la liberté, les petites rébellions et les grandes indignations. Il montre l'humanité aux prises avec l'histoire, sous l'histoire individuelle, et encore et toujours, la littérature nous parle de l'homme et de la force des choix individuels.
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Un texte en effet implacable comme le dit la couverture. Cette topographie de la terreur nous entraîne dans le Berlin de 1943.
Gerhard Lenz est commissaire à la KriPo à Berlin, il va enquêter sur une série d'assassinats dont les mises en scène semblent ritualisées. Il ne doit son maintien au sein de la " Kripo " qu'à ses distinctions obtenues lors de la Première Guerre mondiale et à ses états de service d'avant l'avènement du nazisme. Blessé lors de la première guerre, il ne sera pas envoyé au front mais pourra être un "simple inspecteur" de la police. Il n'adhère pas complétement aux mesures et idéologies mises en place par le Reich. Quand Flora, la jeune Juive qu'il aime, lui annonce qu'elle attend un enfant de lui, il s'occupe d'assurer la clandestinité de la jeune femme. Il va être aidé par son frère, journaliste resté lui aussi à Berlin et par sa mère.
Il est amené à enquêter sur l'assassinat d'un psychiatre membre du NSDAP retrouvé chez lui dans une mise en scène ritualisée. Ce sera l'occasion pour lui de découvrir l'ampleur du programme d'euthanasie de masse gardé secret par les autorités et de mettre à l'épreuve son courage dont jusqu'alors il se considérait dépourvu face au nazisme.
Une investigation qui le conduira dans le dédale des administrations du Reich et lui fera découvrir l'ampleur du programme d'euthanasie de masse.
Ce texte est impressionnant, car de façon romanesque, l'auteur nous parle de la mise en place des mesures terribles du Reich (des scènes de rafle, des scènes de bombardement...). Ce texte parle des statistiques justifiant Aktion T4, programme d'euthanasie de masse des adultes handicapés physiques et mentaux.
A travers des personnages fictifs et réels, l'auteur nous entraîne dans les rues de Berlin, dans les couloirs des hôpitaux, dans les appartements berlinois et dans certains lieux de cache (de "belles" pages de solidarité entre cachés). Il parle aussi que malgré ce climat délétère et le début des bombardements des alliés, la vie essaie de continuer.
Et il y a aussi cette enquête policière et ces deux meurtres qui vont nous entraîner dans les méandres d'un système d'épuration, celui des malades mentaux mis en oeuvre au début du 3e Reich. Et qui sont ces deux hommes assassinés avec un cruel rituel ? "Eh bien, nous voici en présence d'une victime que l'on ne peut vraiment qualifier d'innocente."
Ce livre est aussi une topographie car nous cheminons dans le Berlin des années 40, dans les quartiers, dans les théâtres, restaurants, hôpitaux. Et d'ailleurs, "la topographie de la terreur" est un musé berlinois, ancien siège de la gestapo.
L'auteur s'est beaucoup documenté sur cette période et les mesures mises en place, il a aussi séjourné dans Berlin.
Un roman policier historique très réussi car il sait mêler la grande Histoire et des "petites" histoires humaines, des histoires d'amitié, d'amour, de trahison, de vengeance. et j'ai beaucoup appris sur le programme d'euthanasie de masse, "AKTION T4", qui visait les juifs, mais aussi les opposants au régime, les asociaux, les déficients physiques et mentaux, les vieux improductifs.
Malgré un sujet difficile et terrifiant, un livre dont je conseille la lecture et qui incite à rester vigilant pour que de telles mesures ne se reproduisent.
#Topographiedelaterreur #NetGalleyFrance
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Plus qu'un polar, ce roman est une plongée haletante dans le Berlin de 1943 et dans les rouages de l'administration nazie, "machine à broyer" impitoyable de tous ceux qu'elle jugeait indésirables, les Juifs bien évidemment, mais aussi les homosexuels, les personnes déficientes mentales ou tout simplement fragiles psychologiquement, et tout opposant politique ou toute personne qui osait émettre la moindre critique du régime.
Ce roman montre comment le régime mis en place par Hitler s'est servi des aspects les plus "instinctifs" de l'être humain (à savoir tout faire pour rester en vie ou pour protéger sa famille jusqu'à parfois dénoncer les membres de sa communauté) pour faire régner la terreur et faire taire toute contestation. On connait la plupart des exactions du régime, mais on sait moins que des Allemands ont malgré tout résisté et se sont opposés comme ils ont pu, de façon plus ou moins active ou passive, selon les cas, comme Gerhard Lenz, le commissaire de la Kripo (police criminelle) qui avant l'arrivée des nazis, était juste un policier chargé d'élucider des crimes et qui se retrouve à devoir "servir" la politique nazie en assistant à des rafles, durant lesquelles il lui arrive de fermer les yeux sur des Juifs qui se cachent ou comme cette journaliste qui aide des Juifs à se cacher ... etc.
Un bon roman donc, qui donne une autre perspective que celle qu'on a plus l'habitude de croire et d'entendre (que tous les Allemands étaient fascistes), dans lequel on tremble pour les héros, car on sent le piège impitoyable se refermer sur eux au fil des pages.
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De nos jours il existe à Berlin un lieu de mémoire appelé « Topographie des Terrors » qui rappelle tous les crimes commis par les nombreuses institutions du Troisième Reich au nom des théories nazies sur une prétendue supériorité raciale. Ce roman reprend le nom de ce mémorial et met en scène ces structures policières et répressives ainsi que les moyens souvent dérisoires employés par le peuple allemand résistant. Régis Descott se démarque des auteurs qui ont choisi Berlin et la Seconde Guerre mondiale comme cadre d'un roman policier historique, son récit revêt des allures de documentaire d'une grande valeur historique.

Les deux personnages principaux ont été habilement choisis. le Kriminal Kommissar Gerhardt Lenz de la Kripo ( il travaille sous les ordres d'Arthur Nebe ) est un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, sa compagne Flora est juive, ils attendent un enfant. Gerhardt a un jeune frère, Arnim, journaliste contestataire obligé de se taire, il est homosexuel. Ces deux personnages cristallisent ce que le parti nazi ( NSDAP ) a désigné comme ennemis. Gerhardt a connu toutes les étapes de l'accession au pouvoir de Hitler et du NSDAP et son travail en 1943 se résume à faire en sorte que les multiples dénonciations envoyées à la Kripo aient le moins de conséquences possibles malgré la surveillance dont il fait l'objet. La presse est entièrement contrôlée et ne permet plus à Arnim de faire son travail de journaliste. Il résiste, à sa manière, aide des juifs mais aussi des artistes jugés décadents et prend des notes pour l'avenir.

Deux scènes de crime identiques vont entrainer Gerhardt au plus près du pouvoir et le rapprocher toujours plus de la terreur et de l'horreur. Les deux victimes sont médecins. Dans leur passé, le Kriminal Kommissar Lenz va découvrir le programme d'euthanasie de masse ( Aktion T 4 ) destiné à épurer le Reich de tous les parasites et races désignés par les théories du NSDAP et érigés au rang de danger pour une race blanche et pure. Ce danger martelé à la population allemande par la propagande de Joseph Goebbels incitait à la dénonciation. Personne ne savait à qui elle avait à faire, la crainte de la dénonciation favorisait l'autocensure. La terreur régnait partout, dans chaque immeuble, dans la rue et jusque dans chaque rouage de l'administration. C'est dans ce contexte que Gerhardt Lenz enquête, notamment dans les milieux juifs en espérant ne rien trouver et quitte à dissimuler la progression de ses recherches à sa hiérarchie pour que le coupable puisse fuir. L'auteur suit les codes du polar avec des indices, des fausses pistes, des impasses et des rebondissements. La recherche de la vérité est aussi passionnante que ne l'est l'enquête interne que subit Gerhardt et sa famille. le Gestapo et ses multiples départements et sections se renseignaient sur tout et tous, avec l'aide de tous ( dénonciation ) avant de recourir à la violence physique. Pour servir d'exemple des simulacres de procès au Tribunal du Peuple ( Volksgerichtshoh présidé par le sinistre juge Freisler ) prononçaient les condamnations à mort.

C'est tout ce contexte, toute cette topographie de la terreur que Régis Descott explore de manière détaillée avec un grand talent de narrateur. Sous les bombardements alliés de plus en plus nombreux, l'histoire de Gerhardt et Arnim suit les méandres d'un état criminel qui les écrasent inéluctablement. le destin de ces deux allemands est aussi passionnant et source de suspense que la facette polar ou que la trame historique. Ce roman est inclassable, bien construit, bien écrit et source d'émotions.

Régis DESCOTT - « Topographie de la terreur » . Parution le 19 janvier 2023, Éditions de l'Archipel. ISBN 978-2-8098-4630-0 .
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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Un excellent roman, bien documenté qui retranscrit l'ambiance terrifiante d'un Berlin où les nazis sont partout et les juifs et les homosexuels traqués. le héros, Gerhard est décidé à tout faire pour protéger la femme qui lui a donné un fils, Flora. Qui se trouve être juive. Ce faisant, il va enclencher une série d'événements qui vont causer la ruine de sa famille. Entre les médecins fanatiques qui tuent sans vergogne, les autorités entièrement dévouées au régime et les imprudences de Flora, Gerhard a fort à faire pour la protéger tout en faisant mine de vouloir démasquer un tueur assez créatif.

Ce que j'aime : le fait que l'auteur ait intégré des personnages réels dans son intrigue, j'ai été marquée par le personnage du poison blond, une juive qui collaborait et dénonçait les siens ( et j'aime le fait que ses raisons soient expliquées)

Ce que j'aime moins : la fin est cruelle pour beaucoup de personnages

Pour résumer

Un excellent thriller qui nous plonge dans un Berlin à demi détruit où tout le monde se soupçonne

Ma note

8/10
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Gerhard Lenz est commissaire à la KriPo, il s'est illustré par ses actions militaires lors de la 1ère guerre mondiale mais n'a pas suivi le pouvoir allemand dans le nazisme, conservant sa place pour mieux lutter contre le régime. Pour preuve, il s'évertue à sauver des juifs lorsqu'il intervient sur des opérations de rafle dans le cadre de ses fonctions.
Il va pouvoir s'échapper de ce quotidien écoeurant lorsqu'il est appelé à enquêter sur la mort d'un médecin, mort mise en scène, particulièrement cruelle et violente. En examinant la scène de crime il va prendre le risque de soustraire un indice pour pouvoir enquêter discrètement, soupçonnant que cet assassinat puisse être lié au judaïsme.
Régis Descott nous embarque alors dans la véritable vie des berlinois gouvernés par les SS entre les soumis et les résistants.
L'enquête est menée via les archives de l'époque, entre les exterminations des malades mentaux et la déportation des juifs qui connaîtront le même destin. Homosexuels, critiques du régime, résistants actifs ou passifs, qui s'oppose aux dictacts du IIIeme Reich connaîtra un destin funeste.
Amateurs d'Histoire, foncez ! Il y a un travail très qualitatif dans ce livre.
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Le commentaire de Cathy :
C'est un roman sombre que nous propose Régis Descott, une histoire aussi noire que cette couverture qui nous est proposée.
En 1943, à Berlin, Gerhard Lenz, commissaire à la Kripo, tente de mettre à l'abri Flora, une jeune femme juive enceinte de lui.
L'enquête qu'il va mener, suite à l'assassinat d'un psychiatre, membre du NSDAP, va lui faire découvrir l'ampleur d'un programme d'euthanasie de masse, appelé Aktion T4 et le rôle joué par des médecins nazis.
Topographie de la terreur est vraiment le titre parfait pour ce roman, on aurait également pu y rajouter horreur, ce récit nous fait plonger dans une partie terriblement sombre de notre histoire.
L'auteur a dû effectuer un gros travail de recherche pour nous proposer un récit aussi bien documenté, le résultat, qui en découle, est tellement réussi que j'ai été transportée dans ce Berlin de 1943.
J'ai ressenti énormément de sentiments différents pendant ma lecture, le dégoût face aux exactions que nous découvrons, la colère et la peur.
J'ai apprécié de suivre l'enquête menée par Gerhard Lenz, je ne suis pas prête d'oublier les différents événements auxquels nous assistons, je viens de passer un bon moment de lecture.
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Gerhard, un commissaire de la Kripo, doit enquêter sur des meurtres qui semblent être mis en scène contre des personnes juives en plein contexte nazi, tout en devant protéger une jeune femme juive qui porte son enfant. Durant tout le livre, il doit alterner entre ses responsabilités de commissaire, et "traquer" les juifs, et sa propre morale qui l'empêche de faire du tort à des innocents. Lors de son enquête, il va découvrir que les médecins nazis ont créé un programme d'euthanasie de masse envers les juifs. Ce qui va chambouler tout le cours de son investigation. 

Régis Descott nous décrit avec justesse cette ambiance berlinoise en pleine guerre, alors qu'Hitler est au pouvoir et à déclaré la guerre envers les juifs. On ressent continuellement ce stress et cette tension propre à cette période, où chaque chose que l'on peut apprendre nous fait froid dans le dos. Fortement inspiré de faits réels, ce livre ne peut nous laisser indifférent. Ce texte est parfaitement écrit, on est très rapidement plongés dans cette ambiance sombre, que l'on peut aujourd'hui ressentir quand on visite Berlin et qu'on s'intéresse à son histoire. 

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