AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

Marianne Véron (Traducteur)
EAN : 9782742721344
892 pages
Actes Sud (25/02/1999)
3.76/5   192 notes
Résumé :
De la chronique des vies ordinaires prises dans l'étau de la guerre froide à la grande - et petite - histoire de la bombe atomique, du légendaire match de base-ball disputé à New York en 1951 à l'épilogue crépusculaire en Asie centrale, Outremonde couvre le dernier demi-siècle de l'histoire américaine.
Sur l'immense scène du roman, dans un foisonnement d'intrigues, certaines des figures qui ont marqué cette période - J. Edgar Hoover, Frank Sinatra, entre autr... >Voir plus
Que lire après OutremondeVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (18) Voir plus Ajouter une critique
3,76

sur 192 notes
5
8 avis
4
2 avis
3
2 avis
2
2 avis
1
3 avis
J'étais plongée dans Underworld, et je me suis vue à un dîner, dire tout le bien que je pensais de MON Don Delillo, comme si je voulais convaincre mes camarades de le lire.
C'était crétin. Et pas vraiment mon but d'ailleurs, mais ça y ressemblait.
C'était crétin, parce que c'est MON Don Delillo. Comme si tu pouvais convaincre des gens, non de faire un enfant, mais de faire TON enfant.
C'était crétin, parce que Don Delillo, ce n'est pas une lecture, c'est une action. C'est une action de plonger dans un livre tel que Underworld/Outremonde (je n'arrive pas à choisir). C'est une action d'y nager, de sortir de l'eau, d'y replonger ensuite. On ne lit pas un Don Delillo, on vit avec. On peut prendre son temps à l'infini, comme un film d'Hitchcock qu'on passerait au ralenti à deux images/seconde. On peut le reprendre dès qu'on a tourné la dernière page, et le relire, le relire. On peut passer sa vie avec. Ou carrément déménager dedans. Ça m'arrive souvent de rêver que je découvre des pièces abandonnées dans mon logement, c'est des rêves géniaux, ça existait et je l'ignorais, et maintenant mon habitation s'agrandit, s'agrandit, c'est là c'est gratuit c'est à moi. Je déteste me réveiller de ces rêves-là. Peut-être que grâce à Don, ces pièces secrètes sont maintenant à ma disposition.
Don, merci pour cette grâce, merci pour ce don. Don a le don, au moins de ME donner ces ouvertures. Et j'ai la grâce de savoir les recueillir, ces dons de Don.

"Are you experienced ?" le délire sous héro de Jimi Hendrix. Yes sir, now I am. Cette expérience de lire un Don Delillo, je sais qu'elle est rare, qu'elle est incroyable, qu'elle n'est pas destructrice mais remplissante, qu'elle n'est pas simple à atteindre c'est vrai, d'où l'envie de regarder avec une douce condescendance ceux-celles qui ne l'ont pas vécue, poverini.
Mais parce que certains se sont lancés et n'ont pas adoré le voyage, j'avoue humblement que… que j'ai de la chance. La chance que plein de choses résonnent en mes appartements, avec cette lecture. Résonance. Je vais répéter ce mot, tant j'ai baigné dans ces résonances, tant mon voyage à moi dans Underworld en était plein. J'ajoute qu'il me semble que Delillo marche comme ça aussi. Résonance, ces boules de billards qui rebondissent dans sa tête puis dans sa plume, je le sens comme ça, mon Don. Tiens, par exemple.
Delillo a déclaré : "l'assassinat de Kennedy m'a fait". "…m'a inventé comme auteur". "Je ne serais pas cet écrivain si cet assassinat n'avait pas eu lieu".

Il a expliqué dans une autre interview qu'il a appris que Lee Harvey Oswald avait vécu dans le Bronx, comme lui, jeune ado. Et que soudain, en résonance, cette vaste histoire du mystère Kennedy pouvait lui être accessible, humainement, quasi dans sa chair, parce que ce qu'il voyait de sa fenêtre dans sa jeunesse, le petit Oswald l'avait sans doute vu aussi, à quelques années près.
Et c'est cette simple constatation qui l'avait mis dans le train qui arriverait à Libra, son livre sur Oswald, qui a fasciné James Ellroy et l'a décidé à se lancer dans American Tabloïd.

Etrange, cette confidence. Je la capte à 100%, juste ravie et étonnée. Je suis moi-même en plein 22 novembre 63. Je connais chaque cm2 de Dealey Plaza, chaque rue qui y accède, chaque angle de tir, l'emplacement de chaque témoin… Ça fait des années que je m'y plonge, dans l'univers Kennedy, mais là quand je lisais Outremonde, j'y passais (j'y passe encore) plusieurs heures par jour - par nuit. Un puits sans fond de découvertes.
Á la toute fin de Americana (ouvrage de jeunesse de Don Delillo), le héros passe par Dealey Plaza avant de rentrer à New York. Il nomme les rues Elm, Houston, Main Street qui résonnent à l'oreille de tout kennedophile. Ça n'occupe qu'un petit paragraphe, ça n'a rien à voir avec l'espèce d'histoire du livre, mais c'est là, au chaud, inscrit.
Je ne parle pas de Libra bien sûr, qui commence dans le métro du Bronx enveloppant le jeune Lee Oswald de sensations kaléidoscopiques. Mais dans Point Omega, le 4ème livre de Delillo que j'ai lu pour l'instant, le Psychose d'Hitchcock passe donc à deux images/seconde… Peut-on y trouver une résonance avec le film de 26 secondes montrant l'assassinat de Kennedy tourné par un amateur, Abe Zapruder ? Ce film a été scruté image par image, à l'infini, la balle qui arrive, le cerveau de Kennedy qui explose, Jackie qui part sur le capot arrière pour récupérer ces morceaux de la chair tiède de son mari, la réaction des gens, la voiture qui repart…

Dans Underworld, sautant du coq à l'âne, on découvre cette scène où des arties new yorkais, en 1974, ont mis la main sur une captation houleuse du film de Zapruder, et diffusent ça en boucle dans un appartement-galerie underground. Les 26 secondes ensanglantées ne seront diffusées à la télé qu'un an plus tard en 1975. Et nos artistes arties désabusés regardent ces incroyables images et se retrouvent en slip. Un homme meurt sous nos yeux. Un vrai homme meurt vraiment. Son crâne explose, bien rouge, en vrai. Je venais d'en parler la veille, de ce film du siècle, et voilà que sans prévenir, débarque cette scène étrange du livre. Je me suis sentie un peu distendue entre littérature, réalité et mythe, entre présent (ma lecture au lit), passé réel de l'assassinat et passé de fiction, entre Dallas (la mort de JFK), New York (les arties sidérés) et Paris (mon lit douillet).
Don Delillo parle aussi, dans un chapitre différent, d'une autre video. Vers 1985, une petite fille dans la voiture familiale qui part en vacances, s'amuse à filmer une voiture roulant près d'eux, sur l'autoroute. Il ne se passe rien, l'homme esquisse même un léger signe vers la gamine. Puis il se fait tuer d'une balle. le tueur de l'autoroute du Texas à l'oeuvre, sans doute dans la voiture suivante que la gamine n'a pas filmée. Un serial killer de fiction. Dans le livre, ce film passe en boucle à la télé plusieurs fois par jour, et les gens sont fascinés de voir sur une video amateur un homme qui meurt, en direct. Je n'ajoute rien !

Quoi d'autre, comme incroyable hasard de résonance entre ma vie et le livre ?
Ce petit tricotage joli :
Un des personnages du livre est une bonne soeur. Une observatrice pointue de la vie de son quartier, le Bronx. Delillo l'a appelée Soeur Edgar - au moins un gros clin d'oeil à Hoover, bien sûr. Mais il n'y a pas que JFK dans la vie.
La Soeur Edgar qui fait la classe aux élèves du Bronx, se lance pendant les vacances à apprendre par coeur le Corbeau. Don D. ne cite pas l'auteur, c'est le Corbeau, voilà. Petit indice cependant, il dit juste que la soeur Edgar se sent très edgarienne avec ce texte.
Il s'agit du poème le plus célèbre de Edgar Allan Poe, The Raven, et justement…
Je l'ai appris par coeur, il y a bien trente ans. En anglais. du genre j'adore me le réciter à l'occasion, c'est assez hypnotique comme litanie.
And the Raven, never flitting, still is sitting, still is sitting…
C'est pas fini, il est taquin, Don D., il écrit que soeur Edgar apprend à ses élèves à ne jamais commencer un texte ou une phrase par "Et".
Le début du poème : "Et le corbeau, jamais en train de voler, toujours assis, toujours assis"…
Delillo, lui, a commencé son livre de jeunesse, Americana, par "Puis".
Mais il y a peut-être que JFK dans la vie delillesque, car la fin de ce poème dit :
"Et mon âme, prise dans cette ombre qui ment en flottant sur le sol… Ne se relèvera… Plus jamais."
Et moi, en immersion jihaifkaïenne, j'y vois une résonance avec ce qu'a déclaré Don, cité plus haut : "le 22 novembre m'a fait". Comme si son âme, prisonnière de cet acte, de ce meurtre, de ce film, et de tous les mensonges qui flottent autour, ne se relevait pas. Ne s'en relèverait jamais.
Never more.
Quoi, ça ne vous épate pas ? Vous êtes difficiles, mais j'en ai d'autres sous la semelle.
Nouveau jeu de hasard entre DDL et moi : Lenny Bruce. Lenny, nous les adoratrices de Dustin Hoffman, on l'avait vu, ce film de Bob Hope, il y a fort longtemps - au moins je savais qui était ce gars, roi torturé du stand-up et provocateur traqué par le puritain FBI de Hoover pour obscénité. Jusque là dans ma tête, Lenny Bruce avait la tête de Dustin Hoffman, quand soudain je découvre sur une parution d'une amie-facebook la vraie tête du gars, que j'ai trouvé incroyablement sexy. Lourde paupière, au bord de l'abîme, bouche acerbe, joue boudeuse, rhâââââaaa lovely…
Et pof, DDL me le sert tel qu'en lui-même sur de longues pages, dans la folle angoisse d'une guerre nucléaire évitée de peu (grâce aux Kennedy's brothers, pour le coup). Un Lenny sur-angoissé qui transforme ça en délire au long des scènes qu'il vient hanter.

Pour le hasard suivant, ce n'est qu'un détail, mais ça m'a amusée. le logo de Lucky Strikes représente-t-il une cible ? s'interroge DDL qui décrit ces cercles de différentes couleurs. Moi pour vérifier, je ne vais pas voir sur internet à quoi ressemble ce logo, non, je vais voir mon produit vaisselle. le truc con : j'ai collé sur le distributeur de savon une pochette Lucky Strikes (de tabac) gardée depuis des siècles, quand on voyait encore la marque sur les paquets de tabac ou de clopes. Ça m'amuse de lier du produit vaisselle avec du tabagique, comme ça, comme un non-sens.
Non, ça ne ressemble pas à une cible, moi je dis. Sacré Don.
Et dites-moi, Lucky Strikes, traduit en français, ça ne veut pas dire "grèves chanceuses" ? Encore un non-sens… Mais euh non suis-je bête, il y a du strike au bowling, et aussi au baseball.
Et le livre commence par la description du "coup chanceux", du lucky strike de folie lors du match d'anthologie au Polo Grounds de New York le 3 octobre 1951 (l'équivalent dans la mémoire américaine de "notre" finale du Mondial le 12 juillet 1998). Celui où Don D. place, dans le public, Hoover et Sinatra.
La "balle magique" de 1951, tirée ce jour par Bobby Thomson en un inoubliable home-run, la balle qui a fait le tour de la terre tellement le tir a été puissant, est tombée derrière les gradins. Et toute la trame du livre est là, la balle de Thomson, qui va s'en emparer, quel est l'unique chanceux qui va réussir ce coup-là… "Where is the ball" est en quelque sorte le leitmotiv du livre. Elle passe de main en main, la balle historique, on suit ces mains, l'histoire de ces gens, les propriétaires successifs.
Dont un type, qui a construit dans sa cave un vrai musée du baseball, et dont "la" balle est le plus grand trésor. Il s'appelle Lundy, dans le livre.
La "balle magique" de 1963 (rendue célèbre par Oliver Stone dans son film JFK) est censée être la deuxième balle tirée par Lee Oswald à Dallas. Elle n'est pas passée de main en main mais de muscle en muscle, traversant Kennedy à l'épaule près du cou puis enchainant sur Connally assis devant lui dans la Lincoln décapotable. le gouverneur a été touché à l'épaule, à la cuisse, au poignet… La balle a disparu dans l'espace-temps, puis a été retrouvée sur le brancard de Connally à l'hôpital, quasi-intacte.
DDL ne pouvait pas deviner, en écrivant ce livre en 1997, que 16 ans plus tard, le possesseur de la balle Monsieur Lundy, non pardon, Monsieur Landis, allait faire des révélations.
Paul Landis, alors un des agents de sécurité autour de Kennedy à Dallas, a foiré sa mission puisque Kennedy est mort. Il a démissionné des Secret'Services six mois après, morfondu de culpabilité. Et là en 2023, il a fini par raconter que quand la décapotable a été vidée de ses occupants à l'hôpital Parkland, il est venu voir la voiture et a vu une balle, à l'endroit des pieds de Kennedy. Il dit l'avoir prise, et posée sur le brancard de Kennedy dans l'hôpital à l'attention des médecins. Sauf que ça faisait quatre balles retrouvées, or la version officielle veut qu'il n'y en ait eu que trois, tirées par Oswald. Et cette balle, celle dont parle Landis, s'est perdue dans le marasme du 22 novembre fatal.
Where is the ball ?
Tiens, DDL a écrit, trente ans avant Underworld, un texte nommé "Spaghetti and meatballs", en bon enfant de parents italiens du Bronx (Scorcese a fait un mini doc sur les fameuses boulettes à la tomate de sa mamma - apparemment c'est marquant !). Juste pour dire que les "meatballs", en français, ça se dit "boulettes" (de viande) et qu'en anglais, une balle est une boulette, pardon, a bullet.
Where is the ball ?

Mais Kennedy n'est en rien le sujet central du livre. Il y a deux thèmes, dirais-je. La balle, son parcours, l'histoire de chacun de ses propriétaires.
Et quasiment une étude, qui court tout le long du livre : les déchets, les déchets laissés par les humains.
Eh, dans la nature hors humains, il n'y a pas de déchets ? Ah oui, non. Même les crottes des animaux viennent nourrir la terre, sans parler des os laissés aux charognards nettoyeurs, les branches et feuilles mortes alimentent la terre aussi, les coquillages vides deviennent du sable, bref, rien ne se perd, vous connaissez le truc.
Les humains, eux, laissent des souvenirs encombrants. Ça va des matières fécales… aux déchets nucléaires.
- Texte d'anthologie sur un coin perdu du Kazakhstan. Désert rocailleux, le livre en est plein d'ailleurs. Désert rocailleux, et un business ahurissant - et pourtant nécessaire : se débarrasser des déchets nucléaires en les compactant, en les enterrant profond dans ce désert, et en les faisant exploser.
Avec, c'est vrai, quelques dégâts constatés sur les rares populations alentours.
- Texte d'anthologie aussi, ce récit du "bateau de merde". C'est délirant. D'en écrire des pages, des vraies pages de vraie littérature. Des pages pleines d'humains aussi, ce n'est pas technique, c'est bien nous. Ça ne parle pas d'autre chose que de merde, pourtant, mais c'est tellement étudié, écrit, balancé, que ça en devient fascinant. le lent voyage jusqu'en Union Soviétique, les viscères qui s'en ressentent et sentent, l'odeur du bateau comme une réminiscence hypnotique pour le personnage. Une hallucination, ce passage, Don a le don, nomdedieu quel grand écrivain, cet homme.

Les déchets, ce n'est pas fini :
- Les déchets qui deviennent des constructions architecturales, ces pyramides d'ordures new-yorkaises s'élevant au bord de l'Hudson en périphérie, monuments pleins, grandissant, envahissant le ciel…
- Et les déchets qu'on transforme en art ? Découverte des Watts Towers, l'oeuvre d'un modeste Italien immigré, Simon Rodia, qu'on appelle le facteur Cheval de L.A., à vous de farfouiller. L'art du déchet, aaah là bien sûr que ça me cause, à moi la factrice Jument, la reine des poubelles, de la récup, de la transformation, jusqu'à en écrire un petit livre. Vos emplettes sont nos emplois, disait la pub ? Vos déchets sont mes sujets, dirais-je. Vos déchets propres, ce qui reste sur le trottoir après un déménagement, après des travaux, après vous… J'adoooore, j'adore faire ça, j'adore l'art modeste des frères di Rosa, j'adore ces matériaux gratuits qu'il n'y a qu'à piocher au hasard des rues pour les transformer en oeuvre d'aaaaart. Encore une vraie résonance, et pas la moindre, avec le cher Don.

- Et voir plus grand, en mettant de la couleur sur le cimetière des B-52 dans le désert, méga récup artie de méga déchets. Ça c'est un des personnages du livre qui nous présente le concept. de la couleur sur ces engins de mort morts, qui croupissent dans le désert, inoffensifs, et qui jadis répandaient du napalm au Vietnam. le cauchemar orange de l'époque, le cauchemar du napalm, et des gens qui pilotaient ces B-52. Des gens qui noient l'horreur de leurs actes en s'imposant l'horreur des déchets humains voguant sur la grande bleue…

- Et pousser très loin le concept de l'art de la récup, taquin Delillo, taquins artistes engagés. En venant faire les poubelles de Hoover le roi des poubelles des autres (incroyable comme ces sacs bien fermés renferment d'informations, disait-il en envoyant ses sbires fouiller tout ça pour découvrir des preuves). Faire les poubelles de Hoover, à son grand effroi. En garder ce qui est comestible, le cuisiner, le digérer, le chier et lui envoyer cette oeuvre, considérez ça comme un hommage monseigneur.

On le croise ainsi plusieurs fois dans le livre, J. Edgar Hoover. Tout n'est pas noir ou blanc, ni dans la vie ni dans le mystère Kennedy, tout n'est pas noir ou blanc, sauf cette fête new-yorkaise organisée par Truman Capote et restée culte, toute en tenues et masques noir&blanc. Hoover n'était pas invité, mais a décidé d'y aller quand même, avec son homme. Et un masque ouvragé qui le dissimulait à peine. C'était en 1966, Capote triomphait avec son livre "De sang froid".
Hoover n'était pas invité au meurtre de sang froid de Kennedy, mais derrière son masque, ayant toutes les infos sur la préparation du coup, il a laissé faire.
Non, c'est pas une obsession ! C'est des résonances, la madame vous a prévenus… Oui parce qu'apparemment, durant cette célèbre fête qui a vraiment existé, il n'y avait ni Hoover ni son homme, Colson. C'est Don Delillo qui les a invités, alors, a-t-il fait le lien lui aussi ? Même chose pour le match du prologue du livre, "Le triomphe de la mort".
Petit tricotage fiction/réalité : Sinatra (alors avec Mia Farrow) a vraiment été invité à la fête de Truman Capote, mais Don n'en parle pas. Il le situe par contre dans le public du match du prologue. Ce qui semble être inventé.
Sinatra, vous savez, le super-pote de JFK… jusqu'à ce que celui-ci soit élu. Bon d'accord je ne dis plus rien.

Petit gag pour finir : il y a longtemps, avec un pote né le 9 novembre, on avait dressé la liste des évènements qui ont eu lieu à cette date. Une sérieuse liste, célébration de cette période de l'année qu'on peut appeler "le triomphe de la mort", chère aux sorciers, où la nature commence à s'éteindre et la "survie" des êtres doit piocher dans des sous-sols mystiques pour tenir bon en entr
Commenter  J’apprécie          20
Juste grandiose, 900 pages qui couvrent 40 d'histoire des USA, on suit le parcours d'une balle de baseball, les destins croisés de personnages, on parle de Hoover, Lenny Bruce et on est happé par cette maitrise du récit, littéralement pris dans une vague de mots, d'histoires

Attention le récit est antéchronologique ce qui peut être rebutant, mais si vous surpassez cela, alors attention chef d'œuvre !
Commenter  J’apprécie          350
Généralement, quand un livre est annoncé comme étant un chef d'oeuvre, certainement dans un des domaines que j'affectionne, les auteurs US post Deuxième Guerre Mondiale, je me jette dessus et très souvent, j'adhère à cet avis après lecture. J'avais dévoré Libra de Don DeLillo et lu aussi, mais moins aimé, Chiens Galeux. Bref, l'auteur correspondait à mes aspirations et j'étais sûr qu'Outemonde allait pleinement répondre à mon attente.
Mais quelle déception. Quel ennui. Quelle supercherie. le premier chapitre est une punition. On nous place dans un stade et on nous oblige à revivre un match de baseball de 1951 opposants les Giants de New York aux Dodgers de L.A. On espère que la narration du match pourra nous passionner, nous plonger dans le contexte, puisque le chapitre se veut la porte vers la suite du récit. On croise vaguement Frank Sinatra, ce personnage tant galvaudé dans les romans traitant de cette époque, on croise aussi Edgar J Hoover dans les travées du stade des Giants. Et on se met à espérer. Hoover, ce personnage à tiroirs, naviguant entre pègre et gouvernement est d'habitude garant d'histoires succulentes, lui, l'homosexuel refoulé qui chasse les tantouzes à tour de bras. Bref, le chapitre accouche d'une souris, sauf si la disparition de la balle du match vous procure un plaisir littéraire. Cela pourrait être le cas, si le style était là pour nous subjuguer. Après tout , La Chambre de van Gogh nous montre une banale chambre de célibataire, mais traitée avec talent, au point de devenir une oeuvre majeure. La quête d'une balle de baseball pourrait très bien découler vers un texte tout aussi sublime. Mais non: phrases ampoulées, aucun nom sans adjectif souvent inutile, lenteur outrageuse, rendent le récit lourd et très indigeste. La plume de DeLillo n'est pas le pinceau de van Gogh.
A l'issue cette introduction, soulagé, j'ai entamé la suite, me disant que cette intro n'allait pas gâcher ma lecture tant attendue, allons.
Je serai bref. La suite fut sans le moindre intérêt, nul trace de cette histoire américaine qui jetait les bases de sa mainmise sur le monde économique et politique et qui aurait dû donner lieu à un texte sublime, comme Roth, Ellroy ou Wolfe savent si bien le faire. DeLillo a poursuivi son magma, son gluant tégument de mots, trop souvent composé d'adjectifs. Résultat, abandon après deux cent pages. Lire les sept cent pages suivantes me paraissait une épreuve insurmontable. Ce livre, je ne me suis pas contenté de le refermer, il me fallait accomplir un geste symbolique, voire expiatoire. Je l'ai déposé dans une boîte à livres, avec tout de même une pensée pour le pauvre quidam qui allait le recueillir avec des étoiles dans les yeux, ensuite depuis la fenêtre ouverte de ma voiture, j'ai effectué un dernier bras d'honneur à cet Outremonde (de mes deux).
Je n'ai pas trop aimé ce livre.
Commenter  J’apprécie          142
Bon, après avoir consciencieusement défoncé le "City on Fire" de Garth Risk Hallberg, je me devais de faire une critique positive : j'aime les livres ! Alors quoi de mieux que DeLillo, the real thing du roman choral américain, le Terence Malik de la littérature, qui chatie l'Amérique comme il l'aime, avec passion.
Outremonde nous transporte dans l'espace et le temps à travers l'Amérique d'après guerre avec comme fil rouge la quête de la balle d'un match de Base Ball historique entre les deux équipes New Yorkaises des Giants et des Dodgers en 1951.
Initiation, liens familiaux, petite et grande histoire (J Edgar Hoover en est un personnage central), mythologie et société, ces thèmes sont traités avec un lyrisme et une profondeur rarement atteints.
Une lecture pas toujours aisée, mais qui réussit partout où GRH a échoué selon moi dans City on Fire. D'abord parce que Don DeLillo, né en 1936 à vécu les époques qu'il décrit, et cette expérience change tout dans la description sensible de New-York, de Los Angeles ou du désert. Ensuite parce que de Lillo a écrit ce livre a 60 ans. Et là aussi ,cette expérience de vie fait tout la différence dans l'étude des caractères et des sentiments, et le recul vis à vis des évènements politiques et sociétaux. Enfin, DeLillo a attendu d'être un écrivain mature pour s'attaquer à une oeuvre d'une telle ambition.
Injuste de comparer de Lillo à Hallberg? Certainement, mais c'est la presse qui a commencé !
Jetez vous sur cet ouvrage, pour moi (et bien d'autres) pierre angulaire de la littérature américaine contemporaine avec le Suttree de Cormac Mc Carthy.

900 pages de papier bible qui changent votre vision de la littérature.
Commenter  J’apprécie          140
"Outremonde" s'ouvre sur un prologue magistral, presque un roman à lui tout seul, dans lequel l'auteur relate l'un des matchs de base-ball les plus célèbres de l'histoire de ce sport, opposant les Dodges aux Giants, ces derniers gagnant la partie de façon inattendue et spectaculaire quelques minutes avant la fin du match. Dans les tribunes, J. Edgar Hoover, venu accompagné entre autres de Franck Sinatra, apprend que l'URSS vient de procéder à un essai nucléaire. Essai qui, le lendemain, disputera laborieusement la une des journaux au compte-rendu de la rencontre qui s'est jouée cette journée de 1951 au Polo Grounds, et qui restera gravée durant des décennies dans l'esprit de milliers d'américains.

A l'issue de ce prologue, le récit fait un bond jusqu'en 1992… le lecteur fait alors la connaissance de Nick Shay, cinquantenaire aisé travaillant dans le recyclage des déchets, qui fut dans les années 50 et 60 un adolescent du Bronx.

C'est ensuite comme une succession de prises de vue que nous expose Don DeLillo, partant de cette année 92 pour remonter le temps jusqu'au début des années 50. Prises de vue du panorama de la société américaine au temps de la guerre froide, qui mènent du désert du Sud-ouest des États-Unis, où furent pratiqués les essais nucléaires à la modernité des gratte-ciel New-yorkais, de tranquilles banlieues pavillonnaires et universitaires aux bas-quartiers où les enfants meurent de la tuberculose, du sida, de coups et blessures. Nick sert de fil conducteur au récit, lien parfois ténu entre la plupart des personnages.

Comment traduire, évoquer le plus justement possible le retentissement des années de guerre froide sur ceux qui les ont vécues ? Pour réaliser cet ambitieux projet, l'auteur s'est attaché à dépeindre les tranches de vie de personnages d'origines diverses, et qui par conséquent abordent la menace nucléaire avec plus ou moins d'angoisse. Les passages, notamment, qui retranscrivent certains sketchs du comique Lenny Bruce, devenu paranoïaque, obsédé par le péril soviétique, sont admirables d'éloquence...

Don DeLillo fait preuve à la fois d'un certain détachement et d'un sens aigu de l'analyse de la nature humaine, avec une lucidité qui confine parfois au cynisme. Il traque les contradictions et les véritables motivations qui déterminent les actes, les peurs qui se dissimulent derrière certains comportements, et notamment celle, souterraine mais omniprésente, de l'apocalypse atomique, entretenue par les deux grandes puissances de la guerre froide, et débouchant sur le fantasme du complot, avec lequel certains jouent parfois avec excitation. Une hantise qui finalement se fond avec ces angoisses éternelles que sont celles de la mort ou de la maladie…

Ceci dit, il serait injuste de réduire « Outremonde » à une chronique de cette peur du nucléaire. C'est en effet une vue beaucoup plus globale de 40 ans d'histoire américaine que nous offre l'auteur, des faits divers ayant marqué l'opinion (des assassinats perpétrés par le tueur de l'autoroute du Texas aux émeutes de Los Angeles suite au passage à tabac d'un jeune afro-américain…) aux faits « historiques » (tels le mouvement de contestation noire des années 60 ou l'épisode de « la baie des cochons »…), dont il évoque également les résonances sur les destins individuels.

Il est impossible de citer tous les thèmes abordés dans ce roman tant il est dense, tant ses histoires et ses personnages sont multiples… C'est presque l'âme des États-Unis que l'on a l'impression d'y voir mise à nu, ou encore l'autopsie d'une époque dont les entrailles recèleraient le ferment de la société à venir, une société où le besoin de sécurité et de protection est exacerbé, où les événements médiatisés ont plus d'impact que les réalités de la vie quotidienne…

La longueur et la complexité d' « Outremonde », qui rendent sa lecture parfois un peu laborieuse, ne l'empêchent cependant pas d'être un roman passionnant.
Lien : https://bookin-ingannmic.blo..
Commenter  J’apprécie          70

Citations et extraits (40) Voir plus Ajouter une citation
- Je m'attends à entendre Al Hibbler chanter Enchained Melody.
-Al Hibbler était bon.
- Bon ? Bon mon cul, oui, il était stupéfiant. Tu trouves que Ray Charles est aveugle ? Al Hibbler, ça c'était un aveugle !
Commenter  J’apprécie          31
Ce sont des roses anciennes françaises qui grimpent le long du tuyau de cheminée, d'une couleur qu'on appelle Cuisse de Nymphe émue.
Commenter  J’apprécie          30
Il était assis par terre avec les yeux ouverts et s'apererçu que le soleil se levait derrière lui et se demanda ce que ça voulait dire. Ça voulait dire qu'il était tourné dans la mauvaise direction depuis le début.
Commenter  J’apprécie          30
- Je réfléchissais, je travaillais, je dessinais, je faisais des petites huiles et des grands fusains, et finalement je me suis rendu compte. Ce n'est pas Marilyn que je veux, c'est une fausse Marilyn. Je voulais un air fabriqué. Je ne voulais pas Monroe, je voulais Mansfield. Toute en lèvres gonflées et des nichons d'enfer. Je veux dire, c'était tellement évident et ça m'a pris l'éternité, merde.
-Est-ce que j'ai déjà vu un film avec Jayne Mansfield ?
-Non, personne. Aucune importance. Elle ne pouvait pas tenir dans un film, dit Acey. Et il y a eu toutes les autres Marilyn. D'un côté on ne peut jamais avoir trop de Marilyn. D'autre part dès l'instant où Marilyn est morte, toutes les autres bombes sexuelles sont mortes avec elle. Elles ont été comme bannies philosophiquement de l'existence. Jayne n'a survécu à Marilyn que cinq ans, et pendant près de quatre ans et demi sur cinq elle a été exclue, lessivée, battue par son mari numéro je ne sais plus combien, et il ne restait plus rien d'autre que les films de récupération et la boisson à mort.
Commenter  J’apprécie          40
"Si vous m'embrassez, dit-elle, j'enfoncerai ma langues si profondément dans votre gorge.
- Oui.
- Qu'elle vous transpercera le coœur."
Commenter  J’apprécie          30

Videos de Don DeLillo (10) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Don DeLillo
White Noise | Teaser officiel VOSTFR | Netflix France. Inspiré du roman "Bruit de fond" de Don DeLillo, WHITE NOISE (2022) est un film de Noah Baumbach avec Adam Driver et Greta Gerwig.
autres livres classés : romanVoir plus
Les plus populaires : Littérature étrangère Voir plus


Lecteurs (839) Voir plus



Quiz Voir plus

Dead or Alive ?

Harlan Coben

Alive (vivant)
Dead (mort)

20 questions
1822 lecteurs ont répondu
Thèmes : auteur américain , littérature américaine , états-unisCréer un quiz sur ce livre

{* *} .._..